À l'occasion des affaires Vuitton, Eurochallenges et Bourses des vols, la Cour de cassation a adressé, il y a un an, des questions préjudicielles à la Cour de justice des communautés européennes afin de savoir si l'usage de marque à titre de mots-clés est constitutif d'une contrefaçon ou, le cas échéant, d'une atteinte à la marque renommée. La décision que rendra très prochainement la CJCE sera d'une importance capitale et permettra, sans aucun doute, de faire avancer, sinon de le clore, le débat des liens commerciaux. Sans remettre en cause la légitimité d'un tel recours aux lumières de la CJCE, il est possible de se risquer à répondre à ces questions sur la base de la jurisprudence européenne plutôt dense en matière de protection de la marque.
Benjamin PAUTROT
Doctorant en droit, Centre d'études juridiques et économiques du multimédia ...
(2) Affaire Vuitton : Cass. com., 20 mai 2008, Sté Google France et GoogleINC. c/ Sté Louis Vuitton Malletier, n° 06-20,230, FS-D; Affaire Bourse desvols : Cass. com., 20 mai 2008, Sté Google France c/ Sté Viaticum etLuteciel, n° 05-14,331, FS-D; Affaire Eurochallenges : Cass. com., 20 mai2008, Sté Google France c/ Sté CNRHH et autres, n° 06-15,136, FS-P + BV.V. M. Jourdain, J.-F. Gaultier, « La saga des liens promotionnels : bientôt le motde la fin?», Légipresse n° 254, Septembre 2008, III-253-16, p. 160;I. Gavanon, J. Huet, «Liens commerciaux: la Cour de cassation demande à laCour européenne son interprétation», D. 2009, n° 15, p. 1065.
(3) André R. Bertrand, Droit des marques, Signes distinctifs Noms de domaines,Dalloz action, 2e édition, 2005, p. 12.
(4) J. Passa, «Les conditions générales d'une atteinte au droit sur une marque», Propr. industr. n° 2, février 2005, Étude 2, p. 8.
(5) Class 46, Portkabin vs Primakabin: Dutch Supreme Court sends Adwordscase to ECJ, < class46.blogspot.com >, 17 septembre 2008.
(6) Le communiqué de presse est consultable à l'adresse suivante:< http://juris.bundesgerichtshof.de/cgi-bin/rechtsprechung/document.py?Gericht=bgh&Art=pm&Datum=2009&Sort=3&nr=46687&pos=0&anz=17>.
(7) V. not. Allemagne: Oberlandesgericht Frankfurt am Main ; 26 février 2008,6 W 17/08; Angleterre: Victor Andrew Wilson v. Yahoo! UK LTD and OvertureServices LTD, 20 février 2008, EWHC 361 (Ch); Autriche : OGH, 20 mars 2007,Az. 17Ob1/07g; Italie : Key21 c/ Mulitiulitity and Google Italy, 15 octobre2007.
(8) Parmi les 41 décisions que nous avons recensées citons: TGI Nanterre, 2ech., 13 octobre 2003, Sté Viaticum et Sté Luteciel c/ Sté Google France,Propr. intell., juill. 2004, n° 12, p. 811, obs. E. Logeais; TGI Nanterre, 2e ch.,14 décembre 2004, CNRRH, Pierre Alexis T. c/ Google France et autres,Legalis.net, 2005-3, p. 78; TGI Nanterre, référé, 16 décembre 2004, Hôtels Méridien c/ Google France, Legalis.net, 2005-3, p. 73; TGI Nanterre, 2e ch.,17 janvier 2005, Accor c/ Overture et Overture INC., Legalis.net, 2005-3, p. 61;TGI Paris, 3e ch., 2e sect., 4 février 2005, Louis Vuitton Malletier c/ Google,Legalis.net, 2005-3, p. 52; CA Versailles, 12e ch., sect. 1, 10 mars 2005,Google France c/ Viaticum et Luteciel, Legalis.net, 2005-3, p. 42; RLDI,2005/4, n° 117, p. 20; TGI Paris, 3e ch., 2e sect., 8 décembre 2005, Kertelc/ Google France, Google INC. et Cartephone ; TGI Nanterre, 1re ch., 2 mars2006, Hôtels Méridien c/ Google France ; CA Versailles, 12e ch., sect. 2,23 mars 2006, Google France c/ CNRRH, Pierre Alexis T., Bruno R., Sté Tiger ;CA Paris, 4e ch., sect. A, 28 juin 2006, SARL Google, Sté Google INC c/ SALouis Vuitton Malletier ; TGI Paris, 3e ch., 