La création de la commission arbitrale des journalistes résulte du rapport Brachard en 1935, le législateur ayant repris, face à l'échec de la voie conventionnelle, le principe d'un tribunal arbitral en cas d'ancienneté supérieure à quinze ans ou de faute grave pour débattre du quantum de l'indemnité de licenciement. Sa composition comme ses modalités de fonctionnement montrent que la commission arbitrale est une juridiction sui generis et non une instance arbitrale au sens du code de procédure civile.
Talleyrand disait que « les mots ont leur histoire, comme les hommes, et leur histoire les fait mieux comprendre que leurs définitions »(1).
Le propos s'applique parfaitement à cette juridiction bien particulière qu'est la commission arbitrale des journalistes. Il y aurait lieu, d'ailleurs, d'employer le pluriel et de parler des commissions arbitrales puisque, pour chaque affaire, est désignée une commission spécifique(2). En effet, contrairement à ce que son appellation déceptive ...
Frédéric Gras
Avocat au Barreau de Paris
27 janvier 2022 - Légipresse N°399
4821 mots
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(1) C.-M. de Talleyrand, Mots, propos, aphorismes, 3e éd., coll. « En Verve », Horay, 2016, p. 61.
(2) R. Perrot, Fonctionnement de la commission arbitrale des journalistes au regard du droit judiciaire privé, in Une exception au principe de compétence générale du conseil de prud'hommes : la commission arbitrale des journalistes, colloque du 23 févr. 1996, Gaz. Pal. 6-7 nov. 1996, p. 17.
(3) En application de l'art. L. 7112-4 (anc. art. L. 761-5) c. trav. V., R. Perrot, préc., p. 17.
(4) Le propos vaut moins en cas de faute grave puisque la commission arbitrale va être amenée, dans la fixation du quantum, à statuer sur la qualification de faute grave et son incidence sur le quantum.
(5) Me Koskas, vidéo de l'audience publique, 38e min. s., in Cons. const. 14 mai 2012, no 2012-243/244/245/246 QPC.
(6) Concl. av. gén. R. Lindon, ss Soc. 6 juill. 1961, JCP 1961. II. 12319 ; R. Perrot, préc., p. 20.
(7) JOAN, annexe no 4516, sess. ord., séance du 22 janv. 1935, rapport Brachard, p. 103 à 106 ; Le Journaliste, no 76 (organe du SNJ), juin 1931.
(8) JOAN, doc no 1653, sess. ord., 1re séance du 28 mars 1933, p. 749.
(9) Ibid. ; v. égal. JO Sénat, annexe no 279, sess. ord., séance du 15 mars 1935, p. 215.
(10) JOAN, doc., annexe no 1653, sess. ord., 1re séance du 28 mars 1933, p. 750. À propos de l'indemnité de licenciement, Henri Guernut lui-même indique : « Il est indispensable qu'ici le législateur ne s'en remette point au savoir et à l''équité des magistrats et fixe lui-même des règles », ibid., p. 749.
(11) JOAN, annexe no 4516, sess. ord., séance du 22 janv. 1935, rapport Brachard, p. 98 ; F. Gras, « Historique de la commission arbitrale », in « Une exception au principe de compétence générale du conseil de prud'hommes : la commission arbitrale des journalistes », colloque préc., Gaz. Pal. 6-7 nov. 1996, p. 3 à 5.
(12) JO Sénat, annexe no 279, sess. ord., séance du 15 mars 1935, rapport fait au nom de la commission de l'industrie, du travail et des postes par M. Justin Godart.
(13) Le Journaliste, no 89, mars 1933, p. 15.
(14) Lui-même codifiant l'article 29 d de la loi du 29 mars 1935.
(15) Pour un avis similaire : J. Laizet, « Une exception au principe de compétence générale du conseil de prud'hommes : la commission arbitrale des journalistes », colloque préc., Gaz. Pal. 6-7 nov. 1996, p. 10.
(16) Cons. const. 20 janv. 2005, no 2004-510 DC.
(17) Le Journaliste, no 89, mars 1933, p. 15.
(18) Cons. const. 14 mai 2012, Sté Yonne Républicaine e. a., no 2012-243/244/245/246 QPC.
(19) M. Domingo, « Le point de vue des praticiens », in « Une exception au principe de compétence générale du conseil de prud'hommes : la commission arbitrale des journalistes », colloque préc., Gaz. Pal. 6-7 nov. 1996, p. 6 à 8.
(20) Ibid., p. 9 et 10.
(21) R. Perrot, préc., p. 17.
(22) Soc. 15 mars 1979, no 76-15.417, Bull. civ. V, no 242 : « La sentence indiquait qu'elle avait été adoptée à la majorité et que deux arbitres sur cinq avaient refusé de la signer, ce qui impliquait qu'une concertation entre tous les arbitres avait eu lieu au sein de la commission ».
(23) Concl. av. gén. R. Lindon, préc.
(24) On retrouve là la vieille question posée à Hugues Capet par Aldebert Ier lors du siège de Tours : « Qui t'a fait Roi ? ».
(25) Sur ce point, v. l'expérience d'un président de commission arbitrale : M. Domingo, préc.
(26) R. Perrot, préc., p. 16.
(27) Ibid., p. 17. En pratique, on constate que les décisions rendues tournent autour de ce mois par année, entre un coefficient de 0,8 à 1,2.
