Le réencodage de nature à assurer la compatibilité de la vidéo à l'interface de visualisation, de même que le formatage destiné à optimiser la capacité d'intégration du serveur en imposant une limite à la taille des fi chiers postés, sont des opérations techniques qui participent de l'essence du prestataire d'hébergement et qui n'induisent en rien une sélection par ce dernier des contenus mis en ligne. L'exploitation du site par la commercialisation d'espaces publicitaires n'induit pas une capacité d'action du service sur les contenus mis en ligne. La cour d'appel a exactement déduit de l'ensemble de ces éléments que la société Dailymotion était fondée à revendiquer le statut d'intermédiaire technique au sens de l'article 6-I-2 de la loi du 21 juin 2004. La notifi cation délivrée au visa de la loi du 21 juin 2004 doit comporter l'ensemble des mentions prescrites par ce texte. La cour d'appel, qui a constaté que les informations énoncées à la mise en demeure étaient insuffi santes au sens de l'article 6-I-5 de cette loi à satisfaire à l'obligation de décrire et de localiser les faits litigieux mise à la charge du notifi ant et que celui-ci n'avait pas joint à son envoi recommandé les constats d'huissier qu'il avait fait établir et qui auraient permis à l'opérateur de disposer de tous les éléments nécessaires à l'identifi cation du contenu incriminé, a pu en déduire qu'aucun manquement à l'obligation de promptitude à retirer le contenu illicite ou à en interdire l'accès ne pouvait être reproché à la société Dailymotion.
Dans le film The Social Network de David Fincher consacré aux débuts de Facebook, une scène résume magistralement la nouvelle donne qu'internet impose à la propriété intellectuelle : lors de la rencontre entre Mark Zuckerberg, Eduardo Saverin, son associé d'alors, et Sean Parker, le co-fondateur de Napster, Saverin, agacé par ce dernier, relève que Napster a perdu la bataille juridique contre les majors du disque ; Parker le lui concède, mais rétorque aussitôt que le logiciel a ...
Cour de cassation, 1re ch. civ., 17 février 2011, Nord-Ouest Production et a. c/ Dailymotion
Vincent Varet
Docteur en droit - Avocat au barreau de Paris Varet Près société d'avocats
(3) Voir article 14 de la Directive, et Considérant (42) et suivants.
(4) En ce sens, F. Pollaud-Dulian, « L'emploi des marques d'autrui dans unsystème de référencement commercial sur internet », Propriétés Intellectuelles,juillet 2010, n° 36, p. 823 et s. L. Marino, « Google au pays des publicités : dudroit des marques au droit de la responsabilité », Jcp éd. G, 2010, 642 ; L. Thoumyre,« Impact de l'arrêt Google Adwords de la Cjue sur la responsabilité desservices 2.0 », juriscom.net, 26/03/2010.
(5) Sur la genèse des différents textes et sur le régime résultant de l'article 6 dela Lcen, voir notamment : L. Thoumyre, « Valse constitutionnelle à trois temps surla responsabilité des intermédiaires techniques », Légipresse n° 214, septembre2004, I, 129 ; E. Dreyer, « La responsabilité des internautes et éditeurs de sitesà l'aune de la loi pour la confiance dans l'économie numérique », Légipressen° 214, septembre 2004, II, 91 et s. L. Grynbaum, Lcen. « Une immunité relativedes prestataires de services internet », Cce septembre 2004, Études, p. 36 et s.
(6) Article 6.I.2 Lcen. Il existe également un régime de quasi-irresponsabilitépénale des fournisseurs d'hébergement, de schéma très similaire, édicté àl'article 6.I.3 de la Lcen, qui ne sera pas commenté ici. Sur ce régime, v. E. Dreyer,« Interrogations sur la responsabilité pénale des fournisseurs d'hébergement »,Légipresse n° 212, juin 2004, I, 89.
(7) Sur la question dans son ensemble, v. notamment P. Sirinelli, « La responsabilitédes prestataires de l'internet : l'exemple des sites contributifs », Rldi 1645,mai 2009, supplément au numéro 49, p. 78 et s.
(8) Pour une synthèse, v. notamment L. Thoumyre, « Hyperdossier La responsabilitédes acteurs du web 2.0 entre 2006 et 2010 » (actualisation : 10 mai2010), juriscom.net, 1er février 2010 ; P. Sirinelli, ibid. ; T. Azzi, « La responsabilitédes nouvelles plates-formes : éditeurs, hébergeurs ou autre voie ? » in Contrefaçonsur Internet, les enjeux du droit d'auteur sur le Web 2.0, colloque Irpi, Litec 2009,p. 59 et s.
(9) J. Huet, « Sedo n'est pas un hébergeur (suite ) », D. 2009, notes et commentaires,p. 410.
(10) Civ. 1re, 10 janvier 2010, J. Huet, « Tiscali n'est pas un hébergeur (suite ) »,Légipresse n° 270, mars 2010, III, 39 et s. L. Thoumyre, « La notion d'éditeur etd'hébergeur dans l'économie numérique », D. 2010, Points de vue, 837 et s. Ph.Stoffel-Munck, « Avis de tempête sur le Web 2.0 : la Cour de cassation juge queTiscali n'est pas un hébergeur », Cce mars 2010, comm. p. 30 et s. Anne Cousin,« Hébergement et publicité : un couple essentiel à la liberté d'expression » ;C. Castets-Renard, « La décision Tiscali Média : coup d'arrêt de la jurisprudencesur les hébergeurs ? » ; A. Saint Martin, « Arrêt de la Cour de cassation du14 janvier 2010 : une (re)définition de l'hébergeur ? », Rldi mars 2010, n° 58,« Réflexions croisées », p. 63 et s.
(11) J. Huet, réf. cit. note précédente.
