Selon Jacques Rigaud, « Si l'on avait dit il y a deux siècles, ou un peu plus, à Denis Diderot qu'un jour en pianotant sur un clavier et avec un miroir, un étrange miroir, une étrange lucarne, n'importe qui aurait accès à toutes les bibliothèques du monde, pourrait converser avec des philosophes ou des hommes de science à l'autre bout du monde, cet athée de Diderot aurait crié Alléluia ! ( ) Or c'est ou ce sera très bientôt le cas » (1). En effet, l'actuel projet de bibliothèque numérique européenne semble confirmer ces prévisions et accélérer la politique de numérisation et de mise à disposition de contenus culturels, et en l'occurrence littéraires, en ligne. Ainsi, le 3 mai 2005, à l'occasion des Rencontres pour l'Europe de la Culture (2), les responsables européens appelèrent les États membres à coopérer avec l'Union européenne afin d'engager le processus de mise en oeuvre.
LE PROJET MESSIANIQUE QUI CONSISTE À RENDRE accessible tous les savoirs, tous les particularismes culturels à tout internaute, quelle que soit sa situation géographique, par l'intermédiaire d'une bibliothèque numérique est relativement ancien. Dès 1995, le Conseil européen avait identifié cette problématique et invité la Commission européenne à travailler sur les moyens de diffuser la culture par l'intermédiaire des nouvelles technologies (3). Puis, en 1996, le Conseil affina cette ...
(2) Rigaud J., Intervention à l'occasion du cinquantième anniversaire de laCommission française, repris par Yves Brunsvick et André Danzin, Naissanced'une civilisation, le choc de la mondialisation, Ed. UNESCO, Coll. Défis, 1998.
(3) Rencontres pour l'Europe de la Culture, Paris, 2-3 mai 2005. Voir égalementMASI B., « L'Europe en ligne pour sa bibliothèque », Libération, 4 mai2005.
(4) Résolution du Conseil du 4 avril 1995, Culture et multimédia, 95/C247/01,JO n°C247 du 23 septembre 1995, p. 1-2, spéc. p. 1.
(5) Résolution du Conseil du 25 juillet 1996, L'édition électronique et les bibliothèques,96/C242/02, JO n°C242 du 21 août 1996, p. 2.
(6) Dans ce sens, voir la Décision du Conseil du 21 novembre 1996, Adoptiond'un programme pluriannuel pour promouvoir la diversité linguistique de laCommunauté dans la société de l'information, 96/664/ CE, JO n° L306 du28 novembre 1996, p. 40-48, spéc. p. 40.
(7) UNESCO, Conférence de Stockholm sur les politiques culturelles pour ledéveloppement, 30 mars 2 avril 1998, objectif 4, point 7.
(8) Parallèlement à cette annonce, il convient de préciser que le groupeMicrosoft envisage, également, de développer une offre équivalente avec Livebook search. Sur ce point, voir « Microsoft ouvre sa bibliothèque numériqueen ligne pour concurrencer Google », lemonde.fr, 7 décembre 2006.
(9) Disponible sur www.print.google.com.
(10) Bibliothèques de Stanford, de Harvard, de l'Université du Michigan, bibliothèquepublique de New York et bibliothèque de l'université anglaise d'Oxford.
(11) Jeanneney J-N., «Quand Google défie l'Europe», Le Monde, 22 janvier 2005.
(12) Jeanneney J-N., Quand Google défie l'Europe, Plaidoyer pour un sursaut,Ed. Fayard, Coll. Mille et une nuits, 27 avril 2005.
(13) Idem, pp. 12-13.
(14) Idem, pp. 15 ; 88.
(15) Idem, pp. 16 ; 94.
(16) Selon la Commission européenne, « Les bibliothèques numériques sontdes collections organisées de contenu numérique mises à disposition du public.Elles peuvent être composées de contenu qui a été numérisé, tel que les copiesnumériques de livres et d'autres documents physiques détenus par les bibliothèqueset les archives. Alternativement, elles peuvent être basées sur des informationsinitialement produites dans un format numérique », Communication dela Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique etsocial européen et au Comité des régions du 30 septembre 2005, i2010: bibliothèquesnumériques, COM (2005) 465 final, non publié au JO, p. 3.
(17) Article 151 § 2 TCE.
(18) Résolution du Conseil n° 2003/C13/03, mettant en oeuvre le plan de travailen matière de coopération européenne dans le domaine de la culture,19 décembre 2002, JO C39 du 18 janvier 2003, pp.5-7.
