Il résulte des articles L. 111-1, L. 111-2 et L. 122-4 du code de la propriété intellectuelle que l’auteur d’une œuvre de l’esprit jouit sur celle-ci, du seul fait de sa création et indépendamment de toute divulgation publique, d’un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous, et que la contrefaçon de cette œuvre résulte, indépendamment de toute faute ou mauvaise foi, de sa seule reproduction et ne peut être écartée que lorsque celui qui la conteste démontre que les similitudes existant entre les deux œuvres procèdent d’une rencontre fortuite ou de réminiscences issues d’une source d’inspiration commune.
En 1996 déferlait sur les ondes le tube « Aïcha » du chanteur Khaled, qui a connu un succès retentissant(1), et dont une strophe annonçait la saga judiciaire à venir : « Je veux les mêmes droits que toi / Et du respect pour chaque jour. » Faisant sienne la supplique du chanteur, un auteur suisse à l’origine de l’œuvre « For Ever »(2), revendiquait la paternité de la composition musicale et engageait une action en contrefaçon, le 26 septembre 2008, à l’encontre de ...
Cour de cassation, (1re ch. civ. ), 5 octobre 2022, M. L.
Benjamin Domange
Avocat associé au Barreau de Paris, Cabinet Twelve
Philippe ALLAEYS
Avocat associé, spécialiste en droit de la propriété intellectuelle, Twelve, ...
3 janvier 2023 - Légipresse N°409
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(1) Le morceau a été certifié disque de diamant par le SNEP dès le 15 janv. 1997 (1 million d’exemplaires vendus à l’époque) et a remporté le titre de la meilleure chanson de l’année aux Victoires de la musique 1997.
(2) À la date de publication du présent art., un enregistrement de « For Ever » est accessible en ligne (jeffleo.bandcamp.com/track/for-ever).
(3) Versailles, 21 avr. 2020, n° 16/00766, Propr. intell. 2020, n° 76, p. 77, note A. Lucas.
(4) Sur la notion de rencontre fortuite, v. not., P.-Y. Gautier, Droit de la propriété littéraire et artistique, LGDJ, 2021, n° 852 ; A. Lucas, A. Lucas-Schloeter et C. Bernault, Traité de la propriété littéraire et artistique, LexisNexis, 2017, n° 334 ; F. Pollaud-Dulian, Le droit d’auteur, Économica, 2005, nos 1311 et 1312.
(5) Paris, 25 avr. 1972, RIDA 1972. 221 ; Paris, 30 nov. 1979, RIDA 1979. 150 ; Paris, 19 nov. 1985, RIDA 1986. 155 ; Paris, 3 déc. 1987, RIDA 1988. 113 ; infirmant TGI Paris, 13 déc. 1984, RIDA 1985. 179 ; pourvoi rejeté par Civ. 1re, 11 oct. 1989, RIDA 1990. 325 ; Paris, 13 mai 2002, RIDA 2002. 237, obs. Kéréver ; Civ. 1re, 2 oct. 2013, n° 12-25.941 P, Légipresse 2013. 589 et les obs. ; ibid. 2014. 32, comm. V. Varet ; D. 2013. 2499, note A. Latil ; ibid. 2014. 2078, obs. P. Sirinelli ; ibid. 2478, obs. J.-D. Bretzner, A. Aynès et I. Darret-Courgeon ; JAC 2013, n° 8, p. 12, obs. J. Berberian ; RTD com. 2013. 723, obs. F. Pollaud-Dulian ; CCE 2013. 111, note Caron ; Civ. 1re, 16 mai 2006, n° 05-11.780 F-P+B, Vargas et a. c/ SACEM et a., D. 2006. 1532, obs. J. Daleau ; ibid. 2991, obs. P. Sirinelli ; RTD com. 2006. 596, obs. F. Pollaud-Dulian ; CCE 2006, n° 104, note Caron ; ibid. 2007. Étude 6, note Henaff ; ibid. Chron. n° 4, § 15, obs. Daverat ; RIDA 2006. 285, obs. Sirinelli ; Civ. 1re, 3 nov. 2016, n° 15-24.407 et 15-25.200 P, Légipresse 2016. 645 et les obs. ; RTD com. 2017. 91, obs. F. Pollaud-Dulian ; Propr. intell. 2017, n° 63, p. 57, note Bruguière ; RLDI 2016. 16, obs. Costes.
