Face à la popularité des plateformes de partage de vidéo comme Youtube, Instagram, Twitch ou TikTok, notamment auprès des plus jeunes, l'Union européenne a décidé d'encadrer leurs activités par le biais d'une réécriture de la directive « Services de médias audiovisuels » (SMA). L'ordonnance du 21 décembre 2020 transposant la directive SMA a modifié la loi du 30 septembre 1986 sur la communication audiovisuelle et introduit un cadre de régulation pour ces plateformes, leurs utilisateurs ainsi que les annonceurs. Si la transposition française est fidèle à la directive, beaucoup de questions restent en suspens et devront être tranchées soit par le CSA, soit par la mise en place de codes de bonne conduite.
La dernière révision de la directive de l'Union européenne (UE) « Service de médias audiovisuels » (ci-après directive SMA) a été l'occasion d'élargir son champ d'application à une nouvelle catégorie de services : les plateformes de partage de vidéos (PPV)(1). La directive SMA encadre ainsi aujourd'hui les activités des éditeurs de chaînes de télévision, les éditeurs de services de médias audiovisuels à la demande (SMAD) et nouvellement les fournisseurs de plateformes de ...
Marc Le Roy
Docteur en droit
Chargé d'enseignement à l'Université de Tours et au ...
24 mai 2021 - Légipresse N°392
5457 mots
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(1) V. not. directive du Parlement européen et du Conseil du 14 nov. 2018 modifiant la directive 2010/13/UE visant à la coordination de certaines dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres relatives à la fourniture de services de médias audiovisuels (« directive services de médias audiovisuels »), compte tenu de l'évolution des réalités du marché, art. 28 bis s.
(2) Ord. no 2020-1642 du 21 déc. 2020 transposant la dir. (UE) 2018/1808 du Parlement européen et du Conseil du 14 nov. 2018 modifiant la dir. 2010/13/UE (directive SMA), JO 23 déc.
(3) Loi no 86-1067 du 30 sept. 1986 relative à la liberté de communication, JO 1er oct.
(4) Le projet de loi relatif à la protection de l'accès du public aux œuvres culturelles à l'ère numérique (présenté en Conseil des ministres et déposé au Sénat le 8 avril 2021) prévoit de fusionner les activités du CSA et de la Hadopi au sein d'une future autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom).
(5) Loi du 30 sept. 1986 modifiée par l'ord. no 2020-1642 du 21 déc. 2020 transposant la dir. (UE) 2018/1808 du Parlement européen et du Conseil du 14 nov. 2018 modifiant la dir. 2010/13/UE (directive SMA).
(6) V. Dir. du 14 nov. 2018, consid. 6.
(7) L'art. 1er de la directive SMA donne les définitions des termes « programme » et « vidéo créée par l'utilisateur ». Ces deux éléments ont pour point commun d'être « un ensemble d'images animées, combinées ou non à du son, constituant un seul élément, quelle qu'en soit la longueur ». Ils se distinguent par le fait que la vidéo est créée par l'utilisateur de la plateforme alors que le programme provient « d'une grille ou d'un catalogue établi par un fournisseur de services de médias, y compris des films longs métrages, des clips vidéos, des manifestations sportives, des comédies de situation, des documentaires, des programmes pour enfants ou des fictions originales ».
(8) Commission européenne, Lignes directrices pour l'application pratique du critère relatif à la fonctionnalité essentielle figurant dans la définition d'un « service de plateformes de partage de vidéos » établie par la directive « service de médias audiovisuels », JOUE, no C. 223/3, 7 juill. 2020.
(9) Si la loi du 30 sept. 1986 définit ce qu'est un siège social effectif pour une télévision et un SMAD (v. art. 43-3), cette définition ne semble pas applicable aux PPV car elle repose sur la notion de programmation par l'éditeur. En matière de PPV, il ne s'agit pas d'éditeur mais de fournisseur non responsable de l'éditorialisation du service. On peut estimer que la notion de siège social effectif peut être rapprochée de celle de « siège de direction » que le Conseil d'État qualifie de « lieu où les personnes exerçant les fonctions les plus élevées prenaient réellement les décisions stratégiques », CE 7 mars 2016, n° 371435, Compagnie internationale des wagons-lits et du tourisme, Lebon ; Dr. des sociétés, 1er juill. 2016, p. 39, note J.-L. Pierre.
(10) L'art. 28 bis de la directive SMA précise ce qu'il faut entendre par « société mère » (« une entreprise qui contrôle une ou plusieurs entreprises filiales ») et « filiale » (« une entreprise contrôlée par une entreprise mère »). Cet article envisage aussi la situation où plusieurs filiales seraient implantées dans différents pays de l'Union : « Le fournisseur de PPV est réputé être établi dans le premier État membre où l'une des entreprises filiales a commencé ses activités, à condition qu'il maintienne un lien économique stable et réel avec cet État membre ».
