À quelques jours d'intervalle, la Cour de cassation et le Conseil d'État sont venus clore le long contentieux qui opposait France Télévisions à Playmédia. Cette société permettait d'accéder, sur son site playtv.fr, aux programmes diffusés par France Télévisions depuis son propre site pluzz.francetv.fr, grâce à des liens profonds et à la technique de la « transclusion », et ce sans autorisation. Ce faisant, le juge administratif, éclairé par la Cour de justice de l'Union européenne, a précisé le champ d'application de l'obligation de « must carry » des distributeurs de services audiovisuels. La Cour de cassation s'est quant à elle prononcée sur le régime des liens hypertextes profonds et de la « transclusion » au regard du droit voisin de l'entreprise de communication audiovisuelle.
Il n'aura pas fallu moins que l'intervention du Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA), de la Cour de cassation, de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) et du Conseil d'État pour trancher la question de savoir dans quelles conditions un site internet peut reprendre les programmes édités par France Télévisions. Après dix ans de procédure, les deux plus Hautes juridictions françaises apportent à quelques jours d'intervalle une solution claire à la problématique de la ...
Cour de cassation, (1re ch. civ.), 4 juillet 2019, n° 16-13.092, Playmédia c/ France Télévisions Conseil d'Etat, 24 juillet 2019, n° 391519, France Télévisions c/ Playmédia
Marc Le Roy
Docteur en droit
Chargé d'enseignement à l'Université de Tours et au ...
5 décembre 2019 - Légipresse N°376
3568 mots
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(2) Le professeur Bruguière note que « la ratio legis de ce mécanisme est de permettre de permettre aux téléspectateurs qui n'ont accès à la télévision que par l'intermédiaire d'offres privées, de pouvoir regarder des chaînes publiques ; le distributeur préférant privilégier des chaînes privées » in Le must carry doit être mise en œuvre dans le respect du droit d'auteur et des droits voisins, Propr. intell. 2015. 70.
(3) Précisons que cette obligation ne concerne que la télévision linéaire et non les services à la demande de France Télévisions. L'art. 34-2 de la loi de 1986 ne vise en effet que « les services diffusés par voie hertzienne terrestre en mode analogique ». Il s'agit donc bien d'un « must carry » (du signal) et non d'un « must offer ».
(4) Décis. no 2013-555.
(5) CSA, décis. no 2015-232 du 27 mai 2015.
(6) CE 24 juill. 2019, n° 391519, France Télévisions, Lebon ; Légipresse 2019. 447 et les obs..
(7) Directive concernant le service universel et les droits des utilisateurs au regard des réseaux et services de communications électroniques (directive « service universel »).
(8) CJUE 13 déc. 2018, aff. C-298/17, Légipresse 2019. 7 et les obs..
(9) Paris, 2 févr. 2016, no 14/20444, Playmédia c/ France Télévisions, Légipresse 2016. 360, obs. T. Douville ; Dalloz IP/IT 2016. 196, obs. S. Dormont.
(15) La souscription implique un « engagement de paiement » selon le dictionnaire Robert.
(16) L'art. 34-2 de la loi de 1986 pose même une obligation de reprise.
(17) « Pour l'application de la présente loi, les mots : distributeur de services désignent toute personne qui établit avec des éditeurs de services des relations contractuelles en vue de constituer une offre de services de communication audiovisuelle mise à disposition auprès du public par un réseau de communications électroniques ».
(18) Préc.
(19) « Sont soumises à l'autorisation de l'entreprise de communication audiovisuelle la reproduction de ses programmes, ainsi que leur mise à la disposition du public par vente, louage ou échange, leur télédiffusion et leur communication au public dans un lieu accessible à celui-ci moyennant paiement d'un droit d'entrée ».