3e sect., 12 juillet 2006, GIFAM etautres c/ Google France ; TGI Paris, référé, SA Citadines c/ Sté Google INC etSARL Google France ; TGI Paris, 3e ch., 1re sect., 31 octobre 2006, Iliad/Google,Helios Service ; CA Versailles, 12e ch., sect. 1, 2 novembre 2006, SARLOverture et Sté Overture Services INC c/ SA Accor ; T. Com. Paris, 15e ch.,24 novembre 2006, One Tel c/ Google, Olfo ; TGI Paris, 3e ch., 1re sect.,13 février 2007, Laurent C. c/ Google France ; CA Versailles, 12e ch., sect. 1,24 mai 2007, Google France c/ Hôtels Méridien ; CA Paris, 4e ch., sect. A,6 juin 2007, Stés Google INC. et Google France c/ SA Axa, SA Avansur, SADirect Assurances Iard ; TGI Strasbourg, 1re ch. civ., 20 juillet 2007, Atryac/ Google France et autres ; CA Aix-en-Provence, 2e ch., TWD Industriec/ Google France, Google INC. ; TGI Paris, 3e ch., 3e sect., 12 décembre 2007,Syndicat Français de la Literie c/ Google France ; CA Paris, 4e ch., sect. B,1er février 2008, GIFAM, De Dietrich, Electrolux, Hoover, Calor, Seb eta. c/ Google France et Google INC. ; TGI Lyon, 3e ch., 13 mars 2008,Rentabiliweb Europe, J. D. c/ N. B., H. P., Clic-event.com SARL, Le Net créatif,Google France ; TGI Paris, 3e ch., 2e sect., 14 mars 2008, Citadines c/ Google ;TGI, Paris, référé, 17 septembre 2008, 2L Multimédia c/ Meetic ; TGI Paris, 15ech., 23 octobre 2008, Cobrason c/ Google, Home Ciné Solutions.
(9) Pas moins de 90 commentaires ont été publié à ce sujet depuis l'année2001, parmi lesquels: P. Stoffel-Munck, «Les liens sponsorisés commesource de responsabilité: quand chercher Vuitton amène sur le site FauxVuitton », Comm. com. électr., juillet-août 2005, p. 27; J. Larrieu, «Lienssponsorisés: quels risques pour les moteurs de recherche et pour lesautres ?», Expertises, Février 2004 ; S. Lipovetsky et F. Perbost,«Référencement de sites et droits des marques», Comm. com. électr., octobre2003, p. 20; C. Caron, «Marque versus moteur de recherche», Comm.com. électr., décembre 2003, comm. n° 119, p. 31; X. Buffet Delmas, «Laresponsabilité des moteurs de recherche du fait de la mise en place de lienscommerciaux», Propr. intell., avril 2005, n° 15, p. 206; C. Hugon, «La responsabilitédes moteurs de recherche : bug sur Google», D. 2005, n° 15, p. 1037;L. Grynbaum, «Pour un code de bonne conduite applicable aux liens commerciaux», RLDI, n° 23, janvier 2007, p. 61; Elisabeth Tardieu-Guigues,«L'utilisation des marques par les moteurs de recherche comme mots de référencesest-elle toujours une contrefaçon ? », Propr. industr., n° 10,Octobre 2005, Études n° 21; C. Fabre, «Moteur de recherche et positionnementpayant par lien hypertexte publicitaire : qualification juridique et responsabilité» (1re partie), Expertises, n° 296, p. 340, (2e partie), Expertises, n° 297,p. 376; F. Glaize, «Liens publicitaires: suggérer, est-ce contrefaire?», RLDI,mars 2008, n° 36, p. 51; P. Tréfigny, «Liens commerciaux: et si c'était la solution?Quoique », Propr. industr., n° 11, novembre 2007, comm. n° 87;E. Tardieu-Guigues, «Une interprétation extensive des articles L.713-2 etL.713-3 du Code de la propriété intellectuelle dans le cadre de la vie des affaires», RLDI 2006/19, n° 559, p. 13; C. Manara, «Les mots, clefs du commerceélectronique », D. 2000, n° 11, III.
(10) À noter que, saisie d'un pourvoi dans l'affaire GIFAM relative également à lacontrefaçon par mots-clés, la Cour de cassation a naturellement préféré surseoirà statuer dans une décision du 27 janvier dernier : v. Cass. com., 27 janvier2009, Google c/ GIFAM et autres, disponible sur < www.legalis.net >.
