Il résulte de l'article L. 213-1 du Code de la propriété intellectuelle qu'en l'absence de toute revendication émanant de la personne physique ou morale qui a pris l'initiative et la responsabilité de la première fi xation d'une séquence de sons, ou de ses ayants droit, l'exploitation publique, paisible et non équivoque d'un enregistrement par une personne physique ou morale sous son nom, est de nature à faire présumer à l'égard des tiers recherchés pour contrefaçon que celle-ci est titulaire sur l'enregistrement des droits prévus à l'article susvisé.
Cour de cassation, 1re ch. civ., 14 novembre 2012, Charly Acquisitions LTD et autres c/ M. Gerd X. et autres
Guillem QUERZOLA
Avocat au Barreau de Paris Spécialiste en droit de la propriété ...
(2) Civ. 1, 24 mars 1993, Aréo, n° 91-16543 : Bull. n° 126 ; JCp G 1993.II.22085, noteGreff e ; Rida oct. 1993, n° 158, p. 200 ; Rtd Com. 1995, p. 418, obs. Françon.
(3) M. Vivant (dir.), Les grands arrêts de la propriété intellectuelle, Dalloz 2004,n° 10, p. 125.
(4) Art. L. 213-1 Cpi : « Le producteur de phonogrammes est la personne, physique oumorale, qui a l'initiative et la responsabilité de la première fi xation d'une séquencede son. L'autorisation du producteur de phonogrammes est requise avant toutereproduction, mise à la disposition du public par la vente, l'échange ou le louage, oucommunication au public de son phonogramme autres que celles mentionnées àl'article L. 214-1 ».
(5) TC Paris, 20 sept. 2006, RG 04036726, la compétence du tribunal de commerces'expliquant par le fait que l'action a été introduite avant l'entrée en vigueurdes lois du 29 octobre 2007 et du 4 août 2008 ayant attribué ce contentieux exclusivementà certains tribunaux de grande instance et, surtout, avant le décretdu 9 octobre 2009 ayant précisé lesquels.
(6) CA Paris, pôle 5-1, 8 déc. 2010, RG 08/19604 (accessible sur Lexbase).
(7) Art. L. 113-5 Cpi : « L'oeuvre collective est, sauf preuve contraire, la propriété dela personne physique ou morale sous le nom de laquelle elle est divulguée. Cettepersonne est investie des droits de l'auteur ».
(8) L'argument était également habile dans la mesure où, depuis son arrêtd'assemblée plénière du 27 février 2009 (pourvoi n° 07-19.841), la Cour decassation applique régulièrement le principe selon lequel nul ne peut secontredire au détriment d'autrui comme une nouvelle cause d'irrecevabilitédes prétentions contradictoires ou incohérentes des parties.
(9) A. Lucas signale cependant un précédent dans son Traité, 4e éd. 2012,n° 1267, note 19 : CA Rouen, 2e ch., 30 janv. 1997 : Rida juil. 1997, p. 327 (la« qualité de producteur originel ( ) résulte notamment de ( ) l'exploitation publiqueet non équivoque que la société Sony fait des phonogrammes en qualité deproducteur originel - avec mention de la réserve de ses droits - en l'absence de touterevendication de tiers portant sur leur titularité »).
(10) FS pour Formation de Section, soit 9 à 15 magistrats selon les chambres.
(11) P pour le Bulletin des arrêts, B pour le Bulletin d'information et I pour le siteInternet de la Cour de cassation (source : La hiérarchisation des arrêts de la Courde cassation, http://www.courdecassation.fr/jurisprudence_2/assemblee_pleniere_22/cour_cassation_11926.html).
(12) Pour la seule période récente, signalons les études suivantes : V. Da Silva,« Présomption de titularité du droit d'auteur : interprétation stricte de la conditiond'actes d'exploitation », D. 2011, p. 1121 ; F. Pollaud-Dulian, « La présomptionprétorienne de titularité du droit d'auteur dans l'action en contrefaçon : lajurisprudence Aréo à l'épreuve du temps », Rtd Com., janv./mars 2011, p. 45 ; I.Zafrani, « Evolution jurisprudentielle de la présomption de titularité des droitsde création », Gaz. Pal. 18-19 juin 2010, p. 1448 ; P. de Candé, « La présomptionde titularité en matière de droit d'auteur appliqué à l'industrie : un outil de luttecontre la contrefaçon à préserver », Liber amicorum G. Bonet, Litec 2010, p. 101 ;A. Maffre-Baugé, « Présomption de titularité : les bienveillantes attentions de laCour de cassation à l'égard des personnes morales », Rldi n° 22, déc. 2006, p. 6 ;P. Tafforeau, De la possession d'un droit d'auteur par une personne morale, Cce2001, étude 10.
