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Infractions de presse
/ Flash


10/11/2020


La Défenseure des droits épingle la proposition de loi « Sécurité globale » jugée attentatoire à la liberté d'informer



 

Déposée le 20 octobre, la proposition de loi  « Sécurité globale » sur laquelle le gouvernement a engagé la procédure accélérée, sera examinée par les députés le 16 novembre.  L'article 24 du texte prévoit d’intégrer dans la loi du 29 juillet 1881 un article 35 quinquies punissant d’un « an d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende le fait de diffuser, par quelque moyen que ce soit et quel qu’en soit le support, dans le but qu’il soit porté atteinte à son intégrité physique ou psychique, l’image du visage ou tout autre élément d’identification d’un fonctionnaire de la police nationale ou d’un militaire de la gendarmerie nationale lorsqu’il agit dans le cadre d’une opération de police. »

Or, cette disposition « menace la liberté d'informer », dénoncent 33 sociétés de journalistes, ainsi que de nombreux collectifs et associations (RSF, SNJ, la Quadrature du Net…). Dans un avis du 3 novembre, Claire Hédon, Défenseure des droits, sonne également l’alerte.

Elle considère en effet que la proposition de loi soulève des risques considérables d’atteinte à plusieurs droits fondamentaux, notamment au droit à la vie privée et à la liberté d’information. « Eu égard au peu de temps entre la publication de cette proposition de loi et son renvoi devant la commission des lois de l’Assemblée nationale », la Défenseure des droits ne pouvait pas « aborder l’ensemble des dispositions des huit titres et trente-deux articles de ce texte, mais d’ores et déjà mettre en avant les difficultés importantes qu’il soulève ».

Plus précisément, l’avis relève « un risque d’obstacle au contrôle des forces de sécurité, de non-respect du principe de légalité des délits et des peines et d’atteinte aux libertés d’information et de communication ».

Les termes employés par l’article 24 de la proposition de loi, notamment « dans le but qu’il soit porté atteinte à son intégrité physique ou psychique » sont  jugés « bien trop imprécis pour ne pas entrer en contradiction avec le principe de légalité des délits et des peines ».

Si tout policier ou gendarme a droit au respect de sa vie privée protégée, notamment par l’article 226-1 du code pénal, dans le cadre de ses fonctions et en dehors des lieux privés, il ne peut s’opposer à l’enregistrement d’images ou de sons. Comme le rappelle la circulaire du 23 décembre 2008 du ministre de l’Intérieur , dans ce cadre, la liberté d’information, qu’elle soit le fait d’un journaliste ou d’un particulier, prime sur le droit à l’image ou au respect de la vie privée dès lors que cette liberté ne porte pas atteinte à la dignité de la personne. La Cour de cassation a eu l’occasion d’affirmer qu’est légitime, à condition d'être directement en relation avec l'événement qui en est la cause, la révélation dans la presse du nom d'un fonctionnaire de police à propos de faits relatifs à son activité professionnelle et ne constitue donc pas une atteinte au respect de la vie privée (Cour de cassation – 2e chambre civile 29 avril 2004 / n° 02-19.432).

La Défenseure des droits souligne l’importance du caractère public de l’action des forces de sécurité qui permet son contrôle démocratique, notamment par la presse et les autorités en charge de veiller au respect de la loi et de la déontologie.

Elle note en outre que, dans certains cas, des mesures de protection sont déjà prévues par la loi pour les forces de sécurité de l’Etat. Ainsi, par exception, les agents appartenant aux services d’intervention, de lutte anti-terroriste et de contre-espionnage bénéficient de la garantie de l’anonymat (arrêté du 7 avril 2011, qui complète l’article 39 sexies de la loi du 29 juillet 1881).

Pour préserver les capacités d’enquête, la proposition de loi prévoit que les dispositions de l’articles la nouvelle infraction de l’article 35 quinquies  « ne ferait pas obstacle à la communication aux autorités administratives et judiciaires compétentes, dans le cadre des procédures qu’elles diligentent, d’images et éléments d’identification d’un fonctionnaire de la police nationale ou d’un militaire de la gendarmerie nationale ».

Or, la Défenseure des droits considère que cette limite, minimale, n’est pas suffisante car il est fréquent que des images accessibles sur internet, sans que leur auteur ait saisi une autorité administrative ou judiciaire et sans qu’il soit dans un premier temps identifiable, contribuent à la réalisation des enquêtes.

En conclusion, l’avis tient à rappeler  que « la libre captation et diffusion d’images de fonctionnaires de police et militaire de gendarmerie en fonction, hors les exceptions évoquées plus haut, est une condition essentielle à l’information, à la confiance et au contrôle efficient de leur action »

Des risques d'atteintes à la vie privée sont également pointés par la Défenseure  des droits. Il en est ainsi de la possibilité pour les policiers municipaux et les agents de la ville de Paris de consulter les images des caméras de vidéo protection – habilitation jusque-là strictement encadrée – qui porterait une atteinte disproportionnée au droit à la vie privée. L’article 22 du texte, qui prévoit de permettre l’usage de drones avec caméra embarquée comme outil de surveillance, est également relevé, en ce que les drones permettent une surveillance très étendue et particulièrement intrusive, contribuant à la collecte massive et indistincte de données à caractère personnel. 

10 novembre 2020 - Légipresse N°387
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