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Tribune


01/01/2005


Le concept d'image collective : droit à l'image défiguré ?



Christian CHEVALIER
Avocat au Barreau de Paris
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La loi n° 2004-1366 du 15 décembre 2004 (1), portant diverses mesures relatives au sport professionnel, caractérise la profonde évolution dont ce secteur d'activité fait l'objet depuis deux décennies. Cette loi, d'initiative parlementaire, échappant ainsi au contrôle préalable du Conseil d'État qui valut en son temps un rejet d'un projet similaire présenté par M. Guy Drut (2), concrétise le mouvement de réforme lancé par M. le ministre Jean-François Lamour en reprenant les thèmes abordés lors des états généraux du sport et synthétisés dans le rapport Denis (3).
À cet égard l'article 1 de la loi, en incorporant au Code du travail un nouvel article L. 785-1 (4), comporte une “innovation” juridique de tout premier ordre en conférant une reconnaissance légale au concept « d'image collective de l'équipe à laquelle le sportif appartient », qui n'avait jusqu'alors connu qu'une existence praticienne. En effet, ce concept n'était utilisé que par les institutions sportives dans leurs dispositions internes (charte du football professionnel, statut du joueur professionnel de rugby, etc.) (5), visant à permettre aux clubs d'exploiter commercialement l'image des joueurs, tout en réduisant les risques d'actions judiciaires de la part de ces derniers. Cette disposition a fait l'objet, préalablement à sa promulgation, d'un recours devant le Conseil Constitutionnel qui a reconnu sa conformité à notre Constitution dans sa décision du 9 décembre 2004.
Le principal effet de cette nouvelle disposition est de soustraire aux prélèvements sociaux du régime général de sécurité sociale (à l'exception de la CSG et de la CRDS qui continueront à s'appliquer), une partie de la rémunération des sportifs professionnels salariés de sociétés sportives. Ainsi, sont exclues du bénéfice de ces dispositions tant les rémunérations versées aux entraîneurs, que celles attribuées par les fédérations aux sportifs composant les équipes de France dont l'image collective fait, pourtant, le plus souvent l'objet d'une exploitation importante.
En outre, parmi les sportifs professionnels, seuls seront concernés ceux dont le salaire sera égal ou supérieur à deux fois le plafond annuel de la sécurité sociale (6). Il semblerait cependant, à la lecture des travaux parlementaires, que cette limite ne constitue qu'un seuil de déclenchement.
Ainsi, le pourcentage d'exonération, limité au maximum à 30 %, s'appliquerait sur l'ensemble de la rémunération versée au sportif par son employeur. Conformément à la loi, le pourcentage d'exonération sera défini par les partenaires sociaux dans le cadre de conventions collectives pour chaque discipline ou, à défaut, par décret. Toutefois, la “réserve interprétative” formulée par le Conseil Constitutionnel, indiquant que : « ces dispositions ne concernent que des opérations promotionnelles ne nécessitant pas la présence physique des sportifs concernés et ne visent pas la retransmission en direct des rencontres », limite la portée de la nouvelle disposition obligeant les clubs à déduire des recettes de commercialisation la billetterie des rencontres, ainsi que les droits télévisuels relatifs aux rencontres diffusés en directs. Il en résulte notamment que les Ligues nationales en charge de la commercialisation collective desdits droits vont être dans l'obligation d'individualiser de façon très précise les rémunérations des cessions y afférents en fonction de la nature des diffusions des rencontres (direct, légers différés, magazines…) (7).
De nombreuses adaptations de textes périphériques (8), ainsi que l'éclaircissement de certaines questions (essentiellement sociales, telles que la nécessité d'un avenant au contrat de travail en cours des joueurs concernés par cette mesure, les modalités du versement de cette redevance…, et fiscales, telles que l'assujettissement à la taxe

sur les salaires et non à la taxe professionnelle) seront nécessaires afin que ce nouveau dispositif puisse être mis en place avec une certaine sécurité juridique. C'est d'ailleurs ce que le M. le ministre des Sports n'a pas manqué de souligner en demandant, fin décembre 2004, à ses homologues en charge, respectivement, de l'Économie et de la Santé, de donner toute instruction en ce sens à leurs services.
S'il faut certes saluer cette mesure qui, selon le Conseil Constitutionnel, intervient « dans un but d'intérêt général, qui est d'améliorer, la compétitivité du sport professionnel français » (9), il est également légitime de s'interroger sur la cohérence de ce dispositif législatif à l'égard des principes juridiques existants. En effet à la lecture tant de la proposition de loi, fortement inspirée par le ministère des Sports, que des travaux parlementaires, il apparaît que « le régime des artistes interprètes constitue la référence juridique pertinente pour faire évoluer le régime du droit à l'image des sportifs pris collectivement » (10). En l'espèce la « référence pertinente » semble dévoyée par le législateur, qui n'a cherché dans le recours au régime des artistes interprètes et, par extension, celui des mannequins, qu'un habillage maladroit d'un allégement des charges des clubs professionnels pour, in fine, aboutir à la création d'un concept juridique sui generis aux contours flous. En effet, les articles L. 762-2 et L. 763-2 du Code du travail ne visent que la rémunération de l'exploitation de l'image personnelle de l'artiste interprète et du mannequin (11) et en aucun cas une quelconque image collective alors que, notamment en ce qui concerne les artistes interprètes, il n'est pas rare qu'ils contribuent, collectivement, à la création d'une œuvre.
À cet égard, les modalités de détermination de la rémunération de l'artiste interprète et du mannequin non susceptible d'être assimilée à un salaire caractérisent d'autant plus cette individualisation qui « n'est en rien fonction du salaire reçu pour la production de son interprétation, exécution ou présentation, mais au contraire fonction du produit de la vente ou de l'exploitation dudit enregistrement ».
Le caractère aléatoire de la rémunération revenant à l'artiste interprète et au mannequin n'a d'ailleurs pas été repris par le législateur quant à la détermination de la rémunération de l'image collective du sportif. Bien au contraire, il apparaît que l'assiette d'exonération applicable à chaque joueur dépend exclusivement du montant brut total de sa rémunération (alinéa 5 de l'article L. 785-1 du Code du travail).
Enfin, la volonté des initiateurs de la loi de ne pas assujettir à la TVA les sommes perçues par les sportifs à ce titre, contredit l'application de la TVA au taux réduit de 5,5 % aux artistes interprètes sur les sommes rémunérant l'exploitation de leurs droits patrimoniaux.
N'eût-il pas été plus simple et respectueux des principes juridiques français de se contenter d'encadrer les conditions de rémunération de l'exploitation commerciale de l'image individuelle des sportifs par les clubs professionnels en leur appliquant, si tant est que cela soit justifié, le régime de l'artiste interprète et du mannequin ? Or l'absence de définition juridique de l'image collective de l'équipe à laquelle le sportif appartient sera source de controverses, tant lors des négociations des conventions collective pour chacune des disciplines concernées que lors de leur exploitation commerciale proprement dite.
Les juristes y gagneront en débat ce que les supporteurs y perdront en clarté, mais en toute hypothèse, nous y contribuerons tous car, selon l'article 6 de la loi n° 2004-1366 du 15 décembre 2004, « en application de l'article L. 131- 7 du Code de la sécurité sociale, les pertes de recettes liées à l'application de l'article L. 785-1 du Code du travail sont compensées intégralement par le budget de l'État aux régimes de sécurité sociale concernés ».
1er janvier 2005 - Légipresse N°218
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