Par sa décision du 5 juillet 2006, la première chambre civile de la Cour de cassation vient de désavouer la position adoptée, dans un arrêt du 4 juin 2004, par la cour d'appel de Paris (1) à propos des obligations procédurales du demandeur à une action en contrefaçon lorsque l'objet du litige est une oeuvre de collaboration.Un scénario intitulé Emilie, dont l'auteur était Lucien Lambert, avait fait l'objet d'une adaptation théâtrale sous le titre Le soleil se lèvera à midi. La ...
Cour de cassation, 1re ch. civile, 5 juillet 2006, L. Lambert c/C. Zidi et J. Cameron
Agnès ROBIN
Maître de conférences à la Faculté de Droit de Montpellier, Équipe de ...
(2) Paris, 4 juin 2004, Légipresse, 2005, n°218, III, p. 5, note Robin; Propriétés Intellectuelles,oct. 2004, n°13, p. 921, obs. Sirinelli.
(3) RIDA, octobre 2006, n°, p. 355.
(4) Civ. 1re, 4 oct. 1988 : Bull. civ., I, n°268; D., 1988, IR, p. 255; D., 1989, p. 482, note Gautier;ibid., som. com., p. 50, obs. Colombet; RTDCOM, 1990, p. 32, obs. Françon; RIDA, juillet 1989,n°141, p. 251: « le coauteur d'une oeuvre de collaboration qui prend l'initiative d'agir en justicepour la défense de ses droits patrimoniaux est tenu, à peine d'irrecevabilité de sa demande,de mettre en cause les auteurs de cette oeuvre ».
(5) Sur la question, voir P.-Y. Gautier, note sous Civ. 1re, 4 oct. 1988, préc.; A. Lucas, obs. sousParis, 25 janv. 2006 : Propriétés Intellectuelles, avril 2006, n°19, p. 173; A. Robin, « L'action enjustice des coauteurs d'une oeuvre de collaboration », PI, juill. 2005, n°16, p. 323; V. aussi, notesous Paris, 4 juin 2004, préc.; La copropriété intellectuelle. Contribution à l'étude de l'indivisionet la propriété intellectuelle, PU Clermont-Ferrand-LGDJ, Préf. Th. Revet, 2005, n°346 et s.
(6) Pour un panorama complet de la jurisprudence, v. A. Robin, art. préc., p. 324 n.12.
(7) L'application de l'obligation d'agir conjointement n'est pas cantonnée à un type d'action enjustice mais à toute action en défense des droits patrimoniaux des coauteurs. On trouve ainsides actions ayant pour objet la résiliation d'un contrat, la réparation d'un préjudice matériel, larépartition des droits, et bien sûr, des actions en contrefaçon.
(8) L'application du principe aux oeuvres audiovisuelles a été vivement contestée au regard durôle éminent joué par le réalisateur, voir B. Edelman, note sous Civ. 1re, 10 mai 1995, préc. Surles conséquences de la qualification de l'oeuvre audiovisuelle en une oeuvre de collaborationau regard des règles relatives à l'indivision, voir notre thèse, préc., n°315 et s.
(9) Civ. 1re, 26 janvier 1994: Bull. civ., I, n°35; JCP, 1994, IV, 844, p. 110; RIDA, oct. 1994, n°162,p. 433; D., 1994, IR, p. 55; Gaz. Pal., 3-5 juillet 1994, n°184-186, Pan., p. 142; ibid., 27-28 janvier1995, n°27-28, IV, p. 14; RIPIA, 1994, p. 683; Juris-Data, n°000209. Cette exclusion semblelogique dans la mesure où l'oeuvre composite n'est pas a priori la propriété commune desauteurs. Il n'est pas exclu cependant qu'une oeuvre composite (autre qu'audiovisuelle) puisseêtre qualifiée d'oeuvre de collaboration si plusieurs auteurs (à l'exclusion de l'auteur de l'oeuvrepréexistante) ont eu sur l'oeuvre seconde et de façon concertée, une activité créatrice.
(10) Puisque le titulaire unique des droits d'auteur bénéficie d'une présomption de titularité fondée sur l'article L. 113-5 du CPI au moins depuis l'arrêt de la Civ. 1re, 24 mars 1993: Grandsarrêts de la propriété intellectuelle, sous la dir. M. Vivant, Dalloz, 2003, n°10, pp. 126-135,note M. Clément-Fontaine et A. Robin.