(11) Cass. com., 21 octobre 2008, Sedo GMBH/Hôtels Méridien,Stéphane H., disponible sur < www.foruminternet.org >, ,note J. Huet.
(12) V. not. J. Huet, «La lutte contre la contrefaçon de produits et de marquessur internet », RIPIA, n° 227, p. 8-9.
(13) CJCE, 25 janvier 2007, Adam Opel c/ Autec AG, Aff. C-48/05, Propr.industr. n° 3, mars 2007, Propr. intell. 2007/23, p. 239, note G. Bonet, RTD.Com. 2007, n° 4, p. 712, note J. Azéma..
(14) CJCE, 11 septembre 2007, SARL Céline c/ Céline SA, Aff. C-17/06, Propr.industr. n° 11, novembre 2007, comm. 86, note A. Folliard-Monguiral, Comm.com. électr. 2007, comm. 132, note C. Caron.
(15) F. Glaize, «Liens publicitaires: suggérer, est-ce contrefaire?», RLDI,mars 2008, n° 36, p. 51.
(16) 800-JR Cigar, INC. v. GoTo.com, INC., 437 F.Supp. 2d 273 (DNJ 2006).
(17) CJCE, 11 septembre 2007, op.cit., pt (16).
(18) V. not. Cass. com., 23 novembre 1993, Sté CDC c/ SARL Neckermann,RD Propr. intell. 1994, n° 51, p. 64.
(19) CJCE, 12 novembre 2002, Arsenal Football Club PLC c/ Matthew Reed,Aff. C-206/01, pt (40), Prop. intell. 2003/7, p. 200, note G. Bonet.
(20) V. Rescuecom v. Google, INC., 456 F. Supp. 2d. 393 (NDNY. 2006).
(21) V. notamment J. Passa, op. cit., p. 223, n° 238.
(22) V. J. Passa, Les conditions générales d'une atteinte au droit sur une marque,Propr. industr., n° 2, février 2005, Étude n° 2, p. 8.
(23) V. notamment CJCE, 23 février 1999, Bayerische Motorenwerke AG(BMW) et BMW Nederland BV c/ Ronald Karel Deenik, Aff. C-63/97, BMW:Rec. CJCE 1999, I, p. 905, pt. (38).
(24) CJCE, 21 novembre 2002, Robelco, Aff. C-23/01, Inédit.
(25) CJCE, 16 novembre 2004, Anheuser-Busch INC. c/ Budejovicky Budvar,národní podnik, Aff. C-245/02, Propr. intell. 2005, n° 15, p. 189, noteG. Bonet, pt (60).
(26) D. Ruiz-Jarabo Colomer, conclusions proposées le 7 mars 2006, AdamOpel c/ Autec AG, Aff. C-48/05, op. cit., pt (32).
(27) CJCE, 14 mai 2002, Michael Hölterhoff c/ Ulrich Freiesleben, Aff. C-2/00,PIBD 2002/752, III, p. 505, D. 2002 p. 3137, note J. Passa.
(28) CJCE, 14 mai 2002, Michael Hölterhoff c/ Ulrich Freiesleben, Aff. C-2/00,op. cit.
(29) CJCE, 31 octobre 1974, Centrafarm BV et Adriaan de Peijperc/ Winthrop BV, Aff. 16-74, Rec., p. 1183.
(30) CJCE, 22 juin 1976, Sté Terrapin LTD. c/ Sté Terranova Industrie CAKapfere & Co., Aff. 119-75 ; CJCE, 18 juin 2002, Philips, PIBD 2003/756, III,p. 37, pt (30) ; CJCE, 28 septembre 1998, Canon, pt (28) ; CJCE, 12 décembre2002, Sieckmann, PIBD 2003/759, III, p. 125.
(31) Il en serait peut-être autrement si la fonction essentielle était celle deréservation du signe c'est-à-dire de « protéger (le titulaire) contre les concurrentsqui voudraient abuser de la position et de la réputation de la marque »(CJCE, 31 octobre 1974, Centrafarm BV et Adriaan de Peijper c/ Winthrop BV,op. cit..) ; un usage n'ayant pas vocation à distinguer des produits ou servicesmais capitalisant sur le pouvoir attractif de la marque pourrait plus certainement porter atteinte à la fonction de réservation qu'à la fonction de garantied'identité d'origine.
