Une injonction de divulgation des sources peut avoir un impact préjudiciable sur les sources, mais aussi sur la publication, dont la réputation auprès des sources potentielles futures peut être affectée négativement par la divulgation ; et enfin sur le public, qui a intérêt à recevoir les informations communiquées par des sources anonymes. Au premier rang des garanties exigées doit figurer la possibilité de faire contrôler la mesure par un juge ou tout autre organe décisionnel indépendant et impartial avant toute divulgation, afin de décider s'il existe un impératif d'intérêt public l'emportant sur le principe de protection des sources des journalistes. Au Pays-Bas, cette décision est confiée au procureur plutôt qu'à un juge indépendant. Du point de vue procédural, le procureur est une partie et ne peut guère passer pour suffisamment objectif et impartial. Pour la Cour Edh, on ne peut pas voir non plus dans l'intervention du juge d'instruction, qui n'avait eu en l'espèce qu'un rôle consultatif, une garantie adéquate. Ainsi, la qualité de la loi était déficiente dans la mesure où il n'existait aucune procédure entourée de garanties légales adéquates qui eût permis à la requérante d'obtenir une appréciation indépendante du point de savoir si l'intérêt de l'enquête pénale qui était en cours devait l'emporter sur l'intérêt public à la protection des sources des journalistes. Il y a donc eu violation de l'article 10 de la Convention à raison du fait que l'ingérence incriminée n'était pas « prévue par la loi ».
Le mois de septembre 2010 a placé, une fois encore, sous le feu des projecteurs le sujet sensible de la protection des sources d'information du journaliste. À Paris, alors que l'affaire Woerth- Bettencourt fait figure de saga de l'été, Gérard Davet, journaliste au quotidien Le Monde porte plainte contre X pour violation du secret des sources. Cette plainte fait suite à la décision de la Direction centrale du renseignement intérieur de vérifier les appels téléphoniques d'un haut ...
Cour européenne des droits de l'homme, Grande ch., 14 septembre 2010, Sanoma Uitgevers B.v. c/ Pays-Bas
Catherine FRUTEAU
Maître de conférences à l'Université de la Réunion
(4) « En concluant à la non-violation, la majorité se contente de pointer un doigtjudiciaire en direction des autorités néerlandaises et elle envoie un signal dangereuxaux forces de police partout en Europe, dont certains agents peuvent parfois êtretentés de faire preuve d'un même manque regrettable de modération. » (Opiniondissidente annexée à l'arrêt Cedh, 31 mars 2009, Sanoma Uitgevers BV c/ Pays-Bas,op.cit.).
(5) « La loi doit être suffisamment accessible et prévisible, c'est-à-dire formuléeavec assez de précision pour permettre au justiciable en s'entourant au besoin deconseils éclairés de régler sa conduite. »
(7) Opinion concordante du juge Myjer, annexée à l'arrêt Cedh, 14 septembre2010, Sanoma Uitgevers B.V. c/ Pays-Bas, op.cit.
(8) Cedh, 27 mars 1996, W. Goodwin c/ Royaume-Uni, Rec. n° 7, p. 483 ; LP 1996,n° 132. III. 70, note Derieux ; Rtdh 1996, p. 444, obs. de Fontbressin (reproduit àGaz. Pal. 11-12 juillet 1997, p. 26) et p. 452, obs. P. Thoussain ; Rtd Civ. 1996, n° 4,p. 1026, obs. J.-P. Marguenaud ; D. 1997, somm. p. 211, comm. N. Fricero ; LP1997, n° 140. II. 33, note P. Auvret ; Les Petites affiches 30 juillet 1997, p. 23, noteP. Auvret ; Dans le même sens, Cedh (4e sect.), 25 février 2003, Roemen et Schmitc/ Luxembourg, LP n° 203. III. 110 ; Gaz. Pal. 2003, jurisp., p. 19, note C. Pettiti ;Europe, mai 2003, n° 190, p. 30, note N. Deffains; Cedh, 17 juillet 2003, Ernst etautres c/ Belgique, n° 33400/96. Cedh, 22 novembre 2007, Voskuil c/ Pays-Bas,n° 64752/01; Cedh, 27 novembre 2007, Tillack c/ Belgique n° 20477/05; Cedh,15 décembre 2009, Financial Times Ltd et autres c/ Royaume-Uni, n° 821/03.
(10) En ce sens, l'article 10 al. 2 de la Convention européenne des droits del'homme.
(11) Cedh, 15 décembre 2009, Financial Times Ltd et autres/ Royaume-Uni,n° 821/03, op. cit.
(12) L. n° 2010-1 du 4 janvier 2010 relative à la protection du secret des sourcesjournalistiques, JO 5 janvier 2010, p. 1; « Secret des sources journalistiques », LP2010, n° 268-IV-2 ; « Sources journalistiques : un secret bien gardé », N. Fricero,Gaz. Pal. 2010, n° 20-21, p. 15 ; J. Buisson, « Protection du secret des sources journalistiques», Procédures 2010, n° 2, p. 27 ; A. Guedj, « Sentiments mitigés autourde la loi du 4 janvier 2010 relative à la protection du secret des sources desjournalistes », LP 2010, n° 269-II-19 ; A. Chavagnon, « La protection des sourcesjournalistiques : la décevante loi n° 2010-1 du 4 janvier 2010 », D. 2010, p. 275 ;J.-P. Rigambert, « Le secret des sources des journalistes », Revue pénitentiaire etde droit pénal 2010, n° 2, p. 477.
(16) Art. 60-1 et 77-1-1 du Code de procédure pénale.
(17) Cedh 31 mars 2010, Medvedyev c/ France, n° 3394/03; Cedh, 14 octobre 2010,Brusco c/ France, n° 3394/03 ; 23 novembre 2010, Moulin c/ France, n° 37104/06.