(9) Civ. 1re, 21 mars 2018, n° 17-14.728, Légipresse 2018. 187 et les obs. ; D. 2018. 670 ; Dalloz IP/IT 2018. 496, obs. Tanja Petelin ; RTD com. 2018. 677, obs. F. Pollaud-Dulian ; ibid. 2020. 89, obs. F. Pollaud-Dulian.
(10) Versailles, 21 avr. 2020, préc.
(11) Lautréamont, Les Chants de Maldoror, chant VI, strophe 1.
(12) Trésor de la langue française.
(13) Sur la découverte de trésors, v. P.-Y. Gautier, Droit de la propriété littéraire et artistique, op. cit., nos 446 et s. Il existe également des dispositions spécifiques dans le code du patrimoine relatives aux découvertes fortuites de vestiges archéologiques mobiliers ou immobiliers (C. patr., art. L.531-8 et L. 531-14).
(14) « [Que] la contrefaçon d’une œuvre résulte de sa seule reproduction et ne peut être écartée que lorsque celui qui la conteste démontre que les similitudes existant entre les deux œuvres procèdent d’une rencontre fortuite ou de réminiscences issues d’une source d’inspiration commune », v. Civ. 1re, 12 déc. 2000, n° 98-15.228, RIDA 2/2001. 347 ; Civ. 1re, 16 mai 2006, préc. ; Civ. 1re, 2 oct. 2013, n° 12-25.941, préc.
(16) Crim. 7 déc. 1900, reproduit dans Annales de la propriété industrielle, artistique et littéraire (en ligne : gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5726657z/texteBrut).
(17) C. pr. civ., art. 9 : « Il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention. »
(20) L’art. L. 111-2 du CPI dispose que : « L’œuvre est réputée créée, indépendamment de toute divulgation publique, du seul fait de la réalisation, même inachevée, de la conception de l’auteur ».
(21) Civ. 1re, 2 oct. 2013, n° 12-25.941, préc.
(22) Paris, 4e ch. sect. A, 24 sept. 2003, n° 2002/03354.
(23) Civ 1re, 16 févr. 1999, n° 96-20.194, D. 1999. 77 ; RIDA 1999, n° 181, P. 303, obs. Kéréver ; Civ. 1re, 29 mai 2001, n° 99-15.284, Editions Phébus (Sté) c/ Shaw, D. 2001. 1952, et les obs. ; Civ. 1re, 26 juin 2001, n° 99-15.287, Sté Virgin ; CCE 2002. Comm. 81, note Caron ; Civ. 1re, 13 nov. 2008, n° 06-19.021, Mme Rheims c/ Gautel, D. 2009. 263, obs. J. Daleau, note B. Edelman ; ibid. 266, note E. Treppoz ; RTD com. 2009. 121, obs. F. Pollaud-Dulian ; ibid. 140, obs. F. Pollaud-Dulian ; JCP 2008. II. 10204, note Loiseau ; CCE 2009. Comm. 1, note Caron ; v. égal. P.-Y. Gautier, L’indifférence de la bonne foi dans le procès civil en contrefaçon, Propr. intell. 2002, n° 3, p. 28.
(24) Évoquant une exception, E. Martin-Hocquenghemu2000et J.-C. Zylberstein, Propos critiques sur l’exception de rencontre fortuite, CCEu20002006, n° 4, p. 7.
(25) Dir. 2001/29/CE, art. 5 et consid. 32, sur l’harmonisation de certains aspects du droit d’auteur et des droits voisins dans la société de l’information : « La présente directive contient une liste exhaustive des exceptions et limitations au droit de reproduction et au droit de communication au public. »
(26) Dir. (UE) 2019/790 du 17 avr. 2019, sur le droit d’auteur et les droits voisins dans le marché unique numérique.
