LA DIRECTIVE N° 2001/29/CE DU 22 mai 2001 sur l'harmonisation du droit d'auteur et des droits voisins dans la société de l'information et sa transposition en droit français vivifient logiquement les interprétations de notre Code de la propriété intellectuelle et, ainsi, le contentieux du droit d'auteur et des droits voisins. En particulier, la tentation est grande, pour les plaideurs, d'utiliser la directive à l'appui d'interprétations nouvelles des exceptions au droit d'auteur régies ...
Cour de cassation, 1re ch. civ., 22 janvier 2009, Société 1663 c/Société de conception de presse et d'édition
Vincent Varet
Docteur en droit - Avocat au barreau de Paris Varet Près société d'avocats
(2) Voir notamment, P.-Y. Gautier, «L'élargissement des exceptions aux droits exclusifs, contrebalancépar "le test des trois étapes" », in La loi du 1er août 2006 relative au droit d'auteur etaux droits voisins dans la société de l'information, dossier collectif, introduction de C. Caron,novembre 2006, étude n° 26; A. Lucas, chronique « Droit d'auteur et droits voisins », PropriétésIntellectuelles, n° 20, juillet 2006, n° 297 sq; M. Vivant, «Les exceptions nouvelles au lendemainde la loi du 1er août 2006», in Le nouveau droit d'auteur au lendemain de la loi du 1er août2006, Dossier collectif, introduction de P. Sirinelli, D. 14 sept. 2006, pp. 2159 sq.
(3) CJCE, Marleasing, 13 novembre 1990, R. I-4135 ; Teodoro Wagner Miret, 16 décembre1993, R. I-6911; Sur ce principe en général, voir D. Simon, Le système juridique communautaire,PUF, 3e éd. 2001, n° 343; M.-F. Labouz, Droit communautaire européen général, Bruylant,2003, p. 295; sur son application en droit d'auteur, voir P.-Y. Gautier, Propriété littéraire et artistique,PUF, 6e édition 2007, n° 24 et 25; C. Zolinsky, « Méthode de transposition des directivescommunautaires. Etude à partir de l'exemple du droit d'auteur et des droits voisins »,D. 2007.
(4) En réalité, à lire les décisions successives rendues dans cette affaire, il semble que la photographiereproduite dans Entrevue n'était pas identique à celle parue dans New Look, maisétait si semblable qu'elle avait manifestement été prise de manière quasi-simultanée, en sortequ'elle ne pouvait que résulter du même reportage. La 14e chambre A de la cour d'appel estimaque 1633 était titulaire des droits y afférents et cette différence minime entre les photographiesen cause ne fut plus évoquée par la suite dans le litige. Paris, 14e ch. Sect. A, 2 février2005, Légipresse n° 223, juillet-août 2005, III, 131, note A. Bouvel ; Comm. Com. Elect.,mai 2005, p. 35, n° 79, obs. C. Caron.
(5) Cette titularité fut, un temps, contestée : ainsi, dans la décision censurée par l'arrêt rapporté,la cour d'appel avait écarté le grief d'irrecevabilité tiré de l'absence de preuve, par lasociété 1633, de la titularité des droits d'auteur invoqués, au motif que « le tiers poursuivi encontrefaçon n'est pas recevable à contester la titularité des droits de celui qui agit à son encontre» (Paris, 14e Ch. B, 12 octobre 2007, Légipresse n° 247, décembre 2007, II, 258, avecnotre commentaire). Ce motif n'était pas critiqué par le pourvoi à l'origine de l'arrêt commenté,sans doute car il est conforme la jurisprudence de la Haute juridiction (v. par ex. Civ. 1re, 11 mai1999, Comm. Com. Elect. 1999, n° 1, obs. C. Caron).
(6) « La reproduction intégrale d'une oeuvre d'art, quel que soit son format, ne peut en aucuncas s'analyser en une courte citation », Civ. 1re, 22 janv. 1991, Fabris c/Loudmer, JCP 1991,II, 21680, note L. Bochurberg; RTDcom. 1991, 222, note A. Françon, RIDA 148, avr. 1991, 119;« la représentation intégrale d'une oeuvre, quelles que soient sa forme et sa durée ne peuts'analyser comme une courte citation »; Civ. 1re, 4 juill. 1995, Antenne 2 c/SPADEM, JCP 1995,II, 22486, note J.-C. Galloux, rejet du pourvoi contre Paris, 1re ch. A, 7 juill. 1992, D. 1993,som. com. 91, obs. C. Colombet, infirmant TGI Paris, 3e ch. 15 mai 1991, JCP 1992, II, 21868note A. Tricoire.