(11) Loi du 30 sept. 1986, art. 59.
(12) V. supra, les conditions liées aux filiales.
(13) H. Jouan, Derrière Pornhub et YouPorn, le géant du porno en ligne MindGeek dans la tourmente, Le Monde, 27 avr. 2021, https://bit.ly/3y47iYW
(14) Le nouvel article 15 a remplacé le verbe « veiller » (« le CSA veille à ce que ») par le verbe « assurer » (« le CSA s'assure que… »). Difficile de dire s'il en résultera un quelconque changement dans le rôle du CSA.
(15) Projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et à la souveraineté culturelle à l'ère numérique no 2488, déposé à l'AN le 5 déc. 2019.
(16) Sont visés l'apologie publique ou la provocation à commettre des actes terroristes ainsi que le fait d'extraire, de reproduire et de transmettre intentionnellement des données faisant l'apologie publique d'actes de terrorisme ou provoquant directement à ces actes afin d'entraver, en connaissance de cause, l'efficacité des procédures visant à assurer la régulation de contenus en ligne.
(17) Loi no 2016-987 du 21 juill. 2016 prorogeant l'application de la loi no 55-385 du 3 avr. 1955 relative à l'état d'urgence et portant mesures de renforcement de la lutte antiterroriste, JO 22 juill., texte no 2, art. 20.
(18) CSA, Précautions relatives à la couverture audiovisuelle d'actes terroristes, 25 oct. 2016.
(19) Recommandation du CSA no 2013-04 du 20 nov. 2013.
(20) Décr. no 92-280 du 27 mars 1992 pris pour l'application des art. 27 et 33 de la loi no 86-1067 du 30 sept. 1986 et fixant les principes généraux définissant les obligations des éditeurs de services en matière de publicité, de parrainage et de télé-achat, JO 28 mars.
(21) Décr. no 2010-1379 du 12 nov. 2010 relatif aux services de médias audiovisuels à la demande, JO 14 nov.
(22) À titre complémentaire, la loi du 19 oct. 2020 visant à encadrer l'exploitation commerciale de l'image d'enfants de moins de seize ans sur les plateformes en ligne (Loi no 2020-1266, JO 20 oct., texte no 1. Pour un commentaire, v. L. Carrié, Enfant influenceur : le contrôle parental sous contrôle de l'administration, du juge, des plateformes de partage de vidéos, du CSA…et de l'enfant, Légipresse 2020. 687), entrée en vigueur le 20 avr. 2021, prévoit dans son art. 3 un certain nombre de dispositions organisant les placements de produit sur les PPV dont le sujet principal est un enfant âgé de moins de 16 ans. Cet article n'est néanmoins pas directement opposable aux PPV mais aux annonceurs.
(23) Pour un détail du droit applicable aux SMAD et aux chaînes de télévision en matière de protection des mineurs, v. M. Le Roy, Droit de l'audiovisuel, Ind. Pub, 2020, p. 55 et s.
(24) Délib. no 2011-64 du 20 déc. 2011 relative à la protection du jeune public, à la déontologie et à l'accessibilité des programmes sur les services de médias audiovisuels à la demande.
(25) Recommandation modifiée no 2005-5 du 7 juin 2005 aux éditeurs de services de télévision concernant la signalétique jeunesse et la classification des programmes.
(26) V. infra.
(27) V. infra, « Règlement des différends utilisateur/fournisseur ».
(28) L'art. 15, al. 4, le précise également.
(29) Loi du 30 sept. 1986, art. 60, II, 3°.
(30) V. supra.
(31) Loi du 30 sept. 1986, art. 60, I, 2° et 3°.
(32) V. art. 60, III.
(33) Sur ces deux notions, v. Dir. 14 nov. 2018, consid. 14.
(34) Pour un exemple de code de bonne conduite, v. Code de bonne conduite pour la retransmission d'événements sportifs comportant des panneaux publicitaires pour les boissons alcoolisées du 22 mars 2015 disponible sur le site internet du CSA.
(35) Le site internet du CSA en dénombre déjà quatorze, dont une « charte de bonne conduite ».
(36) Par essence, l'inapplication du droit souple n'est pas sanctionnée. Sur la question du droit souple, v. Conseil d'État, Le droit souple, étude annuelle 2013.
(37) Loi du 30 sept. 1986, nouv. art. 60.
(38) À la différence des codes de bonne conduite relatifs à la nourriture et à la boisson (v. supra).
(39) V. supra, II, pour le détail.
(40) Projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et à la souveraineté culturelle à l'ère numérique, préc.
(41) Projet de loi de lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, actuellement voté à l'AN, art. 5.