La Cour d'appel de Paris retient que le tribunal a pertinemment jugé que, compte tenu des manquements respectifs des parties, le contrat les liant s'est trouvé résilié à leurs torts partagés, et qu'il n'y a donc lieu, ni à restitution de l'à-valoir versé par la société d'édition à l'auteur ni à paiement au profit de ce dernier du solde contractuel.
L'arrêt rendu par la Cour d'appel de Paris le 11 mai 2022 est intéressant à de nombreux égards. Les faits dont la Cour était saisie étaient pourtant classiques. Aux termes de deux contrats distincts conclus en 2016 et 2017, les éditions F. avaient commandé à une écrivain, prête-plume régulier de ladite maison (ci-après « l'auteur »), la rédaction de deux ouvrages : par le premier, l'auteur s'engageait, en qualité de prête-plume, à aider un autre écrivain à la rédaction ...
Cour d'appel, Paris, (pôle 5 - ch. 1), 11 mai 2022, Mme Z. c/ Librairie Arthème Fayard
Maïa Kantor
Avocat au Barreau de Paris
27 octobre 2022 - Légipresse N°407
3310 mots
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(1) Selon l'art. L. 132 - 1 du CPI, le contrat d'édition est défini comme un contrat par lequel « l'auteur d'une œuvre de l'esprit ou ses ayants droit cèdent à des conditions déterminées à une personne appelée éditeur le droit de fabriquer ou de faire fabriquer en nombre des exemplaires de l'œuvre ou sous une forme numérique, à charge pour elle d'en assurer la publication et la diffusion ».
(2) Étant précisé que, depuis l'ord. du 12 nov. 2014, le support perd de son importance en matière littéraire dans la mesure où l'œuvre peut se réaliser simplement sous forme numérique. Le support stricto sensu n'est donc plus une condition fondamentale de l'existence matérielle et donc réelle de l'œuvre.
(3) Rares sont les cas où l'auteur est dispensé de rapporter la preuve de la remise néanmoins, tel est le cas lorsque le contrat comporte une clause dans laquelle il déclare avoir conservé un double de son manuscrit, ce qui laisse présumer une remise effective de l'original simultanément à la signature de l'acte, Civ. 1re, 3 févr. 2004, no 01-02.020, Green c/ Librairie Arthème Fayard, JurisData no 2004-022094 ; JCP 2004. II. 10149, note É. Treppoz ; RJDA 2005. 477 ; Propr. intell. 2004, no 11, p. 642, obs. A. Lucas.
(4) Ce fut le cas en l'espèce : ici, l'auteur expliqua devant la cour d'appel que « la société Librairie F. n'a pas respecté ses obligations contractuelles en ce qu'elle l'a évincée de manière brutale de la co-écriture de l'ouvrage commandé, qui est un ouvrage de collaboration, en contravention avec le contrat d'édition puisqu'il ne lui a pas été demandé de procéder à des remaniements du manuscrit, qu'elle n'a pas donné son accord pour choisir un nouvel auteur et qu'elle n'a pas reçu de lettre recommandée pour lui signifier la rupture contractuelle ».
(5) Paris, pôle 5 - ch. 1, 30 juin 2010, no 09-01005.
(6) G. Chantepie et M. Latina, Le nouveau droit des obligations, Dalloz, coll. « Hors Collection », 2018, no 672.
(7) « La disgrâce judiciaire de l'auteur littéraire » par I.-M. Haziot, Légipresse 2012. 623. V. par ex., cité par l'auteur, la décision par laquelle le TGI de Paris a refusé la résiliation du contrat d'édition en présence d'un éditeur qui n'avait jamais rendu de comptes (mais a payé les droits dus avant l'audience) et qui a été condamné à des dommages-intérêts pour avoir consenti une adaptation théâtrale en violation des droits moraux de l'auteur, TGI Paris, 3e ch., 2e sect., 4 mars 2011, Riera c/ Berg international, inédit.
(8) Paris, 30 juin 2010, Librairie Artheme Fayard, SA Monsieur Yves Courrière, no 09-01005.
(9) « Le dispositif du code de la propriété intellectuelle obéit à une directive générale d'interprétation in favorem auctoris, conçue notamment pour écarter l'application de l'article 1602 du code civil ». Cet article dispose que : « le vendeur est tenu d'expliquer clairement ce à quoi il s'oblige. Tout pacte obscur ou ambigu s'interprète contre le vendeur », in F. Pollaud-Dulian, Réforme du droit civil des contrats par l'ordonnance no 2016-131 du 10 février 2016, RTD com. 2016. 503.
(10) Versailles, 20 juin 1997, D. 1998. 194, obs. C. Colombet.