(19) Sur ce point, voir Résolution du Conseil n° 2003/C13/03, selon laquelleon définit la valeur ajoutée européenne comme « une dimension européennedistincte, venant s'ajouter aux actions et politiques menées au niveau desÉtats membres dans le domaine de la culture », précitée.
(20) Conférence de Lund, Déclaration d'intention du Conseil européen,avril 2001, préambule, p. 2.
(21) Guide des bonnes pratiques, Version 1.3, édité par le groupe de travailMINERVA n° 6, Identification des bonnes pratiques et des centres de compétences,3 mars 2004,35 p.
(22) Décision du Parlement européen et du Conseil du 27 juin 2002, relativeau sixième programme cadre de la Communauté européenne pour les actionsde recherche, de développement technologique et de démonstration contribuantà la réalisation de l'espace européen de la recherche et de l'innovation(2002-2006), 1513/2002/CE, JOCE du 29 août 2002, L232/1 et s. Il faut noterque le programme MINERVA fut reconduit par le programme « MINERVA plus ».
(23) Pour un détail des actions du programme MINERVA, voir Foulonneau M.,« Le patrimoine numérisé scientifique et culturel européen », Culture etRecherche n° 93, novembre-décembre 2002, p. 4.
(24) Pour un panorama complet du programme RE/SO 2007, voir www.internet.gouv.fr.
(25) En substance, Discours précité.
(26) Pour une distinction entre « la mémoire nationale » et « la mémoire collective», voir Verhoven J., «Archives et droit international », contribution aucolloque organisé dans le cadre du programme CNRS intitulé « Archives de lacréation », organisé par le groupe de recherche sur le droit du patrimoine culturelet naturel, dirigé par Marie Cornu et Jérôme Fromageau, édité parl'Harmattan en 2004, tome I, p. 23.
(27) www.gallica.bnf.fr.
(28) Pour plus de détails sur le fonctionnement de la base Gallica, voirCloarec T., BIBUsages : étude sur les pratiques des utilisateurs de Gallica,Culture et Recherche n° 100, janvier-mars 2004, intitulé « Les bibliothèquesnumériques », p. 6.
(29) Communication de la Commission du 8 décembre 1999, e.europe : unesociété de l'information pour tous, en vue du Conseil européen extraordinairede Lisbonne des 23 et 24 mars 2000, COM (1999) 687 final, non publié au JO.Voir également, Communication de la Commission du 13 mars 2001,e.europe2002 : impacts et priorités, en vue du Conseil européen deStockholm des 23 et 24 mars 2001, COM (2001) 140 final, non publié au JO.
(30) Communication de la Commission au Conseil, au Parlement européen, auComité économique et social et au Comité de région du 28 mai 2002, Pland'action e.europe2005 : une société de l'information pour tous, COM (2002)263 final, non publié au JO.
(31) Communication de la Commission au Conseil, au Parlement européen, auComité économique et social et au Comité de région du 1er juin 2005, i2010 :une société de l'information pour la croissance et l'emploi, COM (2005) 229final, non publié au JO.
(32) i2010 : bibliothèques numériques, précitée, p. 4.
(33) i2010 : bibliothèques numériques, « Les bibliothèques et les archives sontun secteur d'activité important en terme de d'investissement et d'emploi. ( ).La numérisation de leurs ressources pourrait augmenter considérablement cetimpact ( ) et, notamment, être une source riche de matière première à réutiliserpour des services et des produits à valeur ajoutée dans des secteurs telsque le tourisme et l'enseignement », précitée, p. 5.
(34) Décret n° 2005-780 du 12 juillet 2005 instituant un comité de pilotage envue de la création d'une bibliothèque numérique européenne, JO n° 162 du13 juillet 2005, p. 11455, texte n° 43.
(35) Idem.
(36) Lors de la seconde réunion, le comité a défini ses principaux axes de travail: « État des lieux en matière de numérisation de contenus culturels ; Lescontenus ; Les technologies ; Le modèle économique ». Sur ce point, voir lediscours du ministre de la Culture et de la Communication, Renaud Donnedieude Vabres, « Comité de pilotage en vue de la création d'une bibliothèquenumérique européenne Seconde réunion de travail », 30 août 2005, disponiblesur www.culture.gouv.fr.