(12) L. Thoumyre, op. cit. note 9.
(13) Par exemple, L. Thoumyre, ibid. ; Ph. Stoffel-Munck, réf. cit. note 9.
(14) Cjue 23 mars 2010, Google France et Google Inc. c/ Louis Vuitton Malletier eta., affaires jointes C-236/08 à C-238/08, C. Marechal, Légipresse n° 274, juillet/août 2010, 158 ; L. Thoumyre, « Impact de l'arrêt Google Adwords de la Cjue sur laresponsabilité des services 2.0 », juriscom.net, 26/03/2010 ; L. Marino, « Googleau pays des publicités : du droit des marques au droit de la responsabilité »,Jcp éd. G. 2010, 642 ; F. Pollaud-Dulian, L'emploi des marques d'autrui dans unsystème de référencement commercial sur internet, Propriétés Intellectuelles,juillet 2010, n° 36, p. 823 et s. G. Bonet, « Publicité sur internet et référencementselon la Cour de justice : contrefaçon de marque ou directive n° 2000/31/CE ? »,Cce n° 6, juin 2010, étude 12 ; C. Caron, « Faq autour de l'arrêt Google sur les lienscommerciaux », Cce n° 7, juillet 2010, comm. 70.
(15) « Plateformes vidéos : la fin d'un débat », entretien avec G. de Martino, Cceavril 2011, entretien 1, propos recueillis par Claire Mesnard.
(16) Deux arrêts voisins furent rendus le même jour ; ces derniers ne serontpas spécifiquement commentés ici, mais il y sera fait référence en tant que debesoin.
(17) Paris, 4e ch. sect. A, 6 mai 2009, Cce oct. 2009, comm. 86, obs. C. Caron.
(18) 1re Civ., 17 février 2011, D. 21 avril 2011, 1113, note L. Grynbaum ; Cceavril 2011, comm. 32, obs. C. Caron.
(19) Sur ces points, v. notamment T. Azzi, op. cit. note 7.
(20) En ce sens, P. Sirinelli, op. cit. note 6.
(21) Pour une application extensive de cette dernière qualification à des servicesde communication au public en ligne : Cass. Crim. 16 février 2010 (deuxarrêts), Légipresse n° 274, juillet/août 2010, p. 152, note A. Fourlon.
(22) En ce sens, Ph. Stoffel-Munck, réf. cit. note 9.
(23) Définition à comparer avec celle de l'article 14 de la directive du 8 juin2000, dont elle est issue.
(24) Arrêt n° 164 du 17 février 2011, pourvoi n° 09-13.202 ; LP 281-19.
(25) Réf. citées note 13.
(26) Pour une analyse de cette question, concluant néanmoins en écartantcette interprétation, v. R. Hardouin, « Du copulatif au passif ou comment laconjonction et ajoute une condition pour jouir du régime de l'hébergeur »,juriscom.net.
(27) V. A. Debet, « Qualification d'hébergeur, la Cjue se serait-elle trompée deconsidérant ? » Cce Mars 2011, comm. 23.
(28) En sens contraire, G. de Martino, réf. cit. note 14.
(29) En ce sens, C. Manara, « Contenu protégé : Dailymotion est hébergeur »,D. 10 mars 2011, actualités, 668.
(30) En ce sens, C. Manara, ibid. C. Caron, réf. cit. note 17 ; L. Grynbaum, réf. cit.note 17.
(31) En ce sens, F. Pollaud-Dulian, réf. cit. note 13.
(32) V. supra, I, A.
(33) Conseil constitutionnel, décision n° 2004-496, 10 juin 2004, 9e considérant.
(34) Il est accompagné d'un arrêt jumeau sur ce point : Civ. 1re, 17 février 2011,pourvoi n° 09-15.857, LP 281-20.
(35) V. Arrêt d'appel, Paris, 6 mai 2009, réf. cit. note 16.
(36) En ce sens, C. Manara, réf. cit. note 28.
(37) V. notamment C. Caron, réf. cit. note 17, et A. Neri, « La procédure de notificationaux hébergeurs de contenus illicites présents sur internet », Cce mars 2011,Prat. 5, qui fait état d'une question préjudicielle voisine posée à la Cjue par letribunal de première instance de Bruxelles (aff. C-360/10, Sabam c/ Netlog NV).
(38) Même si le décret n° 2011-219 du 25 février 2011 devrait contribuer à facilitercette identification ; sur ce décret, v. B. Tabaka, « La conservation des donnéespar les hébergeurs, quelles données pour quelle durée ? » Légipresse n° 282,avril 2011, 246 et s.
(39) En ce sens, L. Grynbaum, réf. cit. note 17 ; J. Huet, réf. cit. 9.
(40) Rapport Béteille et Yung, Sénat, n° 296, session ordinaire 2010-2011, p. 42 (selonnos dernières informations, les coauteurs de ce rapport auraient cependantrenoncé à déposer une proposition de loi destinée à mettre en oeuvre leur préconisation)et s. V. Aussi C. Caron, « Faut-il réformer la Lcen ? » Cce, juin 2008, Repères,p. 6 ; M. Quemener, « Bilan de la lutte contre la cyber contrefaçon : vers un statutd'éditeur de services pour les sites communautaires de vente en ligne ? » Cceavril 2011, Alerte 30.
(41) G. de Martino, op. cit., note 15.
(42) V. G. de Martino, ibid. ; P. Sirinelli, op. cit. note 7 ; plus nuancé, T. Azzi, op. cit.note 7.
(43) Considérant 40.
(44) On pense bien sûr aux lois Hadopi, sur lesquelles voir notre article : « Ripostegraduée : beaucoup de bruit pour rien ? » Légipresse n° 268, p. 1 et s.