C'est à bon droit que les premiers juges ont considéré qu'un accord collectif défi nissant les modalités de reprise et de cession des droits d'auteur des journalistes pouvait recevoir application pendant trois années après la promulgation de la loi HADOPI du 12 juin 2009, étant de surcroît précisé que la validité dudit accord n'était pas conditionnée, depuis la promulgation de la loi, par une adhésion individuelle. La demande de réparation du préjudice du journaliste à raison de la reprise de ses articles postérieurement à octobre 2009 (entrée en vigueur de la loi HADOPI) est donc rejetée. Concernant les articles antérieurs, dès lors que le journaliste a refusé de signer l'avenant « droits d'auteur » de l'accord collectif et n'a, de ce fait, pas reçu de rémunération supplémentaire requise en ce cas, et que sa lettre d'embauche au terme de laquelle il cédait à son employeur « le droit d'exploiter les oeuvres de toute nature dont il serait l'auteur, spécialement tous droits de représentation et de reproduction ( ) » ne constitue pas la convention expresse précisant les conditions dans lesquelles la reproduction est autorisée, visée par l'article L. 761-9 du CPI, la société éditrice a porté atteinte à ses droits patrimoniaux en reproduisant sur son site, sans son consentement, 528 articles de l'intéressé entre mai 2006 et octobre 2009.
L'article L. 112-2 du Code de la propriété intellectuelle (CPI) mentionne notamment les « écrits » parmi les « oeuvres de l'esprit » protégées par le droit d'auteur. À l'auteur d'une telle oeuvre, qui est celui qui, par l'empreinte de sa personnalité, lui a donné sa forme originale, l'article L. 111-1 du même Code accorde un « droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous ». Il précise que « l'existence ou la conclusion d'un contrat de louage d'ouvrage ou de ...
Cour d'appel, Paris, Pôle 5, ch. 2, 16 novembre 2012, B. Davodeau c. SA La Dépêche du Midi
Emmanuel Derieux
Professeur à l’Université Panthéon-Assas (Paris 2)
(2) Tels que (bien mal et insuffi samment) défi nis par l'article L. 7111-3 du Codedu travail selon lequel : « est journaliste professionnel toute personne qui a pouractivité principale, régulière et rétribuée, l'exercice de sa profession dans une ouplusieurs entreprises de presse, publications quotidiennes et périodiques ou agencesde presse, et qui en tire le principal de ses ressources ». Voir notamment : Derieux,E. et Granchet, A., « Défi nition du journaliste professionnel », Droit des médias.Droit français, européen et international, Lextensoéditions-LGDJ, 6e éd., 2010,pp. 379-402.
(3) Derieux, E. et Granchet, A., Lutte contre le téléchargement illégal, Lamy, coll.« Axe droit », 2010, 266 p.
(4) Alleaume, Ch., « Droit d'auteur des journalistes : la révolution en marche »,Légipresse, octobre 2009, n° 265.II.121-127 ; Alleaume, Ch., « Présentation dela loi nouvelle sur le droit d'auteur des journalistes », Legicom, n° 45, 2010/2,pp. 83-89 ; Derieux, E., « Loi du 12 juin 2009. Restriction des droits d'auteursdes journalistes », RLDI/51, juillet 2009, n° 1698, pp. 96-102 ; Derieux, E., « Droitsd'auteurs des journalistes », Lamy Droit des médias et de la communication,Etude 133, novembre 2009, 17 p. ; Derieux, E., « La presse : le droit d'auteur desjournalistes. Incidences de la loi du 12 juin 2009 », Institut de recherche enpropriété intellectuelle (IRPI), Créations et inventions de salariés. Rompre avec lesschémas reçus, Litec, 2010, pp. 71-88 ; Derieux, E., « L'exploitation des oeuvres desjournalistes de la presse écrite », Petites affi ches, 30 juillet 2010, pp. 4-9 ; Derieux,E. et Granchet, A., « Droits d'auteurs des journalistes », Lutte contre le téléchargementillégal, Lamy, 2010, pp. 154-163 ; Derieux, E. et Granchet, A., « Droitd'auteur des journalistes », Droit des médias. Droit français, européen et international,Lextensoéditions-LGDJ, 6e éd., 2010, pp. 789-818 ; Drai, L., « La réforme dudroit d'auteur des journalistes par la loi n° 2009-669 du 12 juin 2009 », Comm.Comm. électr., septembre 2009, pp. 8-12 ; Hassler, Th., « Loi HADOPI' et la cessionlégale des droits d'auteur des journalistes », RLDI/52, août 2009, n° 1733, pp. 74-79 ; Hassler, Th., « La protection des journalistes auteurs, personnes physiques,lors des cessions de droits, existe-t-elle encore ? », RLDI/60, n° 1969, mai 2010,pp. 10-13 ; Lapousterle, J., « Droits d'auteur des journalistes : de l'orthodoxieau pragmatisme », Légipresse, mars 2010, n° 270.II.37-44 ; Mouron, Ph., « Droitd'auteur des journalistes et pluralisme de la presse écrite », Legipresse, février2011, n° 280, pp. 90-94.
