Le film Les Nouvelles Aventures de Cendrillon constitue un remake, ouvrant droit à une rémunération complémentaire pour le réalisateur du film "Les Nouvelles Aventures d’Aladin" dont il est tiré, conformément au contrat de cession de droits conclu avec la société productrice. La cour relève entre les deux œuvres des ressemblances nombreuses et substantielles. Elle précise toutefois que la qualification contractuelle du « remake » ouvrant droit à rémunération n'est pas celle d'un acte de contrefaçon.
Il était une fois…
Il était une fois Cendrillon, personnage célèbre d'un conte ancien, qui décida de raconter ses « nouvelles aventures » à la manière dont Aladin, personnage non moins célèbre d'un conte tout aussi ancien, avait lui-même, quelques années auparavant et avec un beau succès au box-office, conté pour le cinéma ses « nouvelles aventures » de manière juridiquement originale. Aladin qui n'avait pas été sollicité, ni même informé de ce remake demanda ...
Cour d'appel, Paris, (pôle 5 - ch.2), 21 octobre 2022, M. O. c/ Sté 74 Films et a.
Xavier Près
Avocat - Docteur en droit, associé, Varet-Près-Killy, société d'avocats
3 janvier 2023 - Légipresse N°409
4635 mots
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(1) On ne peut s'empêcher de mentionner ici N. Dissaux et M. Ranouil, Il était une fois… Analyse juridique des contes de fées, 1re éd., Dalloz, 2018.
(2) Paris, pôle 5 - 2e ch., 21 oct. 2022, no 20/18408.
(3) La définition contractuelle donnée par les parties en était la suivante : « Les droits de “spin-off”, c'est-à-dire le droit de produire, réaliser et exploiter, en toutes langues, une ou plusieurs nouvelles œuvres audiovisuelles (not. cinématographiques et/ou télévisuelles en tous formats [téléfilms, séries, etc.]), littéraires et/ou audio ou autres, dont l'action ne comporterait pas nécessairement de lien direct avec celle du Film initial, mais qui en prendraient un ou plusieurs personnages, principaux ou secondaires, pour le(s) placer dans une histoire et des situations entièrement originales, antérieures, contemporaines ou postérieures à l'action du film initial ».
(4) Et ce conformément à la jurisprudence désormais classique résultant du célèbre arrêt Trio de Jazz, Civ. 1re, 4 oct. 1988, n° 86-19.272, RTD com. 1990. 32, obs. A. Françon ; D. 1989. 482, note P.-Y. Gautier ; ibid. 1989. 50, obs. C. Colombet.
(5) TJ Paris, 3e ch. - 1re sect., 12 nov. 2020, no 18/10754.
(6) Arrêt n° 20/18408.
(7) V. sur ce point, § 2.A infra.
(8) Idem.
(9) Arrêt n° 20/18408.
(10) Arrêt n° 20/18408.
(11) C. civ., art. 1188 (anc. art. 1156) : « On doit dans les conventions rechercher quelle a été la commune intention des parties contractantes, plutôt que de s'arrêter au sens littéral des termes ».
(12) Arrêt n° 20/18408.
(13) Arrêt n° 20/18408.
(14) Arrêt n° 20/18408.
(15) V., déjà en ce sens, S. Lieser, Droit de remake et propriété du droit d'usage du titre de l'œuvre d'origine, Légipresse 2003, no 207.
(16) La Cour observe sur ce point que : « Il s'agit dans les deux cas d'un conte célèbre dont la version racontée n'est pas la version originelle mais celle “revisitée” par un conteur ou conteuse qui se trouve obligé de raconter l'histoire à des ou un enfant avec lesquels il est bloqué contre sa volonté ». V., sur les adaptations en cascade et notamment les difficultés d'identifier l'œuvre adaptée, P.-Y. Gautier, Droit de la propriété littéraire et artistique, LGDJ, 2021, no 676.
(17) Précisions à cet égard que la cour d'appel de Paris a déjà eu l'occasion de juger dans une même formation que celle de l'arr. commenté « que le remake ne définit pas une adaptation cinématographique tirée du roman, mais s'entend d'une nouvelle version du film préexistant », Paris, pôle 5 - 2e ch., 27 nov. 2020, no 19/04428.
(18) Arrêt n° 20/18408.
(19) L'arrêt est sur ce point elliptique et ne semble pas tirer toutes les conséquences de la résiliation du contrat par ailleurs prononcés ; sur ce point, v. infra.
(20) Arrêt n° 20/18408.
(21) La solution est d'autant plus étonnante que le demandeur sollicitait bel et bien la condamnation des producteurs à verser le montant in fine prononcé « à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice matériel subi du fait de l'inexécution du contrat ».
(22) Dir. 2004/48/CE du Parlement UE et du Conseil, 29 avr. 2004, relative au respect des droits de propriété intellectuelle.
(23) CJUE 18 déc. 2019, aff. C-666/18, IT Development SAS c/ Free Mobile SAS, D. 2020. 12 ; ibid. 2262, obs. J. Larrieu, C. Le Stanc et P. Tréfigny ; AJ contrat 2020. 89, obs. A. Gendreau ; Dalloz IP/IT 2020. 490, obs. P. Léger ; RTD com. 2020. 94, obs. F. Pollaud-Dulian ; RTD eur. 2021. 996, obs. E. Treppoz.
(24) Civ. 1re, 5 oct. 2022, no 21-15.386, D. 2022. 1752.
(25) V. sur ce point et bien qu'antérieur à la décision de la Cour de cassation, C. Le Goffic, La contrefaçon du cocontractant. Proposition d'un régime, Propr. intell. 2021, no 79, p. 11 et s.
(26) Civ. 1re, 5 oct. 2022, no 21-15.386, préc.
(27) V., C. Le Goffic, préc., p. 29.
(28) Notons que l'arr. commenté ne permet pas d'apprécier la façon dont la contrefaçon a été caractérisée (ou non) par le demandeur dans ses conclusions.
(29) V. toutefois, TJ Paris, 3e ch. - 1re sect., 7 janv. 2021, no 18/06768, K. c/ Sté La Concepteria (mesure d'interdiction d'un épisode du programme audiovisuel « Le jour où tout a basculé »), Légipresse 2021. 78.
(30) V., X. Près, Détruire ou ne pas détruire une œuvre contrefaisante, telle est la question, Légipresse 2022. 102 (intérêts à prendre en compte et à concilier s'agissant de la destruction d'une œuvre).
(31) Civ. 1re, 11 févr. 2009, no 06-18.746, Bull. civ. I, no 25 ; D. 2009. 557, obs. X. Delpech ; ibid. 2959, obs. T. Clay.
(32) Attendons en effet de savoir si un éventuel pourvoi en cassation est formé pour être certain de cet happy end. Mais réjouissons-nous d'ores et déjà que le style littéraire de l'analyse juridique ne soit pas celui des contes pour enfants !