Une société civile représentant des producteurs indépendants de phonogrammes et de vidéo-musiques avait constaté que de nombreux contenus faisant partie de son répertoire étaient visibles sur le site internet d'une plateforme de partage de vidéos en ligne. Elle avait assigné les exploitants du site sur le fondement de l'article 6 de la Lcen. Rejetant ses demandes, le tribunal relève qu'en effet certains des contenus, ayant fait l'objet d'une notification conforme aux prescriptions légales, avaient bien été retirés avec « promptitude » une première fois par la société défenderesse, mais étaient réapparus ultérieurement sur le site. Or, étant présumée avoir connaissance du caractère illicite des vidéo-musiques en cause, la plateforme devait non seulement les retirer mais également mettre en oeuvre les moyens techniques dont elle disposait en vue de rendre leur accès impossible, en l'occurrence par le biais de son système d'identification des oeuvres par empreintes dit « content identification ». Toutefois, pour le tribunal, il est établi qu'elle n'a pu mettre en oeuvre son système d'identification des contenus en raison de l'absence de collaboration de la demanderesse. Il ne peut être reproché à la défenderesse le coût et la logistique du contrôle d'identification puisqu'il est établi que celle-ci avait émis puis renouvelé par écrit sa proposition de mettre en place la technologie d'identification « vidéo », mettant à la disposition de la société civile les fonctionnalités de cet outil, dont elle rappelait la gratuité. Ainsi, en s'abstenant de répondre à la proposition du site internet, la demanderesse l'a privé de la possibilité de mettre en oeuvre le système permettant de rendre impossible l'accès aux contenus déjà identifiés.
« Ces règles de conduite qui ne sont pas du droit, c'est déjà, en un sens, la rencontre du non-droit » (1). Par l'expression « nondroit », Jean Carbonnier désigne les normes qui se créent et se développent en dehors des sphères traditionnelles du droitet qui ne sont pas dotées d'un caractère contraignant, parmi lesquelles fi gure l'éthique professionnelle. Le tribunal de grande instance de Paris, le 28 avril 2011, a été le lieu d'une rencontre avec cette catégorie particulière ...
Tribunal de grande instance, Paris, 3e ch. 4e sect., 28 avril 2011, Sté des producteurs de phonogrammes en France (Sppf) c/Sté YouTube et a. (décision non définitive)
Gabriel CÔME
Élève-avocat EFB, Master 2 Droit de la propriété littéraire, artistique et ...
(2) J. Carbonnier, Flexible droit, Pour une sociologie du droit sans rigueur, LgdJ, 10eédition, 2001, p. 25 et 27.
(3) Une adresse uRL (« Uniform Resource Locator ») est l'adresse d'une ressourcesur internet, .
(4) Loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confi ance en l'économie numérique :JO 22 juin 2004, p. 11168. Cette loi transpose la directive n° 2000/31/CE duParlement européen et du Conseil du 8 juin 2000 sur le commerce électronique,JOcE n° L 178, 17 juill. 2000, p.1.
(5) L'« empreinte des contenus » (en anglais « Content Identifi cation », ou « fi ngerprinting» littéralement « empreinte du doigt ») est un système de marquage et derepérage de contenus protégés.
(6) Les titulaires de droits fournissent à une base de données, l'empreinte deleurs contenus, et l'hébergeur procède, avant la publication du contenu sur sonsite, à un contrôle susceptible de détecter une identité entre le contenu et l'empreinte.En cas d'identité, le contenu contrefaisant est retiré par l'hébergeur.
(7) Ugc Principles, octobre 2007, www.ugcprinciples.com.
(8) Cass. Civ. 1re., 17 février 2011, Sté Nord-Ouest et a. c/ Sté Dailymotion,n° 09/67896 ; Comm. com. electr. 2011, comm. 32, obs. Ch. Caron ; D. 2011, p. 668,obs. C. Manara ; D. 2011, p. 1113, note L. Grynbaum ; Jcp G 2011, 520, obs. A. Debet; Rldi 2011/69, n° 2258, note C. Castets-Renard ; Propr. Intell. 2011, n° 39, p. 197,note A. Lucas.
(9) L. Marino, Chronique de jurisprudence Propriété intellectuelle, 15 janvier 2011 15 mai 2011, Gazette du Palais, n° 173 et 174, p. 22.
(10) Sur l'obligation de non-réapparition à la charge des hébergeurs : Tgi Paris, 3e ch.,19 oct. 2007, Sté Zadig Productions c/ Sté Google Inc., n° 06/11874 : Rldi 2007/32,n° 1062, obs. Costes ; T. com. Paris, 8e ch., 20 févr. 2008, Sté Flach Film et a. c/ Sté GoogleFrance et a., n° 2006080166 : Rldi 2008/36, n° 1197 ; Tgi Paris, réf., 19 nov. 2008, J.-Y. Lafesse et a. c/ Dailymotion : Rldi 2008/44, n° 1462 ; CA Paris, 26 mars 2010, Youtubec/ Magdane et a. ; CA Paris, pôle 5, ch. 2, 3 déc. 2010, n° 09/09563, SA Dailymotion c/Sarl Zadig Productions ; Comm. com. electr. 2011, comm. 26, obs. A. Debet ; CA Paris,pôle 5, ch. 2, 4 février 2011, Google France c/ Aufeminin.com, n° 09/21941.