(13) La même règle figure à l'article 15 de la convention de Berne pour la protectiondes oeuvres littéraires et artistiques du 9 septembre 1886 et à l'article 5a) de la directive 2004/48/CE du Parlement européen et du Conseil du 29 avril2004 relative au respect des droits de propriété intellectuelle.
(14) V. B. Edelman, L'oeuvre collective : une définition introuvable, D. 1998, chron.p. 141.
(15) E. Dreyer, J.-Cl. Propriété littéraire et artistique, Fasc. 1611, n° 66.
(16) Civ. 1, 24 mars 1993, préc.
(17) Art. 2276 C. civ. : « En fait de meubles, la possession vaut titre » ; un auteura été jusqu'à dire que la Cour de cassation aurait dû fonder sa jurisprudencedirectement sur ce texte (C. Simler, Droit d'auteur et droit commun des biens,Litec 2010, n° 562 à 592).
(18) Dans le rapport de la Cour de cassation 1993 (p. 312), il est indiqué àpropos de l'arrêt Aréo que la Cour « est remontée au principe élémentaire dudroit selon lequel la possession fait présumer la propriété » et que « l'exploitationcontinue d'un droit de propriété incorporelle doit produire le même effet probatoireque la détention d'un objet matériel ».
(19) A., H.-J. et A. Lucas, Traité de la propriété littéraire et artistique, Litec 2012,n° 1031.
(20) A. Françon, Chronique de France, Rida n° 181, juil. 1999, p. 219/221.
(21) J.-L. Goutal, « Présomption de titularité des droits d'exploitation au profitdes personnes morales : la Cour de cassation maintient sa jurisprudence », Ridan° 175, janv. 1998, p. 65, et plus particulièrement p. 79/81 citant J. Carbonnier.
(22) V. Lucas préc., p. 833.
(23) M. Vivant et J.-M. Bruguière, Droit d'auteur et droits voisins, Dalloz 2012,n° 1112.
(24) V. Françon préc., Lucas préc., Pollaud-Dulian préc., Tafforeau préc.
(25) V. Candé préc., Dreyer préc., Goutal préc.
(26) Civ. 1, 3 juil. 1996, n° 94-15566, Bull. n° 293 : D. 1997, p. 328, obs. Françon ;Rtd Com. 1997, p. 267, obs. Françon.
(27) Civ. 1, 24 mars 1993, préc ; Civ. 1, 31 janv. 1995, n° 92-21066, Bull. n° 63 :D. 1995, somm. 287, obs. Colombet ; Civ. 1, 28 mars 1995, n° 93-10464 : Rida juil.1995, p. 327.
(28) Civ. 1, 4 mai 1994, n° 92-16686, Bull. n° 160 : Rida janv. 1995, p. 201.
(29) Civ. 1, 9 janv. 1996, n° 93-21519, Bull. n° 28 : Rida oct. 1996, p. 341.
(30) Pour un recensement de ces décisions, v. notam. Dreyer préc., p. 18 ; Lucaspréc., p. 832/833 ; Pollaud-Dulian préc., p. 46 ; Tafforeau préc., p. 10.
(31) Crim. 24 févr. 2004, n° 03-83541, Bull. n° 49 D. 2004, AJ p. 1086 ; Jcp E 2004,880, note Singh ; Pibd 2004.III.425 ; Propr. intel. 2004, n° 13, p. 933, obs. Candé ; Ridajuil. 2004, p. 197, note Kéréver.
(32) Com., 20 juin 2006, n° 04-20776, Bull. n° 147 : D. 2006, p. 1894, obs. Daleau ;Cce 2006, comm. 142, Caron ; Propr. intel. 2006, n° 21, p. 458, obs. Candé ; Propr.ind. 2006, comm. 80, Greffe ; mais déjà Com., 7 avr. 1998, n° 96-15048, Bull. n° 132.