(20) Certains auteurs ont pu considérer à tort que cette « télédiffusion » devait avoir lieu dans un lieu accessible au public moyennant paiement d'un droit d'entrée comme le prévoit l'art. L. 216-1 du CPI. Ces conditions ne visent pourtant pas la « télédiffusion » qui est parfaitement autonome comme le démontrent les travaux préparatoires de la loi no 85-660 du 3 juill. 1985 (art. 27) à l'origine de l'art. L. 216-1 du CPI. V. par ex. le dossier législatif du Sénat consacré à la loi de 1985, disponible, http://www.senat.fr/dossier-legislatif/a83842169.html
(21) Sur cette notion, v. par ex. le pt 24 de CJUE 13 févr. 2014, aff. C-466/12, Svensson c/ Retriever Sverige, Légipresse 2014. 135 et les obs. ; D. 2014. 480 ; ibid. 2078, obs. P. Sirinelli ; ibid. 2317, obs. J. Larrieu, C. Le Stanc et P. Tréfigny ; JAC 2014, n° 12, p. 6, obs. E. Scaramozzino ; RTD com. 2014. 600, obs. F. Pollaud-Dulian ; RTD eur. 2014. 965, obs. E. Treppoz.
(22) Playmédia a été condamné par la Cour d'appel de Paris pour violation des droits voisins de France TV pour la période d'émission comprise entre 2009 et nov. 2014 en captant le signal des chaînes de France TV. Le pourvoi ne revient pas sur cette condamnation mais sur la condamnation postérieure à novembre 2014 qui porte sur sa nouvelle technique de diffusion par transclusion.
(23) CJUE 13 févr. 2014, aff. C-466/12, préc.
(24) CJUE 21 oct. 2014, aff. C-348/13, BestWater International GmbH c/ Mebes, D. 2014. 2293 ; ibid. 2015. 2214, obs. J. Larrieu, C. Le Stanc et P. Tréfigny ; Légipresse 2014. 650 et les obs. ; RTD com. 2014. 808, obs. F. Pollaud-Dulian.
(25) Dir. 2001/29/CE.
(26) CJUE 26 mars 2015, aff. C-279/13, C More Entertainment AB c/ Sandberg, D. 2015. 805 ; Légipresse 2015. 208 et les obs.
(27) C. Bernault, Propr. intell. 2016. 337 obs. sous Paris, 2 févr. 2016, Playmédia c/ France Télévisions.
(28) S. Dormont, La mise en œuvre de la jurisprudence européenne sur le lien hypertexte par la Cour d'appel de Paris, Dalloz IP/IT 2016. 196.
(29) Condition qui ne manque d'ailleurs pas d'être critiquée par la doctrine. V. par ex., P. Sirinelli, Le régime juridique d'un hyperlien conduisant à un contenu illicite selon la CJUE, Dalloz IP/IT 2016. 543.
(30) Com. 6 sept. 2016, Prop. intell. 2017. 134, obs. P. de Candé.
(31) Pour autre exemple de l'articulation entre contrefaçon et concurrence déloyale, v. Civ. 1re, 10 avr. 2013, n° 12-12.886, Sté Antilles On Line c/ Sté Ouloger.com, D. 2013. 1392, note S. Chatry ; ibid. 1973, chron. M. Vivant ; ibid. 2014. 2078, obs. P. Sirinelli ; RTD com. 2013. 290, obs. F. Pollaud-Dulian.
(32) Droits d'auteurs cédés aux producteurs d'une œuvre par exemple dans cadre d'une présomption de cession des droits d'exploitation : v. CPI, art. L. 132-24.
(33) Pour une distinction des liens vers les contenus licites et illicites, v. P. Sirinelli, Le régime juridique d'un hyperlien conduisant à un contenu illicite selon la CJUE, préc.
(34) V. supra arrêt Svensson.
(35) V. supra.
(36) Un lien qui pointe vers un contenu ne semble pas constituer une « télédiffusion » ou une « reproduction » au sens de l'art. L. 216-1 du CPI. Néanmoins, la Cour de cassation mentionne plus largement un « droit exclusif d'autoriser la mise à la disposition du public en ligne de ses programmes et des œuvres diffusées sur son site Pluzz ».