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01/07/2010


« Je crois beaucoup à la nécessité, si besoin de manière contraignante, d'amener Google à s'asseoir autour d'une table, pour trouver les bons équilibres »



Patrick Bloche, député de Paris, secrétaire national du parti socialiste, membre de la commission des aff aires culturelles et de l'éducation à l'Assemblée Nationale, a été interviewé le 25 juin 2010 lors de l'Assemblée générale de la Fédération nationale de la presse spécialisée

Patrick Bloche
Député Président de la Commission des affaires culturelles et de l'éducation ...
 

La presse connaît actuellement une situation de crise : avez-vous des remèdes à apporter ? Internet et la révolution technologique ont créé la nécessité de trouver un nouveau modèle de développement, même si beaucoup de problèmes que connaît la presse étaient antérieurs. Les États généraux de la presse ont permis de dresser un état des lieux et d'ouvrir des perspectives. J'ai espoir que l'on soit dans une période de mutation, et il est de la responsabilité des pouvoirs publics de les accompagner au mieux. Beaucoup des diffi cultés de la presse aujourd'hui sont de nature économique : problèmes de rentabilité, de distribution ; chutes des recettes publicitaires qui par ailleurs se dispersent sur d'autres médias. Parallèlement, on assiste à une chute du lectorat, spécialement pour la presse d'information politique et générale. Les pouvoirs publics ont toujours joué un rôle essentiel en ce domaine, à travers les aides à la presse, au postage …, car l'indépendance des médias et la démocratie sont en jeu. Or, l'indépendance n'a de sens que si vous y associez la diversité. Et cette diversité ne doit pas pâtir des problèmes actuels.
Les pouvoirs publics ont réorienté de façon très nette depuis une quinzaine d'années leurs aides vers la presse d'information politique et générale. Un rééquilibrage vers la presse professionnelle vous paraît-il souhaitable ? Seul un petit nombre de titres de presse appartient à la presse dite d'information politique et générale. La presse spécialisée, professionnelle, est souvent ignorée. Or la diversité de la presse, c'est aussi la diversité de ses titres ! Il est naturel que l'on s'intéresse beaucoup à l'avenir du Monde aujourd'hui, car c'est une institution. Mais il est surprenant en eff et que des titres qui peuvent avoir un lectorat plus important que Le Monde et qui se trouvent en diffi culté puissent disparaître parce qu'ils ne sont pas des titres d'information politique et générale. Je souhaiterais plus d'équilibre dans tout cela.
Quel est votre point de vue sur la question de l'indépendance des journalistes dans les rédactions ? La presse dont on parle le plus, la presse d'information quotidienne nationale, se trouve aux mains de grands groupes industriels et fi nanciers dont certains vivent des commandes de l'État. Cela crée beaucoup d'ambiguïtés. Sans partir dans des dispositifs anti-concentration lourds comme dans les années 1980 et qui ont connu leurs limites, on pourrait assainir les choses de façon pragmatique. Cela peut passer par la voie conventionnelle : les chartes d'éthiques et de déontologie professionnelle, objets de l'un des ateliers des États généraux de la presse et qui se mettent en place aujourd'hui, montrent la bonne volonté des responsables des rédactions et propriétaires de titres. Parallèlement, si la loi doit intervenir, le législateur doit trouver le bon point d'équilibre. Car assurer l'indépendance de l'équipe rédactionnelle ne doit pas se faire au détriment du développement des titres de presse.
Quelle est votre réfl exion sur Google, qui s'approprie les contenus des journaux sans respecter les droits d'auteur ? Je me méfi e beaucoup des discours un peu martiaux, de résistance : « Nous allons résister à Google ! ». C'est souvent comme cela que l'on construit des lignes Maginot. Ceci étant, je ne saurais inciter à baisser la garde, ni être dans une situation de fatalisme. Sa surface fi nancière et sa puissance de communication sont incontestables mais Google ne saurait tout se permettre.
Je crois beaucoup à la nécessité, si besoin de manière contraignante, d'amener Google à s'asseoir autour d'une table, pour mener les négociations et trouver les bons équilibres. C'est-àdire sans être amené à limiter, de manière illusoire, ce qu'est Google aujourd'hui – on n'y arrivera jamais et la technologie sera toujours contre vous – tout en faisant que Google soit respectueux du droit de propriété intellectuelle et du travail de tout écrivain ou journaliste. Or Google ne respecte aucun des deux aspects du droit d'auteur : ni le droit moral puisqu'il diffuse des oeuvres sans autorisation de leurs auteurs ou ayants droit ; ni le droit patrimonial car il ne rémunère pas ou pas suffi samment. Il faut donc engager une vraie et bonne négociation.
Je pense que Bruno Racine, le président de la BNF, est sur la bonne voie. Si Google a du mal à se mettre à la table des négociations, les pouvoirs publics sont là. Sans doute au niveau européen, car je ne crois pas à la seule faculté de la France pour réguler Google : après tout, Bruxelles a bien condamné de manière exemplaire Microsoft à payer quelques centaines de millions d'euros d'amende, pour montrer que les mesures de rétorsion sont possibles s'il y a des mauvaises volontés.
1er juillet 2010 - Légipresse N°274
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