(32) V. en ce sens, T. Rabant et M. Berguig; «Moteurs de recherche et lienssponsorisés: quand la jurisprudence se cherche », Légipresse n° 252,juin 2008, p. 87.
(33) CA Versailles, 12e ch., sect. 2, 23 mars 2006, op. cit..
(34) J. Azéma, «Les droits conférés par la marque», op. cit., P. Tréfigny,«Liens commerciaux: et si c'était la solution? Quoique» , op. cit., qui admetque la contrefaçon peut être retenue même si l'usage de la marque n'est pasvisible aux internautes.
(35) TGI Strasbourg, 1re ch. civ., 20 juillet 2007, Sté Atrya c/ Sté GoogleFrance, Propr. industr. n° 11, novembre 2007, comm. 87, P. Tréfigny
(36) J. Canlorbe L'usage de la marque d'autrui, Th. Paris II, 2007, Litec. Coll.IRPI, p. 183.
(37) Cass. com., 20 mai 2008, Sté Google France c/ Sté CNRHH et autres,op. cit.
(38) Op. cit..
(39) CJCE, 23 février 1999, Bayerische Motorenwerke AG (BMW) et BMWNederland BV c/ Ronald Karel Deenik, Aff. C-63/97.
(40) Op. cit., pt. (39).
(41) CJCE, 25 janvier 2007, Adam Opel c/ Autec AG, Aff. C-48/05, op. cit., pt(27).
(42) CJCE, 25 janvier 2007, Adam Opel c/ Autec AG, Aff. C-48/05, op. cit., pt(28).
(43) CA Versailles, 12e ch., sect. 2, 23 mars 2006, op. cit..
(44) Idem.
(45) Publicité ; gestion des affaires commerciales; administration commerciale; travaux de bureau.
(46) Télécommunications.
(47) Op. cit..
(48) A. Folliard-Monguiral, «CJCE, arrêt Céline : conflits de marques et dénominationssociales », Propr. industr. n° 11, novembre 2007, comm. 86.
(49) B. J. Jansen et M. Resnick, «An Examination of Searcher's Perceptionsof Nonsponsored and Sponsored Links During Ecommerce Web Searching»,Journal of the American Society for Information Science and Technology. 57(14), pp. 1949-1961.
(50) CA Paris, 28 juin 2006, Google c/ Louis Vuitton Malletier, v. sur ce pointB. Pautrot, Les liens justifient-ils les moyens?, , 26 octobre2006.
(51) Stacey L. Dogan & Mark A. Lemley, «Trademarks and Consumer SearchCosts on The Internet», 41 Houston L. Rev. 777 (2004).
(52) V. not. P. Trefigny-Goy, A. Folliard-Monguiral, CJCE, arrêt Intel : que restet-il de la dilution?, Propr. industr. 2009, n° 1, comm. 3, p. 27, qui remarquentl'adéquation entre la récente position de la CJCE en matière de protection dela marque renommée et le droit américain.
(53) V. William M. Landes, Richard A. Posner, «Trademark Law: An EconomicPerspective », 30 J.-L. & Econ. 265 (1987).
(54) V. notamment J. Larrieu, «Liens sponsorisés: quels risques pour lesmoteurs de recherche et pour les autres?», op. cit., p. 59 qui, sans aller siloin dans l'analyse, reconnaît que les liens sponsorisés peuvent satisfaire pleinementl'internaute en lui faisant gagner du temps.
(55) AIPPI, Quest. 80, «Les marques et la protection du consommateur»,Annuaire 1984/I, pages 81-84.
(56) La question de la responsabilité des annonceurs n'est mentionnée quedans l'arrêt Eurochallenges.
(57) J. Passa, Droit de la propriété industrielle, op. cit., p. 361, n° 363.
(58) V. J. Passa, Traité de la propriété industrielle, op. cit., p. 376, n°82.
(59) OHMI, déc., 3e ch. Rec., 25 avril 2001, Hollywood, PIBD 2001/725, III,p. 398.
(60) A. Bertrand, Droit des marques, Signes distinctifs Noms de domaines,op. cit., p. 113, n° 4.331.
(61) TGI Paris, 3e ch., 3e sect., 12 décembre 2007, Syndicat français de laliterie c/ Sté Google France, Propr. industr. n° 2, février 2008, comm. 11, noteP. Tréfigny.
(62) V. CJCE, 27 novembre 2008, Intel Corp. c/ CPM United Kingdom, aff. C-255/07 dans lequel la CJCE ajoute des conditions supplémentaires à l'atteinteà la marque renommée.