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Accueil > À propos des articles 43-7 à 43-10 de la loi du 1er août 2000 relative à la liberté de communication : Lettre ouverte au législateur (extraits) -

Tribune


01/01/2001


À propos des articles 43-7 à 43-10 de la loi du 1er août 2000 relative à la liberté de communication : Lettre ouverte au législateur (extraits)



Alors que le Parlement s'apprête à examiner le projet de loi sur la société de l'information, dix avocats ont souhaité adresser une lettre ouverte au législateur, afin que puissent notamment être clarifiées les dispositions de la loi du 10 juillet 2000 relatives aux opérations de courtage aux enchères réalisées à distance par voie électronique, ainsi que celles de la loi du 1er août 2000 relatives à la responsabilité des acteurs de l'internet. Nous reproduisons ici les extraits relatifs à cette dernière question.

François BRUTÉ
Bird&Bird
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DEUX textes récents devaient accompagner l'entrée de la France dans la Société de l'information. L'un traite de la responsabilité des professionnels sur l'internet.
L'autre – qui ne sera pas développé ici – dont la vocation principale est la refonte de l'encadrement juridique des enchères publiques, comprend quelques lignes dont l'objet était d'exclure du champ d'application de la loi les nombreux sites internet qui proposent aux professionnels ou aux particuliers des transactions portant sur des biens neufs ou d'occasion basées sur un système d'enchère.
Ces textes sont manifestement le fruit de compromis qui nuisent à leur lisibilité, donc à la parfaite compréhension de ce droit naissant de l'internet par l'ensemble des citoyens, et par les entreprises. Les praticiens du droit que nous sommes rencontrent en effet tous les jours des difficultés d'application qui conduisent leurs clients, que ceux-ci soient français ou étrangers, à s'interroger sur la pertinence de leur déploiement internet en France. C'est notamment le cas des places de marché entre professionnels, de plus en plus nombreuses et puissantes, qui reposent pour la plupart sur des systèmes d'enchères. C'est aussi le cas de toute personne qui souhaite connaître précisément ses droits et ses obligations lorsqu'elle édite, héberge ou transmet un contenu sur le réseau.
Il est de notre responsabilité d'intervenir dans ces débats qui vont se trouver très bientôt relancés par l'adoption du projet de loi sur la Société de l'information (LSI). À ce titre, il nous paraît essentiel qu'une intervention législative clarifie le plus rapidement possible les questions qui suivent, de manière à garantir la sécurité juridique des acteurs du domaine.
1 – Les articles 43-7 à 43-10 de la loi du 1er août 2000 avaient vocation à introduire en France certains des principes posés par la directive 2000/31 du 8 juin 2000, dite “directive commerce électronique”. Cette directive, dans ses articles 12 à 14, distingue entre trois types de prestataires de l'internet, selon que ceux-ci assurent un “simple transport”, une forme de stockage temporaire dite “caching”, ou qu'ils soient prestataires d' “hébergement”.
Elle prévoit un principe de non-responsabilité de tous ces prestataires, sauf dans des cas qui sont précisément énumérés par la directive.
Or, l'article 43-7 de la loi française vise : “ les personnes […] dont l'activité est d'offrir un accès à des services de communication en ligne autre que de correspondance privée ”. Cette définition diffère de celles données par la directive, qu'il importe de rappeler.
Selon la directive, le fournisseur de “simple transport” est celui qui « transmet des informations » sur un réseau de communication ou qui « fournit un accès » au réseau de communication ; il se livre au “caching” si, lors de la transmission, il « stocke de façon automatique, intermédiaire et temporaire » l'information transmise.
La loi française ne détermine donc pas le régime de ceux qui, sans offrir d'accès, ne font qu'acheminer les informations sur le réseau, ni de ceux qui non seulement acheminent, mais se livrent également à du stockage temporaire d'informations sur leurs serveurs.
Faut-il comprendre que les opérateurs qui transmettent les informations sans offrir d'accès sont en dehors du champ d'applica-