(7) Il s'agit, en effet, d'une procédure de référé: Paris, 14e ch. sect. A, 2 février 2005, réf. citéesnote 3.
(8) Cf. supra, note 5.
(9) Civ. 1re, 7 novembre 2006, Légipresse, n° 240, avril 2007, III, 80, note A. Bouvel; RIDA janvier2007, 313; Propriétés Intellectuelles, janvier 2007, n° 22, p. 91, n° 3, obs. J.-M. Bruguière;Comm. Com. Elect., janvier 2007, n° 7, obs. C. Caron.
(10) Paris, 14e ch. B, 12 octobre 2007, Légipresse n° 247, décembre 2007, II, 258, avec notrecommentaire.
(11) Paris, 14e ch. sect. A, 2 février 2005, réf. citées note 3, censuré par Civ. 1re, 7 novembre2006, réf. citées note 8.
(12) Code de l'organisation judiciaire, Articles L. 431-6 et 431-7. Sur cette question, voir J. etL. Boré, La cassation en matière civile, Dalloz, 4e édition 2009-2010.
(13) Non pas tant car l'arrêt d'appel heurtait la doctrine de la Cour de cassation en matièred'exception de citation des oeuvres graphiques et plastiques, mais car les motifs développésà l'appui de son interprétation de l'exception de citation étaient peu convaincants (voir notrecommentaire de l'arrêt d'appel, précité, note 9 et l'analyse qui suit).
(14) La cour d'appel a relevé en outre, mais à titre surabondant, que les conditions de la nouvelleexception aux fins d'information, transposée en droit français au cours du litige, étaientégalement réunies; mais, cette exception, en raison de sa date de transposition, n'était pasapplicable au litige, ce qui peut expliquer, pour partie, le détour suivi par la cour (voir notre commentaire,réf. citées note 9).
(15) L'exception en faveur des reproductions transitoires ou accessoires et qui constituent unepartie intégrante et essentielle d'un procédé technique, prévue par l'article 5.1 de la Directive.
(16) Logiquement, une disposition facultative du droit communautaire dérivé ne s'impose pasau juge national si le législateur national ne l'a pas transposée. L'arrêt de la CJCE du 23 octobre2003 dans l'affaire Adidas (Aff. C-408/01), ne dit pas autre chose, lorsqu'il juge, au sujetde l'article 5.2 de la Directive du 21 décembre 1988 rapprochant les législations sur les marques,qui proposait une protection des marques renommées: « L'option de l'Etat membre porteainsi sur le principe même de l'octroi d'une protection renforcée au profit des marques renommées,mais non sur les situations couvertes par cette protection lorsqu'il l'accorde. » Point 20de l'arrêt. En d'autres termes, chaque législateur national est libre de transposer, ou non, unedisposition communautaire facultative ; mais, s'il fait le choix de la transposer, la dispositionnationale de transposition doit alors être conforme à la disposition communautaire, et interprétéecomme telle par le juge national.
(17) Sur cette nouvelle exception en droit français, voir notre chronique, « Droit d'auteur, lanouvelle exception à fin d'information », Légipresse n° 237, décembre 2006, II, 145. Pour unepremière application, v. TGI Paris, 3e ch. civ. 6 juin 2008, D. 2009, p. 542 sq, note C. Geiger.
(18) Article 2 du Code civil ; pour une application de ce principe général en droit d'auteur: Civ.1re, 18 juill.2000, Bull. Civ. I, n° 226: la loi qui a vocation à s'appliquer est celle en vigueur à ladate de l'acte qui provoque la mise en oeuvre de la protection légale; En ce sens également,P.-Y. Gautier, Propriété littéraire et artistique, PUF 6e édition, 2007, n° 23; A. Bouvel, note sousParis, 14e ch. Sect. A, 2 février 2005, Légipresse n° 223, juillet-août 2005, III, 131.