(33) A. Bertrand, Droit d'auteur, Dalloz 2010, p. 114 à 117.
(34) V. notam. CA Paris 4e ch. A, 17 déc. 2008, Oscar et Lola : Pibd 2009, III, 870, dontle «considérant de principe » sur cette question est très souvent cité (v. par ex.Lucas 2012 préc., p. 835, note 168).
(35) Pour un recensement de ces arrêts de la CA de Paris, v. Bertrand préc. etCandé préc., p. 108 s. qui fait l'inventaire des éléments de preuve admissibles.
(36) Zafrani préc.
(37) En ce sens, Candé préc., p. 111 s.
(38) Civ 1, 15 nov. 2010, Edena, n° 09-66160 (F-P+B+I), Bull. n° 231 : D. 2010,p. 2835 ; GP 24 févr. 2011, p. 13, obs. Marino ; Cce févr. 2011, comm. 9, Caron ; Pibd2011, III, 44.
(39) En ce sens, Caron 2011 préc. ; Pollaud-Dulian préc., p. 50/51.
(40) Civ. 1, 6 janv. 2011, Anitsa, n° 09-14505 (FS-P+B+I), Bull. n° 3 : D. 2011, p. 1121,note Da Silva ; Cce mars 2011, comm. 20, Caron.
(41) Tout comme Civ. 1, 6 oct. 2011, n° 10-17018, non publié.
(42) V. Com., 23 sept. 2008, n° 07-17210, non publié : Cce 2008, comm. 135, Caron.
(44) V. par ex. Tgi Paris, 19 nov. 2010 : Pibd 2011, III, 197, signalé par Pollaud-Dulianpréc., p. 53.
(45) Au moins depuis Civ. 1, 3 avril 2001, n° 99-15691, non publié, signalé parCandé préc., p. 105.
(46) Com., 20 juin 2006, préc.
(47) La formule « la personne physique ou morale qui a pris l'initiative et la responsabilitéde la première fixation d'une séquence de sons », qui vient remplacer« l'auteur », correspond très exactement à la définition du producteur dephonogrammes donnée par l'art. L. 213-1 Cpi.
(48) V. Pollaud-Dulian préc., p. 48 : « En réalité, on peut dire que la présomptioninstituée ne repose sur aucun texte, même ceux que vise la jurisprudence ».
(49) Art. 1020 Cpc : « L'arrêt vise la règle de droit sur laquelle la cassation est fondée ».
(50) Art. L. 331-1, al. 3, Cpi : « Le bénéficiaire valablement investi à titre exclusif,conformément aux dispositions du livre II, d'un droit exclusif d'exploitationappartenant à un producteur de phonogrammes ou de vidéogrammes peut, saufstipulation contraire du contrat de licence, exercer l'action en justice au titre de cedroit. L'exercice de l'action est notifié au producteur ».
(51) L'on s'accorde généralement à reconnaître l'action en contrefaçon au licencié exclusif, mais la solution n'est pas fixée (V. Lucas préc., n° 1029).
(52) E. Emile-Zola-Place, « Enregistrement phonographique : exploitation ettitularité des droits », D. 2012, p. 2735.
(53) Convention internationale sur la protection des artistes interprètes ou exécutants,des producteurs de phonogrammes et des organismes de radiodiffusion,art. 11 : « Lorsqu'un État contractant exige, en vertu de sa législation nationale,l'accomplissement de formalités, à titre de condition de la protection, en matière dephonogrammes, des droits soit des producteurs de phonogrammes, soit des artistesinterprètes ou exécutants, soit des uns et des autres, ces exigences seront considéréescomme satisfaites si tous les exemplaires dans le commerce du phonogrammepublié, ou l'étui le contenant, portent une mention constituée par le symbole (P)accompagné de l'indication de l'année de la première publication, apposée d'unemanière montrant de façon nette que la protection est réservée. De plus, si les exemplairesou leur étui ne permettent pas d'identifier le producteur du phonogrammeou le titulaire de la licence concédée par le producteur (au moyen du nom, de lamarque ou de toute autre désignation appropriée), la mention devra comprendreégalement le nom du titulaire des droits du producteur du phonogramme. Enfin, siles exemplaires ou leur étui ne permettent pas d'identifier les principaux interprètesou exécutants, la mention devra comprendre également le nom de la personne qui,dans le pays où la fixation a eu lieu, détient les droits de ces artistes. »
(54) V. Lucas préc., n° 1542.