(11) Certaines décisions ont souligné le recours à la technique de l'empreinte descontenus : Tgi Paris, 13 mai 2009, n° 08/15277, Temps Noir c/ Youtube, Google, Dailymotion; Tgi Paris, 24 juin 2009, J.-Y. Lafesse c/ Google ; CA Paris, pôle 5, 1re ch., 13 oct.2010, Rldi 2010/66, n° 2178 ; Tgi Paris, 22 septembre 2009, Adami , Omar S., Fred T. eta. c/ Sté Youtube. D'autres sont allées jusqu'à lui conférer un caractère obligatoire,la rattachant à l'obligation de non-réapparition : Tgi Créteil, 1re ch., sect. A, 14 déc.2010, Ina c/ Sté YouTube Llc, n° 06/12815 ; Rldi 2011/67, n° 2194, obs. Costes.
(12) L. Marino, chronique de jurisprudence Propriété intellectuelle, 15 janvier2011 15 mai 2011, Gazette du Palais, n° 173 et 174, p. 22.
(13) Il s'agit de deux expressions anglo-saxonnes : notice & take down désignela pratique consistant pour le prestataire à retirer un contenu signalé alorsque notice & stay down va plus loin en tendant à ce que le prestataire retire lecontenu signalé et empêche qu'il ne réapparaisse.
(14) L. Marino, chronique de jurisprudence Propriété intellectuelle, 15 janvier2011 15 mai 2011, Gazette du Palais, n° 173 et 174, p. 22. Comp. A. Debet,« Responsabilité des sites de partage de vidéos : les représentants des ayantsdroit doivent coopérer », Comm. Com. Electr. 2011, comm. 67 et B. Montels, « Unan de droit de l'audiovisuel », Comm. Com. Electr. 2011, chron. 6, spéc. n° 6.
(15) L. Marino, chronique de jurisprudence Propriété intellectuelle, 15 janvier2011 15 mai 2011, Gazette du Palais, n° 173 et 174, p. 22.
(16) Aff. C-70/10, demande de décision préjudicielle formée par la cour d'appelde Bruxelles (actuellement pendante), spéc. conclusions de l'avocat généralM. Pedro Cruz Villalon présentées le 14 avril 2011 ; d'autres affaires sontintéressantes : aff. C-360/10, demande de décision préjudicielle présentée parT. première instance Bruxelles, Sabam c/ Netlog NV : Joue n° C 113, 1er mai 2010,p. 20 ; et concernant la responsabilité des plateformes de vente en ligne : aff.C-324/09, demande de décision préjudicielle présentée par la High Court ofJustice L'Oréal c/ Ebay.
(17) Aff. C-70/10, conclusions de l'avocat général, § 56.
(18) Aff. C-70/10, conclusions de l'avocat général, § 85.
(19) Ugc Principles, octobre 2007, « Préambule » et article 3.
(20) Parmi les signataires : Cbc, Disney, Fox, NBC, Universal, Viacom, Dailymotion,MySpace, Veoh et Microsoft.
(21) I. Desbarats, « Codes de conduite et chartes éthiques des entreprisesprivées. Regard sur une pratique en expansion », Jcp Edition Générale, 26 février2003, n° 9, I 112, p. 337.
(22) B. Oppetit, « L'éthique », Droit et modernité, Puf, 1998, p. 328.
(23) C. Feral-Schulh, Cyberdroit, Le droit à l'épreuve de l'internet, Dalloz, 6e édition,2010, n° 114.31-144.38.
(24) R. Hardouin, « La jurisprudence, les textes et la responsabilité des hébergeurs», Rldi, 2008/39, n° 1313, p. 71.
(25) Tgi Paris, 3e ch., 29 avr. 2009, Roland Magdane et a. c/ Dailymotion : l'ayantdroit qui s'abstient de permettre une identification complète de ses oeuvres parla technique de l'empreinte des contenus a un comportement « déloyal ».
(26) B. Oppetit, « L'éthique », Droit et modernité, Puf, 1998, p. 328.
(27) B. Oppetit, « L'éthique », Droit et modernité, Puf, 1998, p. 328.
(28) Considérant n° 41 de la directive 2000/31/CE du 8 juin 2000.
(29) Considérant n° 50 de la directive 2000/31/CE du 8 juin 2000.
(30) L. Checola, D. Leloup, « Le droit d'auteur, point de crispation de l'e-G8 »,Article Le Monde.fr, 25 mai 2011.
(31) R. Hardouin, « La jurisprudence, les textes et la responsabilité des hébergeurs», Rldi, 2008/39, n° 1313.