Ni la loi du 30 septembre 1986, ni la recommandation du CSA du 22 novembre 2017 n'imposent à France Télévisions, hors période électorale, le respect d'une stricte égalité de traitement entre toutes les personnalités politiques. La politique éditoriale du groupe audiovisuel public est libre et indépendante, et il lui appartient, sous le contrôle du CSA, de concevoir et d'organiser des émissions participant au débat démocratique dans le respect d'un traitement équitable de l'expression pluraliste des courants de pensée et d'opinion. Ainsi, le juge des référés du Conseil d'État ne saurait remettre en cause les décisions prises dans ce cadre que dans les cas où elles porteraient une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale.
Éléments de la devise républicaine, « liberté » et « égalité » ne semblent pas toujours pleinement s'accommoder ou aller parfaitement ensemble. Tous ne l'entendent pas de la même manière. L'accent peut contradictoirement être mis sur l'une ou l'autre de ces exigences. La liberté des uns paraît se concilier difficilement avec celle des autres. Si la liberté peut parfois donner l'impression de s'opposer à l'égalité, le souci d'égalité, poussé trop loin, est perçu comme ...
Conseil d'Etat, 4 avril 2019, France Télévisions
Emmanuel Derieux
Professeur à l’Université Panthéon-Assas (Paris 2)
4 juin 2019 - Légipresse N°371
4171 mots
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(1) En conséquence, la traduction, en langue française, de quelques extraits du présent arrêt doit être considérée comme ne présentant aucun caractère officiel.
(2) Art. 8. - Droit au respect de la vie privée et familiale. 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance.
(3) Art. 10. - Liberté d'expression. 1. Toute personne a droit à la liberté d'expression. Ce droit comprend la liberté d'opinion et la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées sans qu'il puisse y avoir d'ingérence des autorités publiques et sans considération de frontière (…) 2. L'exercice de ces libertés comportant des devoirs et des responsabilités peut être soumis à certaines formalités, conditions, restrictions ou sanctions prévues par la loi, qui constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité nationale, à l'intégrité territoriale ou à la sûreté publique, à la défense de l'ordre et à la prévention du crime, à la protection de la santé ou de la morale, à la protection de la réputation ou des droits d'autrui, pour empêcher la divulgation d'informations confidentielles ou pour garantir l'autorité et l'impartialité du pouvoir judiciaire.
(4) S'inscrivant dans l'abondante jurisprudence de la Cour européenne à cet égard. V. not., C. Bigot, Jurisprudence de la Cour EDH en matière de liberté d'expression, Synthèse annuelle, numéros de septembre de Legipresse ; La liberté d'expression en Europe. Regards sur douze ans de jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme (2006-2017), Victoires SA, coll. « Legipresse », 2018, 184 p. ; Conseil de l'Europe. La jurisprudence relative à l'article 10 de la Convention EDH. Dossier sur les droits de l'homme, no 18, 2001, 99 p. ; La liberté d'expression en Europe. Jurisprudence relative à l'article 10 de la Convention européenne des droits de l'homme, Dossier sur les droits de l'homme no 18, 2006, 80 p. ; E. Derieux, Jurisprudence européenne, in Droit des médias. Droit français, européen et international, Lextenso-LGDJ, 8e éd., 2018, p. 838 ; Droit européen de la responsabilité des médias, in Droit européen des médias, Bruylant, 2017, p. 339 ; L. François, Liberté de la presse : évolution de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme de 1950 à nos jours, CCE mai 2012, no 5, étude 12 ; D. Garcia San José, La liberté d'expression dans la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme. Analyse critique, Legipresse, déc. 2003, no 207.II.159-162.
(5) En cela officiellement assez semblable, bien que la situation entre les deux ne puisse évidemment en rien être comparée, aux dispositions de l'article 431-1 du code pénal français qui réprime « le fait d'entraver, d'une manière concertée et à l'aide de menaces, l'exercice de la liberté d'expression (…) de la liberté de création artistique ou de la liberté de diffusion de la création artistique ». A. Lepage, Un nouveau délit d'entrave dans le code pénal : l'entrave à la liberté de création artistique », Legicom, no 58, 2017/1, p. 55-64.
(6) Disponible en français.
(7) E. Derieux, Protection des sources en droit européen, in Droit des médias, Lextenso-LGDJ, p. 789 ; Protection des sources d'information des journalistes, in Droit européen des médias, Bruylant, 2017, p. 312.
(8) Dès les premiers arrêts qu'elle a rendus à cet égard, la Cour européenne a posé que, « sous réserve du paragraphe 2 de l'article 10 », la liberté d'expression « vaut non seulement pour les informations ou idées accueillies avec faveur ou considérées comme inoffensives ou indifférentes, mais aussi pour celles qui heurtent, choquent ou inquiètent » (CEDH 26 avr. 1979, Sunday Times ; CEDH 26 nov. 1991, n° 13585/88, AJDA 1992. 15, chron. J.-F. Flauss ; RFDA 1992. 510, chron. V. Berger, C. Giakoumopoulos, H. Labayle et F. Sudre ; RSC 1992. 370, obs. L.-E. Pettiti ; CEDH 21 janv. 1999, n° 29183/95, Fressoz c/ France, D. 1999. 272, obs. N. Fricero ; RSC 1999. 631, obs. F. Massias ; RTD civ. 1999. 359, obs. J. Hauser ; ibid. 909, obs. J.-P. Marguénaud ; RTD com. 1999. 783, obs. F. Deboissy …).
(9) Art. L. 523-1.- (…) Les décisions rendues en application de l’article L. 521-2 sont susceptibles d’appel devant le Conseil d’État dans les quinze jours de leur notification. En ce cas, le président de la section du contentieux du Conseil d’État ou un conseiller délégué à cet effet statue dans un délai de quarante-huit heures (…).
(10) Quel qu’ait été le souci, officiellement énoncé par les premiers juges, de ne pas « remettre en cause pour autant la ligne éditoriale des responsables des chaînes publiques ». Cela rappelle la formulation, pas davantage convaincante, de la Cour européenne des droits de l’homme selon laquelle « il n’appartient pas à la Cour, ni aux juridictions nationales d’ailleurs, de se substituer à la presse pour dire quelle technique de compte rendu les journalistes doivent adopter » (CEDH 10 déc. 2007, n° 69698/01, Stoll c/ France, AJDA 2008. 978, chron. J.-F. Flauss ; CEDH 30 mars 2004, n° 53984/00, Radio France c/ France, D. 2004. 2756, obs. B. de Lamy ; ibid. 1060, obs. C. Bîrsan ; RSC 2005. 630, obs. F. Massias ; RTD civ. 2004. 801, obs. J.-P. Marguénaud …), ce que, dans le même temps, elle semble pourtant faire !