Les juges du fond ayant à évaluer un dommage subi doivent se placer à la date à laquelle ils statuent. A violé les articles 9 et 1382 du Code civil la cour d'appel qui, saisie d'une demande d'indemnisation du préjudice moral résultant d'une atteinte à la vie privée et au droit à l'image, a retenu que le dommage devait s'apprécier à la date de la publication litigieuse.
À première vue, rien de nouveau dans l'arrêt de cassation de la 1re chambre civile de la Cour de cassation du 31 octobre 2012.Juger « que les juges du fond ayant à évaluer un dommage subi doivent se placer à la date à laquelle ils statuent », c'est confi rmer une jurisprudence, de longue date constante, en droit de la responsabilité (1).Si, en matière de presse, plus précisément de vie privée, la Cour suprême n'avait jamais eu à rappeler l'application de ce principe ...
Cour de cassation, 1re ch. civ., 31 octobre 2012, Sté Hachette Filipacchi c/ A. Hadjez
(2) De manière non exhaustive, quelques décisions qui rappellent ce principe :2e ch. civ. 11 janvier 1995, n° 93-11.045 : « La réparation du dommage estdéfi nitivement fi xée à la date à laquelle le juge rend sa décision ou à celle à laquelleune transaction est intervenue » ; 2e ch. civ. 17 décembre 1997 n° 96-10.337 : « enstatuant ainsi, sans vérifi er le montant de cette créance (indemnitaire) à la dateoù elle statuait, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à cette décision auregard des textes susvisés » ; dans le même sens 1re ch. civ. 3 juin 1997 n° 95-11.308 ; ajoutons que ce principe s'applique aussi en matière de responsabilitécontractuelle (1re chambre civile 20 novembre 1990 n° 87-19.564), en matièred'intérêts civils alloués devant les juridictions répressives (ch. crim. 1er mars2011 n° 10-85.965).
(3) Cass (civ. 2.), 5 nov. 1996, Bull. I n°378.
(4) Nous passons ici sur le problème des publications judiciaires ordonnées àtitre provisionnel alors même que par nature elles n'auront jamais rien d'uneprovision, quoi qu'en dise la Cour de cassation, notamment les arrêts du 12 décembre2000 n° 98-17521 ; et du 2 octobre 2007 n° 06-21.522.
(5) « Néanmoins, compte tenu de l'ancienneté de la diff usion des deux magazines encause qui sont tous deux datés de mai et juin 1994, il convient de ramener à de plusjustes proportions l'importance du préjudice évoqué qui se trouve particulièrementatténué et qui sera réparé par l'allocation à chacun des demandeurs d'une sommede 1 fr ». (TGI Paris 1re chambre, 4 juin 1997 Marie Trintignant et Fabrice Faure c/Prisma Presse). « Le caractère totalement artifi ciel du préjudice subi par Ernst deHanovre éclate cependant lorsqu'il est constaté qu'il a attendu plus d'un an avantd'introduire une action en justice pour réparer son préjudice » (TGI Nanterre, 3 mars1999, Ernst de Hanovre c/ Prisma Presse). Ces jurisprudences montrent bien, acontrario, ce qui se passe lorsque le mis en cause agit promptement. Il en estdéduit, le plus souvent à tort, que s'il a agi aussi rapidement, c'est qu'il a (déjà)réellement souff ert.