La décision Pelham trouve sa source dans un article ancien de la loi allemande sur le droit d’auteur, l’article 24, dont les termes peuvent apparaître particulièrement déroutants au juriste français : il prévoit qu’« une œuvre indépendante qui a été créée en utilisant librement l’œuvre d’autrui peut être publiée et exploitée sans l’autorisation de l’auteur de l’œuvre utilisée ».
Construction originale du droit allemand, inconnue des autres systèmes, cet article entend ouvrir un espace de liberté à l’artiste d’une œuvre seconde, qui peut s’exercer à partir de l’œuvre première sans l’autorisation de son auteur.
Jusqu’à présent, il s’appliquait dans deux situations, pour le moins contrastées :
– pour justifier sans autorisation du premier auteur la « libre utilisation » d’une œuvre antérieure lorsque celle-ci est « effacée » par la ...
Marie-Avril ROUX
MARS-IP - Avocat aux Barreaux de Paris et Berlin - Spécialiste en droit de la ...
28 novembre 2019 - Légipresse N°375
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(2) En ce sens, v CJUE16 nov. 2016, aff. C-301/15, Soulier Doke, pt 34, D. 2017. 84, note F. Macrez ; Dalloz IP/IT 2017. 108, obs. V.-L. Benabou ; JAC 2017, n° 42, p. 6, obs. E. Scaramozzino ; Rev. UE 2017. 78, étude Lamia El Badawi ; CJUE 27 mars 2014, aff. C-314/12, UPC Telekabel Wien, pts 24 et 25, D. 2014. 1246, note C. Castets-Renard ; ibid. 2078, obs. P. Sirinelli ; Légipresse 2014. 345, comm. L. Marino ; JAC 2014, n° 14, p. 11, obs. E. Scaramozzino ; RTD com. 2014. 609, obs. F. Pollaud-Dulian ; RTD eur. 2014. 283, édito. J.-P. Jacqué ; ibid. 2015. 173, obs. F. Benoît-Rohmer.
(3) Le Bundesgerichtshof (Cour fédérale de justice) avait d'ailleurs posé sa question préjudicielle, en soulignant « qu'un tel « droit à la libre utilisation » ne constitue pas, en tant que tel, une dérogation au droit d'auteur mais désigne plutôt une limitation inhérente du domaine de protection de celui-ci, fondée sur l'idée selon laquelle la création culturelle n'est pas envisageable sans un appui sur des prestations antérieures d'autres auteurs » (pt 56 de l'arrêt du 29 juill. 2019).
(4) Mais déjà l'avocat général avait clairement rappelé que « la direction 2001/29, à son article 5, ne distingue pas les exceptions et les limitations du droit d'auteur ou des droits voisins) » (Concl. Szpunar, pt 55).
(5) Wandtke/Bullinger, Kommentar Urheberrecht, 5. Auflage 2019, sous l'art. 24, selon lesquels la libre utilisation n'est pas une notion européenne harmonisée, ce que sont en revanche les exceptions au droit d'auteur. Car les exceptions de l'art. 5 de la directive supposent une mise en œuvre du droit de reproduction. Or la libre utilisation n'est pas une exception au droit de reproduction mais au droit d'auteur lui-même.
(6) Wandtke « Urheberrecht », De Gruyter, 2019 ; p. 252, qui rappelle que le monopole des producteurs de phonogrammes étant causé par le seul investissement réalisé, quel que soient les sons fixés, même non protégés (chants d'oiseaux, bruits de moteurs etc.), le pouvoir du producteur s'étendrait bien au-delà du périmètre de protection du droit d'auteur. En conséquence, la limitation des droits du producteur par le droit à la liberté de création et la libre utilisation de l'art. 24 apparait comme un correctif nécessaire à leur droit absolu.
(7) L'art. 2.2 de la loi allemande sur le droit d'auteur qui définit les œuvres protégées ne parle pas d'originalité en tant que reflet de la personnalité de l'auteur mais vise les « créations intellectuelles personnelles », la doctrine parlant de « Individualität ».
(8) Cour fédérale de justice, 1er déc. 2010, Perlentaucher ; BGH, 1er juin 2011, Lernspiele.
(9) Cour fédérale de justice, 8 juill. 2004, Hundefigur.
(10) Sauf dans le cas particulier de l'adaptation audiovisuelle expressément prévue comme impliquant l'autorisation de l'auteur de l'œuvre originelle.
(11) Cour fédérale de justice, 16 mai 2013.
(12) Cour fédérale de justice, 7 juilll. 2013, Pippi Langstrumpf.
(13) CA Munich, 7 août 2014, Heute Journal.
(14) Cette disposition est aussi critiquée par une partie de la doctrine, qui la trouve trop protectrice des auteurs des œuvres antérieures et de nature à limiter la liberté de création, par ex. Wandtke/Bullinger, préc., note 5.
(15) Comme le relèvent A. Lucas, A. Lucas-Schloetter et C. Bernault, Traité de la propriété littéraire et artistique, LexisNexis, 2017 (no 293), le droit allemand utilise cette expression « kleine Münze » pour désigner des œuvres de faible degré de créativité individuelle, mais encore suffisante pour justifier la protection par le droit d'auteur.
(16) Par ex., pour une chanson de Boney M reprenant une œuvre antérieure, Cour fédérale de justice, 24 janv. 1991, Brown Girl II.
(17) Cour fédérale de justice, 29 avr. 1999, Laras Tochter.
(18) En ce sens, Ansgar Ohly, « Hip Hop und die Zukunft der freien Benutzung“im EU-Urheberrecht », GRUR 2017. 964 s
(19) « Douce France » v. « Douce transe » Civ. 1re, 12 janv. 1988.
(20) CJCE 3 sept. 2014, aff. C-201/13 « la parodie a pour caractéristiques essentielles, d'une part, d'évoquer une œuvre existante, tout en présentant des différences perceptibles par rapport à celle-ci, et, d'autre part, de constituer une manifestation d'humour ou une raillerie », D. 2014. 2097, note B. Galopin ; Légipresse 2014. 457 et les obs. ; ibid. 604, comm. N. Blanc ; JAC 2014, n° 17, p. 10, obs. E. Scaramozzino ; RTD com. 2014. 815, obs. F. Pollaud-Dulian ; RTD eur. 2016. 358, obs. F. Benoît-Rohmer.
(21) Cour fédérale de justice, 28 juill. 2016, auf fett getrimmt.
(22) Du raffst meine welt nicht und trotzdem dringst du in sie ein du bringst mir nix als probleme und willst 'n teil von mir sein“