Les faits historiques ou purement biographiques ne peuvent en eux-mêmes subir la moindre appropriation. Il en va autrement lorsque le récit qui les décrit porte à la connaissance du public des événements ou situations auparavant restées dans l'ombre, et les traite d'une manière propre à son auteur. En l'espèce, un historien d'art auteur d'une biographie romancée d'une peintre, avait découvert la sortie d'un fi lm consacré à cette même artiste, lequel avait remporté plusieurs récompenses, dont celle du César du meilleur scénario original. Estimant que ledit scénario contenait de nombreux passages reproduisant son livre, il a assigné, avec son éditeur, la société de production du fi lm ainsi que l'auteur du scénario, du chef de contrefaçon. Le tribunal saisi reconnaît en premier lieu la protection du droit d'auteur à l'ouvrage littéraire. Les juges relèvent que l'auteur ne s'est pas contenté d'un travail d'historien, mêlant dans son livre le récit de faits véridiques à de nombreuses scènes qu'il a lui-même inventées, donnant ainsi à son livre un caractère romanesque indéniable. La lecture du livre révèle un style et une construction tout à fait caractéristiques de son auteur qui dénotent une approche littéraire. Étudiant tour à tour les trente-cinq extraits de l'ouvrage avancés comme étant contrefaits, le tribunal retient que si dans de nombreux cas, les ressemblances alléguées ont pour source, soit des éléments biographiques extraits de la réalité, soit des idées de libre parcours, soit encore des expressions de forme ne présentant pas d'originalité, il en va diff éremment pour neuf cas précis pour lesquels on note une similitude dans la formulation employée, parfois au mot près, ce qui permet d'exclure la simple réminiscence derrière laquelle se retranchent les défendeurs et caractérise la contrefaçon. La société éditrice du livre se voit verser 25 000 euros en réparation de l'atteinte à ses droits patrimoniaux née de l'absence d'achat des droits du livre qu'elle a édité. De plus, l'absence de mention du nom de l'auteur du livre tant au générique du fi lm que sur l'antenne de la radio sur laquelle le scénario a été lu, constitue une atteinte au droit moral de l'auteur justifi ant l'octroi de 25 000 euros de dommages et intérêts. La publication du dispositif du jugement est également ordonnée dans trois journaux. L'auteur du scénario devra garantir la société de production du fi lm de l'intégralité des condamnations prononcées contre elle. En revanche, il n'est pas fait droit à la mesure d'interdiction du fi lm sollicitée. Par ailleurs, les autres demandes fondées sur la concurrence déloyale et la demande reconventionnelle en dénigrement sont rejetées.
16 novembre 2010, 26 novembre 2010 : l'automne aura été meurtrier Le personnage de Séraphine Louis célèbre peintre de la fin du XIXe siècle incarné à l'écran par Yolande Moreau, s'est écroulé dans le prétoire de la 3e chambre du tribunal de grande instance de Paris sous les coups de boutoir de Monsieur Vircondelet, docteur en histoire de l'art bordelais soutenu par son éditeur Albin Michel qui avait publié une biographie romancée de l'artiste dans les années ...
Tribunal de grande instance, Paris, 3e ch. 2e sect., 26 novembre 2010, Éditions Albin Michel et a. c/ Sté TS Productions et a. Décision définitive
(2) Le biopic est ce genre cinématographique cher au coeur du cinémahollywoodien. Il raconte la vie de personnages exemplaires: The Story of LouisPasteur de William Dieterle (1936), Young Mr. Lincoln de John Ford (1939), ouLust for Life (1947) de Vicente Minelli sur la vie de Vicent Van Gogh par exemple.
(3) Tribunal de grande instance de Paris (1re ch., 3e sect.), 8 avril 1998, inédit.
(4) Cour d'appel de Paris 27 juin 2001, Rida, avril 2002, p. 426, à propos du FilmLéon de Luc Besson.
(5) Le Professeur P.-Y. Gautier préfère à la notion de « domaine public » celle de« fonds commun » (Propriété littéraire et artistique, Puf droit, 5e éd. n° 25).
(6) Tribunal de grande instance de Paris (ord. réf.), 12 juin 2006, Gazette du PalaisDroit du Cinéma, sous la direction de Charles-E. Renault, p. 46 13-15 mai 2007.
(7) Cour d'appel de Paris, 21 février 1996, Rida, juillet 1996, p. 383.
(8) Cour d'appel de Douai, 20 mai 1996, Rida, octobre 1995, p. 278
(9) Ainsi, le tribunal relève qu'« avoir de l'or dans les mains » est une expressioncourante.
(10) Les expressions « miel et liqueurs chaudes » proviendraient du Cantiquedes Cantiques mais le tribunal écarte l'argument en relevant notamment lasubstitution intentionnelle par le scénariste du mot « arbre » présent dans labiographie par le mot « fleur ». Plus loin, les juges confirment qu'il n'est paspossible de s'attribuer les phrases de l'Eucharistie.
(11) Précis d'analyse filmique de Francis Vanoye et Anne Goliot-Lété, Nathan Université, 1992, p. 29.