tion de la loi et sont tenus d'une responsabilité de droit commun, donc beaucoup plus large que celle organisée par la directive ? 2 – La loi met à la charge des fournisseurs d'accès visés à l'article 43-7 deux obligations spécifiques : proposer aux internautes un moyen technique de filtrage des informations, et permettre l'identification des internautes. Les fournisseurs d'accès ne sont en revanche nullement visés par le régime d'exonération prévu à l'article 43-8, qui ne concerne que les fournisseurs d'hébergement.
Faut-il comprendre que les fournisseurs d'accès ne bénéficient d'aucun régime d'exonération, ce qui serait, d'une part, contraire aux principes de la directive et, d'autre part, illogique, puisque le pouvoir d'intervention des fournisseurs d'accès sur l'information qu'ils véhiculent est beaucoup plus faible que celui des fournisseurs d'hébergement qui, eux, bénéficient d'un régime d'exonération aux termes de l'article 43-8 ? 3 – La Loi prévoit que les fournisseurs d'hébergement ne sont pénalement et civilement responsables “ du fait du contenu ” des services qu'ils hébergent que : « si, ayant été saisis par une autorité judiciaire, [ils] n'ont pas agi promptement pour empêcher l'accès à ce contenu ».
Faut-il comprendre que, dans tous les cas autres que la saisine par une autorité judiciaire, le fournisseur d'hébergement est tenu d'une responsabilité civile et pénale de droit commun ? Faut-il comprendre au contraire que l'irresponsabilité du fournisseur d'hébergement est complète tant que celui-ci n'a pas été saisi par une autorité judiciaire ? Nous souhaitons avoir confirmation que cette irresponsabilité du prestataire d'hébergement, sauf saisine par une autorité judiciaire, ne vaut que pour sa responsabilité du fait du contenu hébergé, et non pour son fait personnel, notamment dans l'hypothèse où il serait complice d'une infraction (dans des conditions qui restent à définir).
Attachés, comme le législateur, au rôle du juge qui seul peut se prononcer sur le caractère illicite d'un contenu et en ordonner la suppression, nous saluons le fait que la suppression de l'accès à des pages qualifiées d'illicites par un tiers ne soit pas automatique, comme le prévoit la directive européenne sur le commerce électronique dans une rédaction qui risque de porter atteinte au droit de chacun à un procès équitable. Une clarification nous paraît néanmoins nécessaire sur ce point afin d'éviter des interprétations divergentes par les tribunaux.
4 – Que doit-on entendre exactement par “avoir été saisi par une autorité judiciaire” ? Le terme “saisi” soulève plusieurs difficultés pratiques : on suppose qu'il doit être entendu d'une décision de l'autorité judiciaire, et non de la réception d'une assignation, mais il serait bon de le préciser. Par ailleurs, s'il peut sembler logique qu'un fournisseur d'hébergement saisi par une autorité judiciaire sur le fondement d'une ordonnance de référé (dont l'exécution provisoire est de droit) réagisse immédiatement sans attendre une décision au fond, le problème est plus délicat en cas de décision au fond non assortie de l'exécution provisoire, puisque l'appel de la décision entraîne un effet suspensif.
5 – Pendant combien de temps faut-il empêcher l'accès au contenu après avoir été “saisi” par l'autorité judiciaire ? Dans le doute, un juge des référés a décidé que la suspension ne vaudrait que dans la mesure où la victime justifiait de la saisine d'un tribunal au fond dans les trois mois à compter de l'ordonnance de référé. La sécurité juridique voudrait qu'un tel délai soit fixé par la loi ou par décret, que la victime ait porté l'affaire au fond ou non.
6 – Faut-il appliquer le droit de l'audiovisuel à l'internet ? La loi du 1er août 2000 contient des signes contradictoires : d'une part, l'adoption d'un nouveau chapitre intitulé “ Dispositions relatives aux services en ligne autres que de correspondance privée ” et la suppression de la déclaration préalable des sites web au procureur de la République, autant d'indices tendant à exclure le droit de l'audiovisuel ; d'autre part, la mention du directeur de la publication prévu par la loi de 1982 sur la communication audiovisuelle, s'agissant de l'identification des éditeurs de services en ligne (nouvel article 43- 10). Pour sa part, le rapport Christian Paul sur la corégulation de l'internet milite pour une exclusion des services en ligne du champ de la communication audiovisuelle dont le régime juridique est justifié par l'utilisation de ressources rares – les fréquences – qui font partie du domaine public de l'État, ce qui n'est bien entendu pas le cas des réseaux informatiques.
Cette qualification juridique a de très nombreuses conséquences sur la responsabilité et sur le contrôle de l'activité des acteurs du domaine. Nous attendons donc une intervention non équivoque des pouvoirs publics sur cette question.
[…]
1er janvier 2001 - Légipresse N°178
1371 mots
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