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Tribune


01/03/2003


La création des agents publics dans l'avant-projet de loi relatif au droit d'auteur et aux droits voisins dans la société de l'information



 

L'AVANT-PROJET DE LOI relatif au droit d'auteur et aux droits voisins dans la société de l'information tranche l'épineuse question de la création des agents publics. On savait la fragilité de la “doctrine” administrative OFRATEME (1) investissant l'État de l'intégralité des droits sur les productions des agents publics, tant au regard des principes élémentaires du droit d'auteur en termes de titularité des droits que sous l'angle du droit de la concurrence. L'interprétation du Conseil d'État pouvait notamment prêter à discussion s'agissant d'œuvres exploitées commercialement. Inégalement pratiquée d'un service à l'autre et selon les catégories de créateurs concernés, la gestion des droits d'exploitation sur les œuvres dites “de service” appelle, d'évidence, une clarification législative. L'équilibre est à réaliser entre, d'une part, les nécessités d'exercice de la mission de service public, de l'autre, le respect du droit des auteurs, avec en perspective la mise en place d'une politique de diffusion des données publiques. La solution retenue reprend en substance, au moins sur certains points, la voie ouverte par la commission présidée par le Professeur André Lucas en charge de la création des agents du secteur public au Conseil supérieure de la propriété littéraire et artistique (CSPLA).
Le rappel des règles classiques de titularité En premier lieu et à contre-pied de l'avis OFRATEME, l'avant-projet de loi prévoit d'inscrire expressément la titularité des droits au bénéfice des agents publics à l'article L 111-1 du code de la propriété intellectuelle. Voilà réaffirmé, on s'en réjouira, le principe classique selon lequel le titulaire originaire est le créateur personne physique, quelles que soient les conditions dans lesquelles il crée. Jusqu'alors le code de la propriété intellectuelle n'abordait explicitement que la situation du créateur salarié ou lié par un contrat de commande. L'avant-projet y ajoute une hypothèse nouvelle, celle de l'agent public dont la qualité n'emporterait aucune dérogation à la jouissance de ses droits. Le principe posé, viennent deux séries d'exceptions qui concernent successivement le droit de divulgation et les droits d'exploitation.
L'exploitation de l'œuvre dans le cadre du service L'équilibre trouvé en ce qui concerne les droits d'exploitation s'inspire de la solution préconisée par le CSPLA, en introduisant un mécanisme de cession légale, technique préférée à celle de l'inopposabilité ou encore de la paralysie des droits cédant devant l'intérêt général, qu'avaient pu suggérer plusieurs auteurs (2). Certaines conditions viennent encadrer la cession. D'une part, elle ne saurait excéder les exploitations strictement nécessaires à l'accomplissement de la mission de service public. Elle se fait au profit de l'État, d'une collectivité territoriale ou d'un établissement public pour le compte duquel l'agent public travaille (dans l'exercice de ses fonctions ou d'après leurs instructions nous indique le texte). Sont ainsi exclus de ce bénéfice les établissements publics industriels et commerciaux. D'autre part, et c'est là la nouveauté relativement à la doctrine actuelle, le texte pose deux séries de limites qui tiennent tantôt à la sphère d'exploitation de l'œuvre, tantôt à sa nature. La cession réalisée au profit des personnes publiques ne s'étend pas aux exploitations réalisées en dehors du service public, notion, semble-t-il, plus large que le seul service dans lequel l'œuvre est produite. Par ailleurs et surtout, est également exclue du champ de la cession l'exploitation commerciale de l'œuvre, solution sage au regard du cadre imparti: les nécessités du service public.

Dès lors que l'œuvre génère un profit économique, l'auteur recouvre ses droits avec pour seule obligation d'accorder la préférence à la collectivité publique. Un décret en Conseil d'État devrait préciser les conditions de ce droit de préférence.
L'amenuisement contestable du droit moral de l'agent public Les dispositions relatives au droit de divulgation sont en revanche nettement plus discutables, quant à leur pertinence et quant à leur utilité. Selon une formule très générale, le droit de divulgation devrait s'exercer dans le respect des règles édictées par l'autorité investie du pouvoir hiérarchique. La règle est insérée dans un nouvel article qui aborde ensuite successivement deux hypothèses qui restreignent encore l'exercice du droit moral de l'agent public dans le cadre de ses fonctions.
D'une part, il ne peut s'opposer à la modification de l'œuvre par cette autorité hiérarchique lorsque celle-ci est justifiée par la mission de service public. D'autre part, le droit de repentir ou de retrait ne peut se faire unilatéralement et nécessite l'autorisation de cette même autorité.
Une première crainte vient quant à la portée très générale de la disposition inaugurant le nouvel article L 121-7 du CPI, qui soumet purement et simplement le droit de divulgation (et de non divulgation) au contrôle de l'autorité hiérarchique, sans référence d'aucune sorte aux impératifs du service public. Le droit de divulgation s'exercerait en creux, en vis-à-vis de règles édictées par l'autorité hiérarchique. On aperçoit la possibilité d'un traitement inégal des créateurs selon les services, selon les responsables en fonction ou encore le degré d'indépendance dont jouit l'agent public dans l'exercice de ses fonctions. Quant aux deux situations visées, on peut aussi s'interroger sur la nature de l'entame faite au droit moral. L'auteur ne pourrait s'opposer à une modification de l'œuvre dès lors qu'elle trouve une cause dans l'accomplissement de la mission de service public.
N'est-on pas en deçà de la condition de nécessité ? Plus fondamentalement, avait-on sérieusement besoin d'encadrer l'exercice du droit de divulgation ? Est-il véritablement source de difficulté? Où est la crainte? Qu'un rédacteur de note de services grippe la mécanique? Comme le rappelle le groupe de travail “Agents publics” du CSPLA: « Les principes dont s'inspire le code de la propriété intellectuelle doivent être combinés avec ceux qui gouvernent le bon fonctionnement du service public, au premier rang desquels figure la sauvegarde de l'ordre public ou l'exigence de continuité. » Et les juges ne sont pas en peine pour surmonter d'éventuelles oppositions, soit en inhibant le droit moral au regard de l'intérêt général, soit encore en faisant jouer la théorie de l'abus de droit. Le fait, pour l'agent, d'user du rempart du droit moral pour se soustraire à ses obligations constituerait un détournement évident dans l'exercice de ce droit. La commission du CSPLA avait en l'occurrence préconisé de s'abstenir d'une réglementation restrictive du droit moral. Si la crainte n'est pas là, quelle situation modèle ont eu alors à l'esprit les artisans du texte pour proposer un tel arsenal? Il serait utile de pouvoir réfléchir en plus grande transparence à ces prévisions dont n'ont manifestement pas eu à débattre les instances ad hoc. De ce point de vue, il n'est pas sûr que le problème soit véritablement celui du droit moral ou du droit de divulgation. Il est parfois beaucoup plus nettement du côté des obligations statutaires de l'agent public (3). Et sous ce couvert du bon fonctionnement de nos administrations, ne peut-on aussi redouter avec l'amenuisement substantiel du droit moral, en particulier la faculté offerte de modifier un texte, un contrôle accru sur les opinions exprimées par les fonctionnaires? L'obligation de réserve n'a nul besoin d'un tel renfort.
1er mars 2003 - Légipresse N°199
1324 mots
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