CEUX QU'INTÉRESSE LA communication des entreprises le savent bien : les dénominations géographiques sont des signes distinctifs convoités, en raison de leur connotation historique, sentimentale, exotique ou prestigieuse.Pourtant, la constitution d'une marque sur un tel élément pose une véritable difficulté car de telles dénominations remplissent une fonction d'intérêt général qui se concilie mal avec l'idée même d'une réservation privative (1). La Cour de cassation s'est ...
Cour de cassation, Ch. com., 23 juin 2009, Société Julou compagnie et département du Finistère c/Société Bil Toki
(2) G. Bonet, La marque constituée par un nom géographique en droit français : JCP éd. E1990, I, 15931; C. Buhl, Le droit des noms géographiques, préf. J. Foyer, Litec, CEIPI, vol.42, 1997.
(3) Cass. com., 23 juin 2009 : PIBD 2009, n° 903, III, p. 1354; Propr. indust. 2009/10, comm.58, obs. J. Larrieu.
(4) Identifiant du département des Pyrénées Atlantiques.
(5) Apparemment le défendeur aussi, puisqu'il avait déposé plusieurs numéros de départementà titre de marque, dont le numéro « 29 »
(6) Proposition de loi n° 3144 enregistrée à la Présidence de l'Assemblée Nationale le 13 juin2006 « visant à renforcer la protection du chiffre symbole des collectivités territoriales enmodifiant le Code de la propriété intellectuelle ».
(7) CPI, art. L. 711-1. Les exemples sont nombreux (5 pour des parfums, 501 pour des jeans,1664 pour des boissons, etc.).
(8) CPI, art. L. 711-2, b) et L. 711-3, c).
(9) On relève ici que le numéro d'un département est moins susceptible d'être perçu commeune indication de provenance que la dénomination d'un lieu. D'une manière générale, en effet,il est assez peu fréquent d'associer une production donnée à l'identifiant numérique de la collectivitéterritoriale. De plus, l'identification du lieu désigné par le numéro du départementdépend de la capacité du public à associer le numéro en question à un lieu donné, et donc desa bonne connaissance de la géographie administrative.
(10) Même s'il est vrai que l'interprétation qu'en retient la Cour de justice des communautéseuropéennes est particulièrement large: CJCE, 4 mai 1999, aff. C-108/97, WindsurfingChiemsee : RTD eur. 2000, p. 127, obs. G. Bonet.
(11) CPI, art. L. 711-3.
(12) En première instance, l'absence du département dans la cause posait d'ailleurs un problèmede recevabilité de la société Julou compagnie à invoquer un droit antérieur sur l'identifiantnumérique de la collectivité territoriale. Cette question n'avait toutefois pas été abordéedevant le tribunal.
(13) Sur cette disposition: A. Bertrand, Droit des marques, signes distinctifs, noms dedomaine, Dalloz, 2005, n° 3.482. V. aussi l'article R. 20-44-44 du Code des postes et télécommunicationsprohibant l'adoption d'un nom de domaine en. fr portant atteinte « au nom,à l'image ou à la renommée de la République Française ( ) d'une collectivité territoriale oud'un groupement de collectivités territoriales ».
(14) Reprochant à une cour d'appel de ne pas avoir recherché si la dénomination « LaVictorine » n'était pas indissociable du nom de la commune de Nice pour l'application de l'articleL. 711-4, h) du CPI, comp. Cass. com., 6 mai 2008; n° 06-22.144.
(15) Ce qui est plus conforme au principe de la liberté du commerce et de l'industrie.D'ailleurs, une interprétation trop large de la prohibition édictée par l'article L. 711-4, h) duCPI pourrait être défavorable à la promotion des collectivités territoriales, dont l'image et laréputation sont aussi soutenues par l'activité commerciale. L'utilisation de signes comprenantdes éléments d'identification de ces collectivités pour accompagner des produits et servicesde qualité participe aussi à leur rayonnement.
(16) Par exemple: TGI Paris, 23 avr. 1997, Laguiole : PIBD 1997, n° 635, III, p. 374.
(17) V. les exemples donnés par S. Durrande, J-Cl Marques, fasc. 7110, n° 80: Saint-Tropezpour des préservatifs, Deauville pour des parapluies, Cannes pour un parfum bon marché.
(18) De l'avis de la doctrine la plus autorisée, l'article L. 711-4, h) du Code de la propriétéintellectuelle n'a d'ailleurs qu'une utilité limitée, l'adoption de marques géographiques descriptivesou trompeuses étant par ailleurs interdites par le Code. En ce sens, J. Passa, Traitéde droit de la propriété industrielle, t. 1, LGDJ, 2006, n° 163 S. Durrande, précit., n° 82et 84.
(19) J. Passa, op. cit., n° 189 à 191.
(20) TGI Toulouse, 23 mai 2006, RG 06/01056: « Devant la réussite de la méthode qui aconsisté à utiliser un nombre a priori banal pour l'associer à une identité culturelle, il ne peutêtre reproché à la société Bil Toki d'avoir utilisé le protectionnisme économique permis par leCode de la propriété intellectuelle et industrielle (sic) pour se réserver l'accès privilégié auxmarchés potentiels que sont les départements à forte identité culturelle. Le dépôt de la marque29, loin de présenter le caractère frauduleux qui lui est prêté, relève en fait d'une bonnegestion d'une entreprise qui préserve ses meilleures chances de croissance en assurant lesconditions juridiques d'une réitération du succès final sur d'autres segments du marché ».
(21) A. Chavanne, Fraude et dépôt attributif en matière de marques, Mélanges Bastian, Litec,1974, t. 2, p. 3.
(22) Laquelle fonction ressort tout bonnement de la définition même de l'objet sur lequel ilporte. Il n'est pas anodin de relever que la Cour de cassation censure les juges du fond auvisa du texte qui pose cette définition : CPI, art. L. 711-1.
(23) CJCE, 12 nov. 2002, aff. C-206/01, Arsenal : Propr. intell. 2003, n° 7, p. 200, obs.G. Bonet.
(24) On peut penser que l'argumentation soutenue avait quelques chances de succès tant ilest devenu fréquent pour les juges d'écarter l'action en contrefaçon lorsqu'elle est dirigéevers un usage du signe « à d'autres fins que de distinguer des produits et services ». Parmide très nombreux exemples, v. ainsi, Cass. com., 20 nov. 2007 : n° 06-17.490; CA Paris, 19sept. 2007 : PIBD 2008, n° 861, III, p. 644; TGI Paris, 26 janv. 2007 : PIBD 2007, n° 850, III,p. 283.
(25) CPI, art. L. 714-5. Une telle obligation d'exploitation révèle que la marque n'est pas destinéeà jouer un strict rôle de barrage auprès des concurrents, mais à distinguer les produitset services du titulaire par un usage effectif auprès du consommateur.