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Propriété intellectuelle
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27/11/2019
L'article 17 de la directive (UE) 2019/790 : une (fragile) responsabilité des fournisseurs de service de partage en ligne de contenus protégés par un droit d'auteur ou un droit voisin
L'article 17 de la directive du 17 avril 2019 sur le droit d'auteur et les droits voisins dans le marché unique numérique instaure un nouveau système de responsabilité des fournisseurs de service de partage de contenus en ligne. Partant du principe que ces fournisseurs accomplissent des actes de communication au public, ou de mise à disposition du public, des œuvres « téléversées » par des internautes, il leur impose désormais d'obtenir l'autorisation des titulaires de droits sur les œuvres. Mais en l'absence de faute, s'ils justifient avoir fait « les meilleurs efforts » et agi « promptement », les fournisseurs pourront s'exonérer de leur responsabilité. Leur condamnation semble alors difficile à obtenir.
1. Au titre des « mesures visant à assurer le bon fonctionnement du marché du droit d'auteur »(1), la directive (UE) 2019/790 du 17 avril 2019 sur le droit d'auteur et les droits voisins dans le marché unique numérique comporte un article 17 consacré à la responsabilité des fournisseurs de service de partage de contenus en ligne(2). Cet article, plutôt long et ardu dans sa rédaction, a fait l'objet « d'intenses négociations et controverses »(3). Il faut dire qu'il envisage la ...
Christophe Alleaume
Professeur à l’Université de Caen Basse-Normandie, Directeur de l’Institut ...
27 novembre 2019 - Légipresse N°375
4149 mots
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(2) P. Sirinelli, Le nouveau régime applicable aux fournisseurs de services de partage de contenus en ligne, Dalloz IP/IT 2019. 288 ; E. Treppoz, Premiers regards sur la directive droit d'auteur dans le marché unique numérique, JCP E 2019, 1343 ; M. Vivant, Une responsabilité ad hoc pour les sites de partage, CCE oct. 2019, Dossier 8, p. 35.
(3) F. Panneau et S. Bencheikh-André, Les Échos, Executive, 20 mars 2019 (https://business.lesechos.fr/). Il s'agit de l'ancien art. 13 de la proposition de directive. V., A. Lucas, Directive sur le droit d'auteur dans le marché unique numérique, L'Essentiel, Droit de la propriété intellectuelle, no 10, p. 1.
(4) Dir. (UE) 2019/790, consid. no 61.
(5) M. Vivant, art. préc., no 2, évoque un « business model entièrement construit sur la contrefaçon ».
(6) C. Alleaume, Vade-mecum de la lutte contre la contrefaçon sur internet, note sous TGI Paris, réf., 28 nov. 2013, n° 11/60013, Légipresse 2014. 158 ; Propr. intell. 2014. 91, obs. J.-M. Bruguière.
(7) C. Alleaume, L'article L. 336-2 CPI ou comment condamner le non-contrefacteur, note sous Civ. 1re, 12 juill. 2012, n° 11-20.358, SNEP c/ Google, Légipresse 2012. 475 et les obs. ; ibid. 560, comm. C. AlleaumeD. 2012. 1880, obs. C. Manara ; ibid. 2343, obs. J. Larrieu, C. Le Stanc et P. Tréfigny ; ibid. 2836, obs. P. Sirinelli ; ; RTD com. 2012. 771, obs. F. Pollaud-Dulian ; Propr. intell. 2012. 413, obs. J.-M. Bruguière ; RIDA, oct. 2012. 473, chron. P. Sirinelli.
(8) Sinon l'action n'a aucun intérêt.
(9) Dont l'art. 17, § 8, de la présente directive rappelle qu'elle est interdite : « L'application du présent article ne donne lieu à aucune obligation générale de surveillance ».
(10) Ou, en France, sur le fondement de la loi du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique.
(11) CJUE 23 mars 2010, aff. C-236/08, Google France et Google Inc. c/ Louis Vuitton Malletier SA, jugeant pour droit que : « L'article 14 de la directive 2000/31/CE du Parlement européen et du Conseil, du 8 juin 2000, […] doit être interprété en ce sens que la règle y énoncée s'applique au prestataire d'un service de référencement sur Internet lorsque ce prestataire n'a pas joué un rôle actif de nature à lui confier une connaissance ou un contrôle des données stockées. S'il n'a pas joué un tel rôle, ledit prestataire ne peut être tenu responsable pour les données qu'il a stockées à la demande d'un annonceur à moins que, ayant pris connaissance du caractère illicite de ces données ou d'activités de cet annonceur, il n'ait pas promptement retiré ou rendu inaccessibles lesdites données », D. 2010. 885, obs. C. Manara ; ibid. 1966, obs. J. Larrieu, C. Le Stanc et P. Tréfigny-Goy ; ibid. 2011. 908, obs. S. Durrande ; Légipresse 2010. 158, comm. C. Maréchal ; RTD eur. 2010. 939, chron. E. Treppoz. Sur le sujet, P.-Y. Gautier, De l'éventuel « rôle actif » des opérateurs internet dans la réalisation du dommage, D. 2011. 2054.