(11) V. TGI Paris, 13 mai 1994: RIDA, oct. 1994, n°162, p. 499.
(12) TGI Créteil, 14 janv. 1992, préc.
(13) Lorsque tel n'est pas le cas, les juges prononcent l'irrecevabilité pour le tout: v. TGI Créteil,14 janvier 1992, préc.; sur appel, Paris, 16 nov. 1992, préc.; sur pourvoi, Civ. 1re, 10 mai 1995,préc. Au contraire, en présence de demandes autonomes, voir Lyon, 20 mars 2003, préc.
(14) Alors que, dans le même temps, les juges admettent et de façon logique, que le droit dedivulgation soit exercé en commun (Civ. 1re, 19 mai 1976: RIDA, janv. 1977, p. 104; RTDCOM.,1977, p. 326, obs. Desbois et sur renvoi après cassation, Amiens, 17 avril 1978 : D. 1978,p. 557, note Desbois; Aix, 28 octobre 2003: JCP, 2004, IV, 1, p. 893). On notera d'ailleurs aupassage l'absence de toute référence à la nature patrimoniale ou morale des droits dans ladécision commentée. Faut-il y voir le signe d'une extension de l'obligation? Nous ne le pensonspas. L'attention des magistrats s'est en effet visiblement concentrée sur la question del'application du principe lorsque l'oeuvre contrefaisante.
(15) Sauf à évoquer une décision de la cour d'appel de Paris du 28 juin 2006, Juris-Data, n°2006-305360.
(16) Civ. 1re, 11 janvier 2000, préc. ; TGI Paris, 17 mai 2002, préc.
(17) Que seul l'acquéreur (lorsqu'il s'agit d'une vente) peut demander (Civ., 28 février 1894:D.P., 1894, 1, p. 235; Civ. 1re, 3 mars 1953: D., 1953, 2, p. 301; RTD civ., 1953, p. 550, obs.J. Carbonnier).
(18) Civ. 1re, 9 mai 1978: JCP, 1979, Ed. N, II, 19257, note M. Dagot.
(19) TGI Créteil, 14 janvier 1992, préc. En appel, Paris, 16 novembre 1992: Juris-Data, n°022985.Sur pourvoi, Civ. 1re, 10 mai 1995, préc. Sur l'application de cette limite, v. A. Robin, art. préc.,pp. 327 et 328.
(20) H. Desbois, Le droit d'auteur en France, Dalloz, 1978, n°133, p. 165.
(21) S'il est vrai que l'on peut douter de la légitimité de la croyance erronée dans l'hypothèsed'une oeuvre audiovisuelle, qui est présumée de façon irréfragable être une oeuvre de collaboration(Paris, 16 mai 1994: JCP 1995. II. 22375, note Linant de Bellefonds ; RIDA, oct. 1994,p. 474 et 303, obs. Kéréver), la solution trouverait cependant à s'appliquer en présence d'oeuvresde collaboration appartenant à d'autres genres.
(24) Paris, 28 avril 2000 : Gaz. Pal., 1er-2 août 2001, Jurisp., p. 33, obs. Le Tarnec : les jugesaffirment qu'aucun texte n'impose à celui qui agit en contrefaçon de diriger ses demandescontre tous les titulaires de droits sur l'oeuvre qu'il argue de contrefaçon et qu'il ne pouvaitainsi lui être reproché de s'être borné à réclamer des condamnations à l'encontre du producteurexécutif, du producteur et d'un diffuseur ayant conclu un contrat de pré-achat de la vidéomusiqueincriminée, sans le faire à l'encontre du réalisateur que d'ailleurs ces derniers avaienttout loisir d'appeler en la cause.
(25) H. Desbois, « Chacun des coauteurs est qualifié pour intenter, seul, une action en contrefaçon», op. cit., n°650, p. 769.
(26) Trib. Civ. Seine, 16 mars 1934: JCP, 1934, II, p. 557: « Mais attendu que chacun des collaborateursa sur l'oeuvre un droit égal et indivisible et par suite qualité pour agir seul, en vuede faire respecter leurs droits pécuniaires et moraux ». V. aussi, Paris, 19 décembre 1878:DP, 1880, 2, p. 62.