(27) V. CJUE 16 nov. 2016, aff. C-301/15, Soulier et Doke, consid. 34 (relatif à l’incompatibilité avec le droit européen de la l. n° 2012-287, 1er mars 2012, instaurant une exception et une gestion collective obligatoire pour l’exploitation numérique de certains livres indisponibles), D. 2017. 84, note F. Macrez ; Dalloz IP/IT 2017. 108, obs. V.-L. Benabou ; JAC 2017, n° 42, p. 6, obs. E. Scaramozzino ; Rev. UE 2017. 78, étude L. El Badawi.
(28) Civ. 1re, 12 mai 2011, n° 08-20.651, Société des auteurs des arts visuels et de l'image fixe c/ Maia films (Sté), Légipresse 2011. 335 et les obs. ; ibid. 627, comm. C.-E. Renault ; D. 2011. 1875, obs. J. Daleau, note C. Castets-Renard ; ibid. 2012. 2836, obs. P. Sirinelli ; RTD com. 2011. 553, obs. F. Pollaud-Dulian ; CCE 2011, n° 62, note Caron ; JCP 2011. 814, note Vivant ; RIDA 2011. 341, note P. Sirinelli.
(29) Civ. 1re, 15 mars 2005, n° 03-14.820, Buren c/ Tassin, Légipresse 2005. 73, note Bruguière ; D. 2005. 1645, note P. Allaeys ; ibid. 1026, obs. J. Daleau ; RTD com. 2005. 306, obs. F. Pollaud-Dulian ; CCE 2005, n° 78, note Caron ; JCP 2005. II. 10072, note Lancrenon ; RIDA 2005. 317, note Kéréver.
(30) V. not., CPI, art. L.122-5 : « Les exceptions énumérées par le présent article ne peuvent porter atteinte à l’exploitation normale de l’œuvre ni causer un préjudice injustifié aux intérêts légitimes de l’auteur. ».
(31) X. Près, RLDI 3339, préc.
(32) Préc., note 17.
(33) Principe rappelé par Civ. 1re, 2 oct. 2013, préc.
(34) Civ. 1re, 2 oct. 2013, préc. : « Attendu que pour débouter M. X de sa demande en contrefaçon, l’arrêt, après avoir énoncé que le demandeur à la contrefaçon doit établir que l’auteur de l’œuvre seconde a, suivant les circonstances propres à chaque espèce, été mis à même d’avoir eu connaissance de l’œuvre première, retient que M. X ne rapporte pas la preuve de ce que les producteurs et le diffuseur de la série “Plus belle la vie” aient pu avoir connaissance du roman dont il est l’auteur avant l’écriture du scénario et le tournage des épisodes prétendument contrefaisants, ni même avant leur diffusion. »
(35) Civ. 1re, 19 févr. 2014, n° 12-17.935 et 12-19.714, Légipresse 2014. 267 et les obs. ; RTD com. 2014. 599, obs. F. Pollaud-Dulian.
(36) Civ. 1re, 16 mai 2006, préc. : « Qu’en fondant ainsi sa décision sur le fait qu’il n’était pas établi que les Gipsy Kings aient eu connaissance de l’œuvre prétendument contrefaite en raison d’une diffusion restreinte sur le territoire français, alors qu’elle constatait par ailleurs que cette œuvre avait fait l’objet d’une diffusion phonographique à plusieurs milliers d’exemplaires en 1979 et 1982, ce dont il résultait que l’accès à cette œuvre en avait été rendu possible en raison d’une divulgation certaine, la cour d’appel, qui n’a pas tiré les conséquences légales de ses constatations […] ».
(37) TGI de Paris, 27 avr. 1984, Louis Gasté c/ Morris Albert, Sté Rapa-Nui, Sté International melodies et SACEM et a., RIDA 1985, n° 123, janv. 1985, p. 192.
(38) Le jugement a été réformé par Paris, 4e ch., 19 nov. 1985, qui a retenu la contrefaçon : « [Il] ressort suffisamment des faits sus-rappelés que la chanson “Pour toi” a été diffusée au Brésil ; que seule l’importance de cette diffusion n’a pu être établie de façon précise faute d’un contrôle d’exploitation satisfaisant à l’époque […] », RIDA 1986, n° 129, p. 155.