(28) L'article L. 1471-1 du code du travail prévoyant une prescription de douze mois pour les actions portant sur la rupture du contrat de travail.
(29) Sauf à ce que la commission arbitrale s'accorde à considérer que la somme allouée englobe les intérêts prévus par ledit article réglementaire…
(30) Sans la vision d'ensemble et avec la limite observée par le doyen Philippe Waquet : « L'absence de recours contre les sentences empêche la Cour de cassation de jouer son rôle traditionnel quant à l'interprétation de la loi et à l'unification de la jurisprudence », in « Une exception au principe de compétence générale du conseil de prud'hommes : la commission arbitrale des journalistes », colloque préc., Gaz. Pal. 6-7 nov. 1996, p. 15.
(31) Effectif désormais porté à 2 en raison de l'affluence des dossiers liée aux clauses de cessions de titres de presse et à l'application de l'article L. 7112-5 du code du travail.
(32) Ce point relatif à la gratuité d'accès à la justice n'a toutefois pas été évoqué lors de la QPC ayant donné lieu à la décision no 2012-243/244/245/246 QPC du 14 mai 2012, Sté Yonne Républicaine e. a. alors même que la saisine du conseil de prud'hommes ne donne lieu à aucun frais.
(33) À ce coût de saisine pour le journaliste s'ajoutent toutefois les frais sollicités par le syndicat de journaliste choisi par lui (300 euros pour le SNJ), pour désigner les arbitres. Au regard de la nature juridictionnelle de la commission arbitrale, il pourra en solliciter l'indemnisation au titre des dépens, sauf à considérer que les termes de l'article 700 n'invitent pas à son application devant la commission arbitrale. En effet, chacune des parties contribue à la procédure à raison du règlement paritaire et aucune partie n'est réellement perdante dès lors qu'il s'agit de fixer une indemnité de licenciement par la voie d'un arbitrage obligatoire légalement.
(34) M. Domingo, préc., p. 8. Ce signalement a pu être mis en œuvre. Il aboutit parfois à ce que certains arbitres refusent de siéger avec d'autres, ce qui n'est pas sans créer des difficultés de constitution des commissions générant un allongement de la procédure.
(35) Le règlement est disponible en ligne sur dalloz.fr et legipresse.com.
(36) Autre point n'ayant pas donné lieu à débat lors du contrôle de constitutionnalité. V. Cons. const. 14 mai 2012, no 2012-243/244/245/246 QPC, préc.
(37) Il arrive toutefois souvent que les véritables parties s'entendent préalablement dans le cadre d'une transaction et fassent entériner celle-ci par la commission arbitrale par des mémoires conjoints, ceci à des fins d'exonération fiscale et sociale. V., J. Laizet, in « Une exception au principe de compétence générale du conseil de prud'hommes : la commission arbitrale des journalistes », colloque préc., Gaz. Pal. 6-7 nov. 1996, p. 11.
(38) V. le commentaire du Conseil constitutionnel de la décision no 2012-243/244/245/246 QPC du 14 mai 2012, préc. (Commission arbitrale des journalistes et régime d'indemnisation de la rupture du contrat de travail, p. 6, disponible sur le site du Conseil constitutionnel, p. 5) ; Soc. 9 mars 2012, no 11-40.109, Marie Claire Album.
(39) Soc. 6 juill. 1961, JCP 1961. II. 12319, concl. av. gén. R. Lindon, préc. : « La juridiction considérée est unique en son genre, exceptionnelle par sa nature et étroitement limitée dans sa compétence ».
(40) R. Perrot, préc., p. 17 : « Qu'elle soit une juridiction, voilà qui ne fait aucun doute, puisque la loi l'a investie du pouvoir de juger ».
(41) R. Perrot, préc., p. 18.
(42) Soc. 29 mars 1995, no 91-45.876, Bull. civ. V, no 115.
(43) Soc. 18 juill. 1961, JCP 1961. II. 12325.
(44) À l'origine : Cass. 2 août 1943, D. 1943. Somm. 13 ; Gaz. Pal. 1943. 2. 157 ; Cass. 16 mai 1944, D. 1945. 32 ; Gaz. Pal. 1944. 2. 66 ; plus récemment : Soc. 15 avr. 2015, no 13-27.759.
(45) L'erreur commune fait le droit. Sur ce point, v. O. Massot, « L'erreur au fond du Droit », RIEJ, vol. 57, 2006/2, p. 157 à 218.
(46) Soc. 28 févr. 1974, no 72-14.744, Bull. civ. V, no 152 : « Au sens de ce texte, les “parties” sont les organisations professionnelles d'employeurs et de salariés ».
(47) En pratique, la commission est souvent saisie par le journaliste qui désigne le syndicat qu'il a choisi pour participer à la constitution de la commission arbitrale.
(48) Cons. const. 14 mai 2012, no 2012-243/244/245/246 QPC, préc., Légipresse 2012. 364, comm. F. G.
(49) DS 1962. 99.
(50) R. Perrot, préc., p. 20.
(51) Civ. 2e, 21 juin 2005, nos 03-30.754 et 03-30.755 ; pour une solution contraire : Soc. 6 oct. 2004, no 02-20.550. Le principe ne vaut que dans la limite de 2 plafonds annuels de sécurité sociale (CSS, art. L. 242-1).