CE JUGEMENT EST EXEMPLAIRE par la solution qu'a adoptée la chambre de la presse du tribunal de Paris sur la question récurrente des poursuites de journalistes du chef de recel de violation de secret professionnel, ou de secret de l'enquête et de l'instruction, lorsqu'ils détiennent, dans le cadre de leur activité professionnelle des pièces couvertes par ce secret, en ce qu'il dit, pour la première fois à notre connaissance, sa non-conformité à l'article 10 de la Convention européenne ...
Tribunal de grande instance, Paris, 17e ch. correct., 14 novembre 2006, Ministère public c/ Levy, Ardid et a.
Basile Ader
Avocat au Barreau de Paris
1er janvier 2007 - Légipresse N°238
1737 mots
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(2) On ne pourra d'ailleurs qu'observer que mettre sous écoutes téléphoniques un journalisteet perquisitionner chez lui pour savoir quelles sont ses sources, revient précisément à nier ledroit que lui reconnaît l'article 109, dans des conditions qui nous semblent contraires aux principesdégagés par la jurisprudence de la Cour européenne, notamment dans son affaire Roemanet Schmitt contre Luxembourg selon laquelle : « la protection des sources journalistiques estl'une des pierres angulaires de la liberté de la presse. L'absence d'une telle protection pourraitdissuader les sources journalistiques d'aider la presse à informer le public sur des questionsd'intérêt général. En conséquence, la presse pourrait être moins à même de jouer sonrôle indispensable de chien de garde et son aptitude à fournir des informations précises etfiables pourrait s'en trouver amoindrie. Eu égard à l'importance que revêt la protection dessources journalistiques pour la liberté de la presse dans une société démocratique, pareillemesure ne saurait se concilier avec l'article 10 de la Convention que si elle se justifie par unimpératif prépondérant d'intérêt public ». (Roemen et Schmitt c/ Luxembourg 25 février 2003paragraphe 46.) La Cour européenne a estimé que « les perquisitions au domicile et dans leslocaux professionnels du journaliste s'analysent sans contexte en une ingérence dans ses droitsgarantis sous le paragraphe 1 de l'article 10 », puisqu'elles consistent « à trouver l'auteur d'uneviolation du secret professionnel et donc de la source du journaliste » (même arrêt paragraphe47). On peut d'ailleurs regretter, à l'aune de la modernité dont a fait preuve le tribunal dans cejugement au regard du droit européen qu'il n'ait pas eu à trancher aussi cette question !
(3) Le plus souvent, le délit de recel n'exigeant pas de découvrir quel est l'auteur du délit principal,seuls les journalistes sont poursuivis.
(4) JO Assemblée Nationale 20 juin 1957 p. 27-98.
(5) « Le journaliste n'est pas assujetti au devoir de discrétion imposée par l'article 11 du Codede procédure pénale. Sa recherche de l'information est complètement libre. Il peut faire detous renseignements qu'il a pu obtenir sur les affaires pénales en cours d'enquête ou d'instructionet de les publier » CA Bordeaux, 29 mars 1994, Légipresse n° 104. III, p. 143.
(6) CEDH, 26 avril 1979, Série A n° 30.
(7) Cour de cassation, chambre criminelle, 11 juin 2002, Légipresse n° 196.III, p.181 et Courde cassation (ch. crim.), 11 février 2003 Légipresse n° 201-III, p. 71.
(8) CEDH Jersild c/ Danemark, 23 septembre 1994, paragraphe 31.
(9) Arrêt Fressoz et Rouard c/ France, 21 janvier 1999.