Le droit de l'Union s'oppose à ce qu'un État membre exclue les artistes interprètes ou exécutants qui sont ressortissants d'États tiers à l'Espace économique européen du droit à une rémunération équitable et unique pour la diffusion de musique enregistrée.
La Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) a rendu, le 8 septembre dernier, en formation de grande chambre, un arrêt retentissant en matière de gestion collective de droits d'auteur et droits voisins(1). Issu d'un contentieux local entre deux entreprises de gestion collective de droits d'artistes-interprètes et de droits de producteurs de phonogrammes irlandais, en désaccord sur les bénéficiaires de la rémunération équitable prévue à l'article 8.2 de la directive ...
Cour de Justice de l'Union européenne, (grande ch.), 8 septembre 2020, aff. C-265/19 Recorded Artists Actors Performers Ltd c/ Phonographic Performance (Ireland) Ltd
Guillem QUERZOLA
Avocat au Barreau de Paris Spécialiste en droit de la propriété ...
9 novembre 2020 - Légipresse N°386
3493 mots
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(1) Les arrêts de cette formation de jugement sont relativement rares : on en compte 10 seulement (11 avec celui-ci) sur les 174 arrêts rendus par la CJUE en matière de propriété intellectuelle au cours des cinq dernières années (au 28 sept. 2020).
(2) N. Taleb, Le Cygne noir : la puissance de l'imprévisible, Les Belles Lettres, 2008.
(3) L'EEE comprend les 27 États membres de l'UE plus 3 États membres de l'AELE (Islande, Norvège et Lichtenstein).
(4) Codification de la directive no 92/100/CE du 19 nov. 1992 relative au droit de location et de prêt et à certains droits voisins du droit d'auteur dans le domaine de la propriété intellectuelle.
(5) L'universalité du critère a été voulue par le législateur de 1985 pour dissuader les utilisateurs de recourir à des enregistrements étrangers dans le seul but d'échapper au paiement de la redevance.
(6) Le texte issu de la loi du 3 juill. 1985 faisait référence aux « phonogrammes fixés pour la première fois en France », disposition inspirée par une volonté légitime de favoriser la production nationale mais possiblement contraire aux principes de non-discrimination en raison de la nationalité (TFUE, art. 18) et de libre circulation des marchandises (TFUE, art. 34 à 36), que la loi du 1er août 2006 a opportunément remplacée par la formulation actuelle.
(7) La France avait en outre expressément déclaré au moment de la ratification de la Convention qu'elle excluait l'application de la RE pour les phonogrammes « dont le producteur n'est pas ressortissant d'un État contractant » en vertu de l'article 16.1, a), iii).
(8) La notification faite à l'OMPI par les États-Unis au moment de la ratification du Traité prévoit de limiter la RE à « certains actes de radiodiffusion et de communication au public par des moyens numériques pour lesquels une redevance directe ou indirecte est perçue au titre de la réception, ou pour d'autres retransmissions et communications sur phonogramme numérique ».
(9) Pour un exemple, v. TGI Paris, 18 sept. 2015, no 14/09244.
(10) Le texte initial de la loi du 3 juillet 1985 n'affectait à ces actions que 50 % des sommes non répartissables perçues au titre de la RE. Il est intéressant de constater que le législateur avait déjà bien en tête qu'il s'agissait d'un « financement dégagé sur les sommes dues aux auteurs américains » et qu'il convenait de ne pas lui accorder trop de place sous peine d'entraver « un élargissement éventuel aux États-Unis des accords internationaux » (B. Edelman, Droits d'auteur et droit voisins, Dalloz, 1993, p. 261). La loi du 27 mars 1997 a néanmoins porté la quotité à 100 % et les révisions ultérieures du texte n'ont cessé d'étendre le domaine des aides et de raccourcir leur délai d'affectation.
(11) Pour une étude de leur nature et de leur régime, v. A. Latreille, Droits voisins : la notion de sommes « non répartissables », Légipresse 1999. 97.
(12) Communiqué ADAMI du 11 sept. 2020.
(13) Communiqué SPEDIDAM du 16 sept. 2020.
(14) Communiqué SPPF du 16 sept. 2020.
(15) Europe : Un arrêt de la CJUE menace les aides françaises pour la musique, Le Bureau export, 14 sept. 2020.
(16) Message Facebook/Twitter du 27 sept. 2020.
(17) Avec toutefois des règles de computation différentes tenant compte des dates de perception, de mise en répartition et de versement des sommes litigieuses.
(18) Musique : des centaines de millions d'euros d'aides menacés, Les Échos, 22 sept. 2020.
(19) La Commission de contrôle des sociétés de perception et de répartition des droits, émanation de la Cour des comptes, formule même régulièrement des recommandations pour optimiser l'action artistique et culturelle des OGC (v. en particulier 5e Rapport annuel, avr. 2008, 2de partie ; 12e Rapport annuel, avr. 2015, 1re partie, et Rapport annuel, juin 2019, 2e partie).
(20) À l'exception peut-être de l'ajout « auxquelles la France est partie » figurant à l'article L. 324-17, 2°, du code de la propriété intellectuelle puisque les instruments de ratification déposés par les États membres sont impuissants à modifier les engagements de l'Union selon la Cour.