La création d'un lien hypertexte doit être analysée comme une nouvelle mise en ligne du texte auquel ce lien renvoie, faisant courir un nouveau délai de prescription.
Le tribunal de grande instance de Paris a-t-il inventé une machine à remonter le temps ? C'est la question que l'on est en droit de se poser à la lecture de sa décision du 18 mars 2013. Cette aff aire concernait notamment la publication sur le site www.africaintelligence.fr de deux articles respectivement publiés le 14 juillet et le 8 septembre 2011, argués de contenir diverses imputations diff amatoires à l'encontre de la société Amexs.Comme bien souvent dans le cadre du contentieux ...
Tribunal de grande instance, Paris, 17e ch. civ., 18 mars 2013, Société Automatic Express Machines Expresse Services (Amexs) et a. c/ Indigo Publications et a.
Sébastien PROUST
Avocat au Barreau de Paris Herbert Smith Freehills Paris
(2) Soulignons à titre indicatif, car là n'est pas le point crucial de la décision, quele tribunal n'a pas retenu le caractère diffamatoire des propos.
(3) Recommandation Forum des droits sur l'internet, 23 octobre 2003, Quelleresponsabilité pour les créateurs d'hyperliens vers des contenus illicites ? (www.foruminternet.org/telechargement/documents/reco-resphyli-20031023.pdf )
(4) Ibid. p. 11
(5) Le professeur Derieux regrette donc que « comme il arrive sans doute bientrop souvent, notamment en droit mais assurément pas exclusivement, les notionsles plus essentielles et les plus fréquemment utilisées sont les moins bien et les moinsclairement et rigoureusement définies, probablement bien à tort ! supposéesconnues et comprises de tous » (E. Derieux, « La notion de publication en droitde la communication », in Droit et actualité, Études offertes à Jacques Béguin,Litec 2005, p. 275 et s.).
(6) CA Paris, 11e ch., 15 décembre 1999 ; Juris-Data : 1999-107845.
(8) En ce sens : Cass. Crim., 30 janvier 2001, pourvoi n° 00-83004 ; Cass. Crim.,16 octobre 2001, pourvoi n° 00-85728 ; Cass. Crim., 19 septembre 2006, pourvoin° 05-87230 ; Cass. Crim., 6 janvier 2009, pourvoi n° 05-83491.
(9) Cass. Crim., 19 septembre 2006, pourvoi n° 05-87230.
(10) Cass. Crim., 6 janvier 2009, pourvoi n° 05-83491.
(11) Voir à ce sujet : Tim Berners-Lee, considéré comme l'inventeur du WorldWide Web, selon lequel l'hyperlien n'est rien de plus qu'une référence ou unenote de bas de page. Selon lui, la faculté de référencer un document est un élémentfondamental de la liberté d'expression. T. Berners-Lee, Axiom of the WebArchitecture. Links and Law: Myths (www.w3.org/DesignIssues/LinkMyths.html).
(12) Dans cette affaire, le journal Libération avait créé un lien vers des sondagespubliés par un site étranger pendant la période préélectorale au cours delaquelle la loi française prohibe toute publication de telles enquêtes. Le jugementrendu était plein de bon sens et en phase avec la nature de l'hyperlien.Les juges avaient ainsi considéré qu'« il résulte de l'enquête préliminaire et desexplications des parties, que les sondages litigieux n'ont pas directement figuré sur lesite de Libération ouvert en France, puisque ce média s'est contenté de donner auxinternautes les moyens de prendre connaissance du contenu des sondages sur unsite à l'étranger ; or, comme l'a fait remarquer le Ministère public, ce n'est pas la prisede connaissance de sondages qui est interdite par la loi, mais la seule publicationou diffusion » (Tgi Paris, 17e ch., 15 décembre 1998, Ministère public c. S. July,Légipresse 1999-III-16).
(13) Voir : Cass. Crim., 27 avril 1982, pourvoi n° 80-93435 et Cass. Crim., 8 janvier1991, pourvoi n° 90-80593. En ce sens, voir également : Cass. Crim. 12 décembre2006, pourvoi n° 06-82884.
(14) E. Dreyer, JCl. Communication, fasc. 3040: Prescription, § 18.
(15) G. Dutruc, Explication pratique de la loi du 29 juillet 1881 sur la presse d'aprèsles travaux parlementaires et la jurisprudence, p. 11.
(16) En ce sens : M. Domingo, « Atteinte à la réputation : la protection judiciairepénale », Gaz. Pal. 1994, Doctr., p. 999.
(17) Cass. Civ. 2e, 14 décembre 2000, pourvoi n° 98-22428. Dans le même sens,énonçant que « aussi bien l'existence d'un court délai de prescription que le pointde départ de ce délai au jour du premier acte de publication qui ont pour but degarantir la liberté d'expression ne privent pas pour autant la victime de la diffamationde tout recours effectif si elle fait preuve de diligence » : Cass. Crim., 2 octobre2001, pourvoi n° 01-81951.
(18) John Stuart Mills, De la Liberté, Londres, 1954.
(19) Le directeur de la publication parce qu'il est en principe le garant de laligne éditoriale du service et normalement en mesure de contrôler le contenuintellectuel de ce qui s'y trouve publié ; l'auteur en raison de son lien de paternitéavec le contenu ; le producteur en raison du fait qu'il définit en principe àl'avance les thèmes à propos desquels peuvent être échangées des opinionssur le site.
(20) Cass. Civ. 1re, arrêts du 12 juillet 2012 pourvois n° 11-13.666 et 11-15165.
(21) Ainsi, le législateur a introduit dans la loi pour la confiance dans l'économienumérique un article 6-I-6 précisant que : « Les personnes mentionnées aux 1 et 2ne sont pas des producteurs au sens de l'article 93-3 de la loi n° 82-652 du 29 juillet1982 sur la communication audiovisuelle ». Sur les recommandations du Conseild'État (internet et les réseaux numériques, Conseil d'État, section du rapport etdes études, rapport adopté le 2 juillet 1998, p. 184), les travaux parlementairesmontrent que le législateur a ainsi souhaité circonscrire la responsabilité éditorialeà la fonction d'édition de contenus et clairement distinguer les auteursde contenus des simples intermédiaires techniques qui ne sauraient être inclusdans le système de responsabilité éditoriale en cascade (Voir Avis du 11 février2003 n° 608 de Madame le député Michèle Tarabot au nom de la Commissiondes lois).La jurisprudence retient également cette solution, et notamment le tribunal degrande instance de Paris qui a expressément jugé précédemment qu'un prestataireintermédiaire ne comptait pas « au rang des défendeurs aux poursuitesd'une infraction de presse commise en ligne énumérées par l'article 93-3 de la loi du29 juillet 1982 sur la communication en ligne y compris par renvoi aux complicesde droit commun de l'article 121-7 du code pénal » (Tgi Paris, réf. 19 septembre2012, RG. 12/56342).
(22) Sur les conséquences possibles de l'introduction de ce règlement sur la loide 1881, voir : S. Proust, « Le projet de règlement sur le droit à l'oubli ou l'enterrementprogrammé de la loi du 1881 sur la liberté de la presse », Légipressen° 204; avril 2013, p.211.