(19) Ce texte dispose en effet : « Lorsqu'il s'agit de citations faites, par exemple, à des fins decritique ou de revue, pour autant qu'elles concernent une oeuvre ou un autre objet protégéayant été déjà licitement mis à la disposition du public, que, à moins que cela ne s'avère impossible,la source, y compris le nom de l'auteur, soit indiquée et qu'elles soient faites conformémentaux bons usages et dans la mesure justifiée par le but poursuivi ». L'article L.122-5, 3°du CPI dispose pour sa part, on le sait : « Lorsque l'oeuvre a été divulguée, l'auteur ne peutinterdire : ( ), sous réserve que soient indiqués clairement le nom de l'auteur et de la source:a) les analyses et courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique,scientifique ou d'information de l'oeuvre à laquelle elles sont incorporées ; ».
(20) Ce faisant, elle n'aurait fait que suivre le raisonnement proposé par un membre de la doctrinedans un commentaire de la première décision d'appel dans l'affaire commentée: A. Bouvel,note sous Paris, 14e ch. Sect. A, 2 février 2005, Légipresse n° 223, juillet-août 2005, III, 131.
(21) Cf. supra, I.
(22) « La reproduction intégrale d'une oeuvre d'art, quel que soit son format, ne peut en aucuncas s'analyser en une courte citation », Civ. 1re, 22 janv. 1991, Fabris c/Loudmer, JCP 1991,II, 21680, note L. Bochurberg; RTDcom. 1991, 222, note A. Françon, RIDA 148, avr. 1991, 119.
(23) « La représentation intégrale d'une oeuvre, quelles que soient sa forme et sa durée nepeut s'analyser comme une courte citation »; Civ. 1re, 4 juill. 1995, Antenne 2 c/SPADEM, JCP1995, II, 22486, note J.-C. Galloux, rejet du pourvoi contre Paris, 1re ch. A, 7 juill. 1992, D. 1993,som. Com. 91, obs. C. Colombet, infirmant TGI Paris, 3e Ch. 15 mai 1991, JCP 1992, II, 21868note A. Tricoire.
(24) CJCE, Adidas, 23 octobre 2003 (Aff. C-408/01).
(25) Arrêts précités, notes 21 et 22.
(26) Rappr. J.-M. Bruguière, obs. sous Civ. 1re, 7 novembre 2006, PI n° 22, janvier 2007, p. 91n° 3, qui considère que la citation implique nécessairement une reproduction partielle de l'oeuvreinitiale.
(27) Et telle est bien, semble-t-il, la position de la Haute juridiction, qui a précisé, on l'a vu, quel'application de l'exception de citation à une oeuvre photographique n'était pas un cas prévupar l'article L.122-5.
(28) Et sans que l'atteinte au droit moral puisse être invoquée pour écarter l'exception par principe,car alors il devrait en être de même en matière de citations littéraires; en ce sens, A. etH. J. Lucas, Traité de la propriété littéraire et artistique, Litec 3e édition 2006, n° 396.
(29) Que plusieurs membres éminents de la doctrine appellent de leurs voeux de longue date,avant même l'adoption de la directive du 22 mai 2001: voir notamment M. Vivant, «Pour unecompréhension nouvelle de la notion de courte citation en droit d'auteur », JCP 1989, I, 3372;A. et H.-J. Lucas, Traité de la propriété littéraire et artistique, Litec 3e éd. 2006, n° 396; J.-C. Galloux, note sous Civ. 1re, JCP 1995, II, 22486 ; D. Jean-Pierre, « La courte citation d'oeuvresd'art en droit d'auteur », D. 1995, chron. 39; C. Geiger, Droit d'auteur et droit du publicà l'information, Litec IRPI 2004, n° 408 et suivants; J.-M. Bruguière, obs. sous Civ. 1re, 7 novembre2006, PI n° 22, janvier 2007, p. 91 n° 3. Voir également notre commentaire de Civ. 1re,13 novembre 2003, Légipresse n° 209 mars 2004, III, 23.
(30) On pourrait cependant soutenir le contraire, sur le fondement du principe d'interprétationconforme.
(31) Sur cette appréciation, voir, par ex., A. et H. J. Lucas, ibid.
(32) C'est le but du principe d'interprétation conforme. Le Considérant (32) de la Directive, quiévoque une application « cohérente » des exceptions dans les différents droits nationaux nedit pas autre chose, et c'est logique, puisque, comme le rappelle la seconde partie du Considérant(31) la liste des exceptions prévue par ce texte vise aussi « à assurer le bon fonctionnementdu marché intérieur ».