La cour d’appel retient que le seul fait, pour une influenceuse, de se mettre en scène et de se photographier dans une cage d’ascenseur selon la technique du « selfie », accompagnée d’un chien, ne confère pas à la photographie réalisée un caractère original.
Par ailleurs, la reprise par une société de prêt-à-porter, pour ses visuels publicitaires, des éléments figurant dans ce cliché ne caractérise pas un comportement déloyal de la part de la société, qui n’a fait que s’inscrire dans la tendance du moment. De même, les actes de parasitisme ne sont pas caractérisés.
1. Le selfie, les influenceurs et « le tout à l’égo ». Nous vivons à l’ère du « tout à l’égo » pour reprendre l’excellente formule de Régis Debray. Une ère exhibitionniste, narcissique, qui s’épanouit plus particulièrement sur les réseaux sociaux(1) où l’un des gestes phares est le selfie ou « égoportrait », qui consiste à prendre une photo de soi-même et à la poster en ligne(2). Certains font d’ailleurs commerce de ces images – les influenceurs (qui ...
Cour d'appel, Paris, (pôle 5 - ch.2), 12 mai 2023, Sté Maje c/ Mme S.
Jean-Michel BRUGUIÈRE
Professeur à l'Université de Grenoble-Alpes Directeur du CUERPI Avocat of ...
27 juillet 2023 - Légipresse N°416
1741 mots
Veuillez patienter, votre requête est en cours de traitement...
(1) Sur les difficultés juridiques posées par ces espaces, v. J.-Cl. Communication, v° La protection de l’entreprise sur les réseaux sociaux, par J.-M. Bruguière, fasc. 620, 2022.
(2) V., P. Delerm, L’Extase du selfie ou autres gestes qui nous disent, Seuil, 2019.
(3) V. loi du 9 juin 2023 visant à encadrer l’influence commerciale et à lutter contre les dérives des influenceurs sur les réseaux sociaux, JO 10 juin 2023.
(4) Ce n’est pas la première fois qu’un droit d’auteur est réclamé sur un selfie. V. le célèbre litige sur le selfie du singe aux États-Unis : Northen District of California, 28 janv. 2016, case n° 15-cv-04324-WHO, Naruto et al. v. Slater et al., et United States Court Of Appeals For The Ninth Circuit, 23 avr. 2018, n° 16-15469.
(5) V. Légipresse 2023. 268.
(6) Paris, 26 nov. 2021, n° 20/03316, Propr. intell. 2022, n° 83, p. 67, obs. P. de Candé, qui exige une description objective de l’œuvre mais la juge suffisante car elle révèle des choix créatifs. Approche objective encore à propos de la suspension dite Vertigo : Paris 16 sept. 2022, n° 21/02991, PIBD 1196. III. 8 ; contra, Paris, 4 mai 2018, n° 17/15470, inédit (nécessité d’une preuve subjective : le demandeur doit décrire les éléments qui composent la création et dire en quoi ils participent d’un effort créatif) ; dans le même sens, v. TGI Paris, 1er sept. 2017, n° 15/10799.
(7) Depuis not. l’arrêt CJUE 1er déc. 2011, aff. C-145/10, Eva-Maria Painer, Légipresse 2012. 12 et les obs. ; D. 2012. 471, obs. J. Daleau, note N. Martial-Braz ; ibid. 1228, obs. H. Gaudemet-Tallon et F. Jault-Seseke ; ibid. 2836, obs. P. Sirinelli ; ibid. 161, comm. J. Antippas ; RTD com. 2012. 109, obs. F. Pollaud-Dulian ; ibid. 118, obs. F. Pollaud-Dulian ; ibid. 120, obs. F. Pollaud-Dulian.
(8) « Il doit être rappelé que la notion d’antériorité est indifférente en droit d’auteur, celui qui se prévaut de cette protection devant plutôt justifier de ce que l’œuvre revendiquée présente une physionomie propre traduisant un parti pris esthétique et reflétant l’empreinte de la personnalité de son auteur. Toutefois, l’originalité doit être appréciée au regard d’œuvres déjà connues afin de déterminer si la création revendiquée s’en dégage d’une manière suffisamment nette et significative, et si ces différences résultent d’un effort de création, marquant l’œuvre revendiquée de l’empreinte de la personnalité de son auteur » (Paris, 24 sept. 2019, n° 18/00814).
(9) L’image litigieuse a été publiée sur une « story », donc 24h. Le préjudice n’est donc pas de même nature que celui qui aurait pu résulter de la mise en ligne d’une photo sur le profil public.
(10) Les photos prises sur le vif accèdent, en effet, difficilement à la protection, Paris, 6 juin 2012, Propr. intell. 2012, n° 45, p. 392, obs. A. Lucas (vidéo d’un particulier filmant un cheval dans les rues d’une capitale qui s’est emballé).
(11) V. J.-Cl. Communication, v° L’influenceur, fasc. 322, 2018, par L. Carrié ; plus réc., Légipresse HS#66, Les influenceurs et le droit, 2021-2 ; v. égal., notre fasc. préc., spéc. §§ 90 et s.
(12) Sur cette action, v. P. Deprez, V. Fauchoux, F. Dumont, et J.-M. Bruguière, Le parasitisme économique. Typologie des agissements. Physionomie de l’action, LexisNexis, 2023.
(13) Hormis l’achat du téléphone, du chien, de la laisse et bien évidemment le temps de la pose dans cet ascenseur que l’on peut sans aucun doute considérer comme un travail.