La photographie litigieuse du Pont d'Avignon avec effet d'étirement, utilisée dans la confection du logo de la ville, est originale et porte l'empreinte de la personnalité de son auteur. Affectée d'un nouveau graphisme, elle a ainsi été modifiée sans le consentement de son auteur, alors qu'aucune reproduction du logo ne mentionne le nom de l'intéressé. Le préjudice causé par cette atteinte a, compte tenu de la durée de celle-ci, de la privation du droit au nom du photographe, de l'importance de la diffusion de la photo altérée sur de multiples supports, été exactement apprécié par le tribunal (30 000 euros de dommages-intérêts + interdiction d'utiliser le logo réalisé à partir de la photographie + publication judiciaire + restitution de l'original en possession des défendeurs).
Contentieux sur le logo de la ville d'Avignon : faits et procédure.Le pont Saint-Bénézet est à la Cité des Papes ce que la Tour Eiffel est à Paris (1) : un symbole mondialement connu. La photographie de ce monument public réutilisée comme logo par la commune d'Avignon est pourtant aujourd'hui au coeur d'un contentieux pour contrefaçon que la commune n'aurait jamais pu soupçonner.En 1997, un photographe professionnel est contacté par la ville d'Avignon pour réaliser des photographies ...
Cour de cassation, Nîmes, 1re ch. civ., 15 novembre 2011, Office du tourisme de la ville d'Avignon et Ville d'Avignon c/ M. Ph. Médard
(2) V. J.-C. Poirot, « Le cliché n'est pas un poncif d'Avignon », La lettre du Cadreterritorial, n° 400, 1er mai 2010, pp. 20-21.
(3) Tgi Avignon, 3e ch., 23 févr. 2010, n° 08/03198, Note sous l'arrêt de A.Maffre-Baugé, « Précisions avignonnaises sur les contrats de cession dedroits d'auteur », Rldi, 2010, n° 61. En première instance, l'action du photographereposait sur deux prétentions : d'une part, le photographe sollicitait lacondamnation de la commune pour atteinte à son droit au respect de l'oeuvreet à son droit de paternité. D'autre part, l'auteur alléguait la nullité du contratcession en se fondant sur le manquement au formalisme ad probationem etl'atteinte au principe de rémunération proportionnelle de l'auteur. Toutefoissur cette seconde prétention, du fait de l'écoulement du délai quinquennal deprescription de l'action en nullité prévu à l'art. L. 1304 du Code civil, elle a étérejetée par le juge.
(4) Abréviation d'ektachrome qui est une marque de Kodak correspondant àune gamme de films en couleur à partir duquel il est possible d'obtenir uneimage positive en le développant par inversion.
(5) V. pour un rappel de cette évolution : F. Pollaud-Dullian, Le droit d'auteur,Economica, 2005, n° 190 et s. ; H. Desbois, Le droit d'auteur en France, Dalloz,1978, n° 85-88, p. 102.
(6) « Tant qu'il n'y a pas de litige, une oeuvre est présumée originale et le juge n'envisageramême pas la question si elle ne lui est pas expressément posée, autrementdit si le statut d'oeuvre protégeable n'est pas remis en cause par une des partiesà l'instance ». V. les développements de C. Bernault, Jcp PLa, fac. 1135, Cote :02,2006, n° 66 ; A. Latreille, « La création photographique face au juge : entreconfusion et raison », Légipresse, n° 274, juillet-août 2010, notamment pp. 143-144 : cet auteur confi rme l'existence d'une présomption d'originalité pour lescollections de photographies et les masses de clichés ; V. sur cette question ;F. Gaullier, « La preuve de l'originalité : mission impossible ? », in Colloque surl'originalité des photographies, 31 mai 2010, Sénat, paru à la collection LamyDroit de l'Immatériel.
(7) A. Latreille, « La création photographique face au juge : entre confusion etraison », op. cit.
(8) CA Bordeaux, 1re ch., 29 avr. 1997, Rida juill. 1998, p. 260.
(9) Le juge confi rma ainsi des décisions antérieures dans lesquelles il avait puconsidérer que des choix techniques (objectif, pellicule, ouverture et vitessed'obturation), angles de prise de vue ou d'éclairage permettaient de conférerà un cliché un caractère original et par là même, permettait de caractériserl'empreinte de la personnalité de son auteur. Par ex. pour une appréciation inconcreto de l'originalité d'une photographie : tgi Paris, 3e ch, 30 mai 2007, ClaudeN., Marie P./ Danone et autres.
(10) CA Paris, 4e ch., 20 sept. 1994 : Rida avr. 1995, p. 367.
(11) CA Paris, 4e ch., 11 juin 1997 : Rida oct. 1997, p. 255 ; D. 1998, somm. p. 192,obs. Colombet.
(12) L'art. L. 112-1 du Cpi précise que les dispositions du Cpi protègent « les droitsdes auteurs sur toutes les oeuvres de l'esprit, quels qu'en soient le genre, la formed'expression, le mérite et la destination ».