(5) Vercken, G., « Les accords entre entreprises de presse et journalistes auregard du Code de la propriété intellectuelle », Légipresse, décembre 2001,n° 187.II.149-154.
(6) TGI Paris, 3e ch., 2e sect., 9 décembre 2011, B. Davodeau c. La Dépêche du Midi,Légipresse, mars 2012, n° 292, pp. 179-185, note F. Gras, « Droit d'auteur desjournalistes : première décision sur le fondement de la loi HADOPI ».
(7) « Première application de la loi du 12 juin 2009, dite loi HADOPI', pour ce quiest de la question des droits d'auteur des journalistes des titres de presse »,selon F. Gras, dans sa note sous TGI Paris, 3e ch., sect. 2, 9 décembre 2011, Légipresse,mars 2012, n° 292, pp. 179-185.
(8) Granchet, A., « Le nouveau droit d'auteur des agents publics », Legilocal,n° 51, janvier 2007, pp. IV-IX.
(9) Derieux, E. et Granchet, A., « Rupture du contrat de travail du journaliste »,Droit des médias. Droit français, européen et international, Lextensoéditions-LGDJ,6e éd., 2010, pp. 431-450.
(10) Mouron, Ph., « Droit d'auteur des journalistes et pluralisme de la presseécrite », Légipresse, février 2011, n° 280, pp. 90-94.
(11) Aux termes de l'article 562 dudit code, « l'appel ne défère à la cour que laconnaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément ou implicitementet de ceux qui en dépendent ». Selon l'article 564, « à peine d'irrecevabilité relevéed'offi ce, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'estpour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger lesquestions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélationd'un fait ».
(12) Boinet, C., « Bras de fer entre Google et les médias français », LesInrocks.com,20 octobre 2012 ; Cassini, S., « Lex Google : François Hollande menace Googled'une loi », LaTribune.fr, 29 octobre 2012 ; Cassini, S., « Lex Google : quandles ayants droit mettent des bâtons dans les roues des éditeurs », LaTribune.fr, 16 novembre 2012 ; Cuny, D., « Les médias français bientôt bannis deGoogle ? », LaTribune.fr, 18 octobre 2012 ; Feitz, A., « Les éditeurs proposent leurlex Google' au gouvernement », LesEchos.fr, 10 septembre 2012 ; Hanne, I., « Lapresse pousse un coup de Google », Libération.fr, 26 octobre 2012 ; Multrier, G.,« Vers une Lex Google à la française ? », LaTribune.fr, 8 octobre 2012 ; Raphaël, B.,« Google contre les éditeurs de presse : au bal des hypocrites », LaTribune.fr,29 octobre 2012 ; Rauline, N. et autres, « Google menace de ne plus référencerles sites de presse », LesEchos.fr, ; Saint-Paul, P., « Presse : l'Allemagne se défendface à l'off ensive de Google », LeFigaro.fr, 29 novembre 2012 ; Ternisien, X., « Lesjournaux français souhaitent une lex Google' », LeMonde.fr, 4 septembre 2012 ;« Polémique sur la Lex Google' en Allemagne », LeMonde.fr, 30 août 2012 ;« Google Actualités obligé de rémunérer les éditeurs de presse allemands »,20Minutes.fr, 4 septembre 2012 ; « Lex Google : deuxième rencontre entreGoogle et la presse française », L'Expansion.com, 6 décembre 2012 ; « Projet deproposition de loi de l'association IPG. Droits voisins pour les organismes depresse ».