(12) L. Heinzmann, L'influence de l'environnement numérique sur les droits d'exploitation en droit d'auteur français, allemand et européen, dir. L. Lucas-Schoettler et T. Dreier, Univ. Paris Saclay – Freiburg en Brisgau, 2016.
(13) CJUE, 2e ch., 8 sept. 2016, aff. C-160/15, GS Media, Légipresse 2016. 601, note V. Varet ; D. 2016. 1905, note F. Pollaud-Dulian ; ibid. 2141, obs. J. Larrieu, C. Le Stanc et P. Tréfigny ; ibid. 2017. 697, édito. M. Vivant ; Dalloz IP/IT 2016. 543, obs. P. Sirinelli ; JAC 2016, n° 39, p. 6, obs. E. Scaramozzino ; RTD eur. 2017. 864, obs. E. Treppoz ; CCE 2016. Comm. 78, obs. C. Caron ; JCP 2016. 1222, note L. Marino ; Propr. intell. 2016. 436, obs. J.-M. Bruguière (concernant l'insertion de liens hypertextes dirigeant vers des œuvres) ; CJUE, 2e ch., 26 avr. 2017, aff. C-527/15, Stichting Brein c/ Wullems, Légipresse 2017. 632, obs. C. Alleaume ; D. 2017. 983 ; JAC 2017, n° 47, p. 12, obs. E. Scaramozzino ; RTD com. 2017. 346, obs. F. Pollaud-Dulian ; CCE 2017. Comm. 50, obs. C. Caron ; RIDA, juill. 2017, obs. P. Sirinelli et A. Bensamoun (concernant la vente d'un appareil fonctionnant avec un logiciel auquel étaient intégrés des modules complémentaires dont certains renvoyaient à des sites internet sur lesquels des œuvres protégées étaient mises à la disposition des internautes sans l'autorisation des titulaires du droit d'auteur).
(14) CJUE, 2e ch., 14 juin 2017, aff. C-610/15, Stichting Brein c/ Ziggo BV, Légipresse 2017. 361 ; D. 2017. 1248 ; ibid. 2390, obs. J. Larrieu, C. Le Stanc et P. Tréfigny ; JAC 2017, n° 50, p. 10, obs. E. Scaramozzino ; RTD com. 2017. 900, obs. F. Pollaud-Dulian ; RTD eur. 2017. 864, obs. E. Treppoz.
(15) Mais qui le fera ?
(16) Dir. 2000/31/CE, art. 14, § 1 : « Les États membres veillent à ce que, en cas de fourniture d'un service de la société de l'information consistant à stocker des informations fournies par un destinataire du service, le prestataire ne soit pas responsable des informations stockées à la demande d'un destinataire du service à condition que : a) le prestataire n'ait pas effectivement connaissance de l'activité ou de l'information illicites et, en ce qui concerne une demande en dommages et intérêts, n'ait pas connaissance de faits ou de circonstances selon lesquels l'activité ou l'information illicite est apparente, ou, b) le prestataire, dès le moment où il a de telles connaissances, agisse promptement pour retirer les informations ou rendre l'accès à celles-ci impossible ».
(17) P.-Y. Gautier, Propriété littéraire et artistique, 11e éd., PUF, coll. « Droit fondamental », 2019, no 766.
(18) À ce sujet lire, dans cette revue, l'intéressant article de D. Piatek, qui s'interroge sur le point de savoir si l'art. 17, § 4, de la directive ne serait pas une « exception cachée », v. p. 536.
(19) V. le « et » entre a, b et c.
(20) Dir. 2000/31/CE, art. 17, § 5.
(21) Dir. 2000/31/CE, art. 17, § 5.
(22) V. les art. de M. Vivant, E. Treppoz et P. Sirinelli, cités ci-dessus.
(23) F. Pollaud-Dulian, Le droit d'auteur, 2e éd., Économica, coll. « Corpus droit privé », 2014, no 1928.
(24) F. Pollaud-Dulian, op. cit., no 1932.
(25) D. Piatek, art. préc.
(26) F. Pollaud-Dulian, op. cit., no 1931 : « La fonction réparatrice du préjudice causé par la contrefaçon possède, bien sûr, une grande importance mais les dommages-intérêts ne doivent pas être considérés comme fondés exclusivement sur cet aspect de responsabilité civile : ils participent aussi de la fonction de réintégration dans le droit privatif et de celle de peine privée, notamment dans son aspect de dissuasion. Au demeurant, si l'on considérait que l'action en contrefaçon est une sorte d'action en responsabilité civile, alors même que l'action en concurrence déloyale ou parasitaire n'est qu'une forme particulière de l'action en responsabilité civile, les deux feraient double emploi sur le terrain civil et leur complémentarité serait injustifiable ».
(27) L'article 17, § 6, poursuit en ajoutant que : « Lorsque le nombre moyen de visiteurs uniques par mois de tels fournisseurs de services dépasse les 5 millions, calculé sur la base de l'année civile précédente, ils sont également tenus de démontrer qu'ils ont fourni leurs meilleurs efforts pour éviter d'autres téléversements des œuvres et autres objets protégés faisant l'objet de la notification pour lesquels les titulaires de droits ont fourni les informations pertinentes et nécessaires ».