(13) Ch. Caron, Note sous CA Poitiers, 29 juill. 2010, n° 07/01183, Chaplin c/ Laherrer,JurisData n° 2010-027122, Jcp ; Comm. Com. Elect. n° 6, juin 2011, comm.51 ; et pour des arrêts plus anciens : Cass, civ. 1re, 10 mars 1993 n°: 91-15774 ;Cass, civ. 1re, 14 mai 1991, n°: 89-21701.
(14) Ch. Caron, Note sous CA Poitiers, 29 juill. 2010, op. cit.
(15) P. Tafforeau, Droit de la propriété intellectuelle, 2e éd., n° 143, Gualino éditeurs,2007.
(16) Ch. Caron, Note sous CA Poitiers, 29 juill. 2010, op. cit. : « le droit de retrait et derepentir doit être exercé conformément à sa finalité profonde qui consiste à défendrela personnalité de l'auteur, ce qui prohibe toute utilisation à des fins économiquesou de vengeance ».
(17) Sur ces points, v. Tgi Avignon, 3e ch., 23 févr. 2010, n° 08/03198, Note sousl'arrêt de A. Maffre-Baugé, op. cit., le Tgi avait « fait défense à la commune d'utiliserle logo utilisant la photographie pont d'Avignon dans le délai de six mois àcompter la signification du jugement et sous astreinte d'une somme de 100 eurospar jour de retard ».
(18) P. Tafforeau, Droit de la propriété intellectuelle, n° 224. op. cit. ; F. Pollaud-Dullian,Le droit d'auteur, n° 1243, op. cit.
(19) V. le questionnaire en ligne paru dans le journal la Provence le 17 novembre2001, demandant à la population de voter pour le nouveau logo de la ville :www.laprovence.com/Avignon-Vote.
(20) cf. J.-M. Bruguière et P. Deprez, « De l'art et de la manière de bien faire leslois et de bien penser la compétence des juges en matière de propriété intellectuelle.L'occasion manquée de la loi du 29 octobre 2007 dite de lutte contrela contrefaçon », Jcp E 2007, no 50, act. 565 ; Com. com. élec. 2008, Focus 34, p. 2.
(21) CE 3 avr. 1936, M. Sudre c/ Cne de Baixas, D. 1936, p. 57, D. 1936, III, 57, concl.Josse, note M. Waline : ce contentieux était relatif à l'atteinte au droit moral d'unsculpteur.
(22) J.-M. Pontier, « Le contentieux culturel devant le juge administratif », Rdp,1989, p. 1607.
(23) J. Moreau, « Un lycée qui crée un CD-Rom avec l'aide technique d'unesociété privée n'a pas à partager les droits d'auteur car le marché public encause porte sur une oeuvre collective et non sur une oeuvre de collaboration »,Note sous Caa Bordeaux, 21 octobre 2004, Sarl Virtual Media Graphic, Jcp A n° 51,13 déc. 2004, p. 1646.
(24) Caa Nancy, n°09NC00916, 2 décembre 2010, M. A. c/ Cnrs, concernant lenon-versement de la prime d'intéressement suite à la création d'un logicielpar un ingénieur de recherche du Cnrs. Caa Paris, N° 09PA06874, 31 mai 2011,Société Ear France c/ Ministère de la Défense : contentieux concernant la violationd'une base de données par le ministère de la Défense, lors du test des performancesd'un logiciel de reconnaissance d'entités nommées crée par la sociétéEar France.
(25) Pour un aperçu des raisons à l'inflation de ce contentieux v. N. Emmanuel,« Droit de propriété intellectuelle et marché public, un thème émergent, undébat urgent », Rldi, n° 35, février 2008, pp. 81-87.
(26) Caa Lyon, N° 98LY00338, 4e ch., 30 décembre 2003, M. X c/ Université deBourgogne, Inédit au recueil Lebon.
(27) Note sous l'arrêt TA Versailles, 17 octobre 2003, M. X c/ Université de Paris Sud,Ch. Caron, Jcp Comm. comm. Elect., 24 janvier 2004, p. 23.
(28) Caa Lyon, 27 janvier 2004, Note sous l'arrêt de F. Chouvel, « La productiond'une oeuvre de l'esprit par un fonctionnaire », Ajda 19 juillet 2004, pp. 1478-1481.
(29) J.-M. Pontier, « La commune, la plaquette et le droit moral de l'auteur aurespect de son oeuvre », Note sous Caa de Marseille, 31 décembre 2003, Mme deCharmoy c/ Ville de Montpellier, Ajda, 5 avril 2004, pp. 718-722.
(30) Concernant une affaire singulière relative à l'atteinte au droit moral d'unfacteur d'orgue : J.-D. Combrexelle, « Le droit moral d'un facteur d'orgues faceaux prérogatives d'une personne publique », Jcp 1999, II 10209, n° 48, 1er déc.1999, p. 2147, G. Guilheux, « Une sonorité peut constituer une création artistiqueprotégée par le droit d'auteur », Note sous CE 14 juin 1999, Conseil de lafabrique de la cathédrale de Strasbourg c/ cts Koenig, Ajda 1999, Juris. p. 938.
