Le juge administratif des référés suspend la lettre ministérielle venant préciser les conditions d'application d'une décision des AGESSA posant la règle nouvelle d'une exclusion de principe de tous les directeurs de collection de livres de ce régime de sécurité sociale, à la seule exception des directeurs de collection par ailleurs auteurs d'oeuvres littéraires ou dramatiques qui, pour ce seul pan de leurs activités, peuvent continuer à en relever. Le juge considère que cet acte a pour effet d'imposer, par lui-même, la révision de l'ensemble des contrats conclus par les éditeurs avec les directeurs de collection de livres et est de nature à entraîner d'importantes difficultés administratives, juridiques et financières.
« Pas de livres sans directeurs de collection ! »(1) C’est avec cette formule percutante que s’est exprimé Antoine Gallimard, le 15 mars 2018, dans une tribune au Figaro pour plaider le rôle essentiel des directeurs de collection au sein des maisons d’édition, dont la pérennité est menacée par une décision de l’Association pour la gestion de la sécurité sociale des auteurs (AGESSA), entérinée par ses autorités de tutelle et ayant pour objet d’exclure ceux-ci du ...
Conseil d'Etat, 7 novembre 2018, Syndicat national de l'edition
(1) A. Gallimard, « Pas de livres sans directeurs de collection ! », Le Figaro, 15 mars 2018.
(2) Informations issues du site internet de l’AGESSA antérieurement à mai 2017.
(3) « Le statut juridique du directeur de collection, entre l’auteur et l’éditeur », E. Pierrat, Légipresse 2002-II, 77.
(4) « Edition : le statut d’auteur des directeurs de collection remis en question », Le Monde, 23 oct. 2018.
(5) CE 13 juillet 2016, GDF Suez, n° 388150, AJDA 2016 p.2119, obs. Melleray ; Dr. Adm. n° 8-9, 2016, comm. 48, obs. Idoux ; JCP A n° 40, 2016, 2252, obs. Le Bot.
(6) E. Pierrat, op. cit.
(7) P.-Y. Gautier, Propriété littéraire et artistique, PUF 2019, 11e éd.., n°323.
(8) Com. 27 fév. 1990, JCP 1990, II, 21545, obs. Pollaud-Dulian, RTD com. 1990, 208, obs. Françon : « L’édition d’une collection d’ouvrages, présentant un certain nombre de caractéristiques communes, telles que celle dont M. Mazenod a conçu l’idée, ne constitue pas en soi la création d’une œuvre distincte de ces ouvrages eux-mêmes et dont l’éditeur pourrait être considéré comme l’auteur. » - Le professeur Pollaud-Dullian assimile le directeur de collection à un éditeur et énonce ainsi sans détour qu’ « on se situe en dehors (du droit d’auteur), car il n’y a ni œuvre ni auteur. Il s’agit d’édition, qui – quel qu’en soit le mérite – constitue une activité essentiellement commerciale, même quand elle s’applique à la publication d’ouvrages artistiques de qualité. » ; V. aussi Paris 7 nov. 2003, Légipresse, 2004 I 6 : Pour la cour, « les orientations données à une collection, le choix des thèmes, des sujets et des auteurs (relèvent) du domaine des idées non protégeables par le droit d’auteur. »
(9) TASS 15 janv. 1996, SA Albin Michel c/ URSSAF de Paris, n° 5478/90 qui en conclut « que la rémunération de l’activité créatrice des directeurs de collection doit donc comme telle être soumise au régime de Sécurité Sociale des Auteurs dont a en charge l’AGESSA ; » ; 15 avril 1996, SA Editions du Seuil c/ CPAM d’Angers, n° 21562/92 : « Attendu pour résumer, qu’il s’avère que les directeurs de collection contribuent activement à un projet commun qui est la réalisation d’un ouvrage s’insérant dans une collection littéraire ou scientifique et qu’ils participent d’une manière suivie, tant à la conception qu’à la réalisation de l’ouvrage ; (…) Attendu que ces directeurs de collection, qui n’ont pas de lien de subordination avec l’éditeur, doivent être considérés comme des co-auteurs d’une œuvre qu’ils ont concouru à créer ou à mettre au point ; »
(10) Paris 23 mars 2018, URSSAF de Paris / SAS Editions de l’Olivier, n°14/05304 : « Qu'en conséquence, il convient de considérer que Messieurs B... et M..., en tant que directeurs de collection faisant œuvre de création, rémunérés par un pourcentage sur les ventes sans être en situation de subordination avec la société, doivent être considérés comme co-auteurs d'une œuvre qu'ils ont concouru à créer ou à mettre au point ; que leur rémunération doit s'analyser en un droit d’auteur soumis à cotisations auprès du régime spécifique des auteurs l'AGESSA ; »
(11) Sur cette question, voir E. Pierrat, Le droit du livre, 3e éd., Ed. du cercle de la librairie 2013, p. 85-87.
(12) P.-Y Gautier, op. cit., n°698 s.
(13) CE, sect., 28 févr. 2001, n° 229562, Préfet Alpes-Maritimes, Sté Sud-est assainissement, Lebon, p. 464 ; AJDA 2001, p. 461, chron. M. Guyomar et P. Collin ; D. Chabanol, La pratique du contentieux administratif, LexisNexis 2018, 12e éd., n° 375.
(14) D. Chabanol, op. cit., n°377.
(15) J. Waline, Droit administratif, Dalloz 2018, 27e éd., n°446 ; CE 25 juin 1948, Sté du journal L’Aurore, GAJA n° 57, qui en fait un principe général du droit. ; Ph. Malaurie, P. Morvan, Introduction au droit, LGDJ 2018, 7e éd., n°310 ; P.-Y. Gautier, op. cit., n°474.