(55) Art. 2261 C. civ. : « Pour pouvoir prescrire, il faut une possession continue et noninterrompue, paisible, publique, non équivoque, et à titre de propriétaire. »
(56) En ce sens, Emile-Zola-Place préc.
(57) On se reportera aussi utilement à l'étude précitée que P. Tafforeau aconsacrée à « la possession d'un droit d'auteur par une personne morale » au moisd'avril 2001 en y détaillant les caractères qu'elle doit revêtir au regard du droitdes biens, étude qui redevient d'actualité avec l'arrêt commenté.
(58) Civ. 1, 9 janv. 1996, préc. ; critiqué par A. Françon (Rtd com. 1997, p. 96)auquel J.-L. Goutal a répondu (préc., p. 75).
(59) En ce sens, Ch. Alleaume, Légipresse n° 300, déc. 2012, p. 724.
(60) Pollaud-Dulian préc., p. 52.
(61) En ce sens, Ch. Caron, Cce janv. 2013, comm. 3.
(62) Indépendamment de la question de la qualité à agir de la société degestion collective pour le compte d'ayants droit non-membres ou décédés quiétait également soulevée dans ces affaires.
(63) CA Paris, pôle 5-1, 26 janvier 2011, RG 09/13191, Ina c. Spedidam ; CA Paris,pôle 5-1, 16 février 2011, RG 07/21996, Spedidam c. Arena Films ; CA Paris, pôle 5-1,21 septembre 2011, RG 09/15631, Spedidam c. Ina ; CA Paris, pôle 5-1, 21 septembre2011, RG 09/00690, Sony c. Spedidam : Propr. intel. janv. 2012, n° 42, p. 38, obs.Lucas (tous accessibles sur Lexbase).
(64) D'autant plus que certaines des décisions Spedidam précitées ont retenu unargument que la cour d'appel avait également utilisé dans l'affaire Charly pourdébouter le demandeur, à savoir qu'il pouvait exister plusieurs enregistrementsd'une même oeuvre, la désignation de celle-ci étant donc insuffisante pourfaire la preuve des droits voisins.
(65) CA Paris, pôle 5-2, 22 oct. 2010, RG 09/15636, Spedidam c. Ina (accessible surLexbase) : Propr. intel. janv. 2011, n° 38, p. 100, obs. Lucas ; Cce n° 10, oct. 2011,chron. 9, Tafforeau.
(66) M. Vivant (dir.), Les grands arrêts de la propriété intellectuelle, Dalloz 2004,n° 16, p. 211.
(68) Dir. 2004/48/CE, Joue 2.6.2004, L. 195/16, consid. 19 et art. 5.
(69) V. Lucas préc., n° 1031, note 137 et les exemples de décisions de juges dufond « cédant à la tentation de l'amalgame ».
(70) Art. L. 212-2 Cpi : « L'artiste-interprète a le droit au respect de son nom, de saqualité et de son interprétation. Ce droit inaliénable et imprescriptible est attaché àsa personne. Il est transmissible à ses héritiers pour la protection de l'interprétation etde la mémoire du défunt ».
(71) Candé préc., p. 115 : « Ce créateur se trouve donc privé de la facilité probatoireque procure cette présomption légale (L. 113-1 du Cpi) comme de la présomptionprétorienne et se trouve donc fréquemment jugé irrecevable dans ses demandes autitre du droit moral alors même que l'entreprise qui exploite son oeuvre voit, elle, sonaction en justice admise. Il n'est pas certain que ce résultat aille dans le sens d'unepromotion de la conception personnaliste voire humaniste du droit d'auteur ».
(72) Art. L. 212-4 Cpi : « La signature du contrat conclu entre un artiste-interprèteet un producteur pour la réalisation d'une oeuvre audiovisuelle vaut autorisationde fi xer, reproduire et communiquer au public la prestation de l'artiste-interprète.Ce contrat fi xe une rémunération distincte pour chaque mode d'exploitation del'oeuvre ».