(31) R. Le Mestre, Note sous Caa Nantes, 18 déc. 2003, M. Agopyan c/ Ville deNantes, Jcp A, n° 52-53, 23 déc. 2004, p. 2068 ; R. Vandermeeren, « Une communeengage sa responsabilité lorsqu'en décidant de réaliser des travaux quidénaturent l'aménagement d'une place publique, elle porte atteinte au droitmoral des architectes qui avaient conçu le projet d'aménagement », Note sousCaa Nantes, 27 déc. 2002, MM. Pierres et Soullard c/ Ville de Cholet, Jcp A, n° 24,10 juin 2003, p. 786.
(32) V. pour une étude complète, J.-L. Piotraut, « Les droits de propriété littéraireet artistique à l'épreuve des juridictions administratives », Dossier droits etlibertés, Rfda, janv.-fév 1997, pp. 105-115.
(33) V. sur ces développements, J.-M. Bruguière, M. Vivant, Droit d'auteur, Dalloz,2009, nos 1148 et s.
(34) Sur ce point, il est important de noter que toute assignation relevant dela propriété intellectuelle relève désormais de neuf Tgi en France. Cf : Décretn° 2009-1205 du 9 octobre 2009 fixant le siège et le ressort des juridictions enmatière de propriété intellectuelle modifié par Décret n° 2010-1369 du 12 novembre2010 portant modification du tableau VI annexé à l'article D. 211-6-1du Code de l'organisation judiciaire.
(35) T. C, 2 mai 2011, n° 3770, Sté d'équipements urbains c/ Sté Frameto et Cned'Ouistreham : JurisData n° 2011-007965.
(36) L'article L. 421-3-1 du Code de la propriété intellectuelle dispose que : « Lesactions civiles et les demandes relatives aux dessins et modèles sont exclusivementportées devant les tribunaux de grande instance, y compris lorsqu'elles portentà la fois sur une question de dessins et modèles et sur une question connexe deconcurrence déloyale ».
(37) V. sur un contentieux très récent un arrêt du Conseil d'État, H. Belrhali-Bernardsous CE, 27 avr. 2011, n° 314577, Fédida, « Le Conseil d'État, la vie privéeet le droit de la propriété intellectuelle », Droit Administratif n° 7, juillet 2011,comm. 70.
(38) Loi n° 2011-525 du 17 mai 2011 de simplification et d'amélioration dela qualité du droit, Jorf n° 0115 du 18 mai 2011 p. 8537 et précisément sonarticle 196.
(39) J.-M. Bruguière, « Compétence du juge administratif en matière de propriétéintellectuelle quel pataquès ! », Rlda 2011/62, no 3526.
(40) V. la question écrite du député D. Cinieri, question n°: 29451, publiée au JOle 12/08/2008, p. 6884, (réponse publiée au JO le 10/02/2009 p. 1375) : Dans lecadre de la réorganisation de la carte judiciaire, le député demandait au gardedes Sceaux de bien vouloir lui préciser quel sera le mode de fonctionnementde ces nouvelles juridictions spécialisées par contentieux. La réponse : ( ) pourrépondre à l'accroissement de la technicité et de la complexité de certains contentieux,la commission préconise une spécialisation accrue des juridictions en créantdes pôles de compétence en matière ( ) de marques nationales, de propriétélittéraire, de dessins et modèles, d'indications géographiques ( ) ou en matièrede brevets d'invention et d'obtentions végétales » ( ) « D'ores et déjà, deux projetsde décret portent transfert de compétences entre le tribunal de grande instance etle tribunal d'instance et spécialisent certaines juridictions en matière de propriétéintellectuelle, ( ) ».
(41) Notamment le rapport fait par le député Étienne Blanc, AN no 1145 enregistréle 8 octobre 2008 sur la proposition de loi de M. J.-L. Warsmann (N° 1085)de simplification et de clarification du droit et d'allégement des procédures,ne donne aucune précision quant au souhait du législateur de retirer au jugeadministratif le contentieux en matière de droit d'auteur.
(42) En suivant le raisonnement développé par le professeur Bruguière, nousdéfendons le maintien de la compétence du juge administratif en matièrede droit d'auteur, sachant que seul ce juge connaît le fonctionnement desadministrations. V. en ce sens, J.-M. Bruguière., « Droit d'auteur et service public.Plaidoyer pour une union harmonieuse », Propriétés intellectuelles 2003, no 7,p. 117.
(43) L'article de B. Hurault, « Avignon a piraté une photo pour faire son logo », LaProvence, 16 novembre 2011 ; A. Collette, « Sur le pont d'Avignon, on s'écharpe,on s'écharpe », Rue89, 16/11/2011 ; « Une belle victoire sur le pont d'Avignon», 17/11/2011, Union professionnelle des photographes.