(37) Lors de la quatrième réunion, le Comité s'est accordé sur plusieurs priorités: « Intensifier les échanges au niveau européen afin d'associer de manièreopérationnelle des partenaires, notamment bibliothèques et éditeurs ;Procéder à la conversion des contenus numériques existants et à la mise àl'étude de processus industriels de numérisation ; Élaborer un plan de financementet un modèle économique dans la perspective d'une interventionconjointe de l'État et des partenaires privés ; Constituer une plateforme communeen terme de contenus et d'infrastructures technique (moteur de recherche,gestion des droits, visualisation des contenus) ».
(38) « i2010, La Commission intensifie les efforts pour mettre en ligne la mémoire de l'Europe via une bibliothèque numérique européenne »,IP/06/253, Bruxelles, 2 mars 2006, p. 1. Sur le calendrier, Jean NoëlJeanneney avait souligné que « La BNE verra le jour d'ici à la fin de l'année2006 et trouvera sa vitesse de croisière en 2007 », Jean Noël Jeanneney,croisé de la bibliothèque numérique européenne, Les Échos, 10 janvier 2006.
(39) Tesniere V., Résumé du livre blanc du comité de pilotage pour une bibliothèquenumérique européenne, janvier 2006, disponible sur le site de la BNF
(40) Sur ce point, voir la Recommandation de la Commission européenne du24 août 2006 sur la numérisation et l'accessibilité en ligne du matériel culturelet la conservation numérique, 2006/585/CE, JO du 31 août 2006,p. L236/28, point n° 2.
(41) Département de l'information et de la communication du ministère de laCulture et de la Communication, Budget 2007 du ministère de la Culture et dela Communication, 27 septembre 2006, p. 26.
(42) Livre blanc du comité de pilotage de janvier 2006, précité.
(43) Sur ce point, voir supra.
(44) Décision du Parlement européen et du Conseil du 9 mars 2005, établissantun programme pluriannuel visant à rendre le contenu numérique européenplus accessible, plus utilisable, et plus exploitable, 46/2005/CE, JO n° 79/1du 24 mars 2005.
(45) i2010 : bibliothèques numériques, précitée, p. 13.
(46) L'interopérabilité promeut les équipements et les plateformes qui communiquententre elles et les services qui peuvent migrer d'une plateforme à l'autre.Dans ce sens, voir i2010 : une société de l'information pour la croissanceet l'emploi, précitée, p. 4.
(47) Directive 2001/29/CE du 22 mai 2001 sur l'harmonisation de certainsaspects du droit d'auteur et des droits voisins dans la société de l'information,JO n° L167 du 22 juin 2001, pp.10-19.
(48) Loi n° 2006-961 du 1er août 2006 relative au droit d'auteur et aux droitsvoisins dans la société de l'information, JO n° 178 du 3 août 2006, p. 11529,texte n° 1, art.1.8.
(49) Stasse F., « Rapport au ministre de la Culture et de la Communication surl'accès aux oeuvres numériques conservées par les bibliothèques publiques »,avril 2005, p. 6.
(50) Sur ce point, voir le résumé du livre blanc du comité de pilotage, précité.Voir également la Version officielle du Rapport d'étape français sur la politiquede numérisation du patrimoine, Ministère de la Culture et de la Communication,2005, p. 47.
(51) i2010 : bibliothèques numériques, précitée, p. 5.
(52) Résolution du Conseil du 25 juin 2002, visant à préserver la mémoire dedemain préserver les contenus numériques pour les générations futures,2002/C162/02, JO C164/4 du 6 juillet 2002.
(53) UIT, Déclaration du Sommet Mondial pour la Société de l'Information(SMSI), Genève 2003 Tunis 2005, doc.WSIS-03/GENEVA/DOC/4-F, 12 mai2004, point n° 54, p. 8. De plus, ce fondement, « la transmission du patrimoineaux générations futures », est également présent dans la plupart des textesinternationaux. Sur ce point, voir notamment UNESCO, Charte de la conservationdu patrimoine numérique, adoptée lors de la 32e Conférence générale,Paris, 17 octobre 2003, art.1.
(54) Industrie puissante en terme de bénéfices et d'emplois, l'internet estinternational et très grand public.
(55) Sur ce point, voir notamment Batz J-C, « Plaidoyers pour une politiqueaudiovisuelle européenne / Contribution à une réflexion fondatrice 1968-1998 », mai 2001, repris par bribes et morceaux lors du forum européen ducinéma européen de Strasbourg, 9-13 novembre 2001.
(56) Selon José Silvio, « l'identité culturelle est très liée à la langue commevéhicule d'expression de cette identité », Intervention au colloque intitulé« Plurilinguisme dans la société de l'information », organisé par la Commissionfrançaise pour l'UNESCO, mars 2001.
(57) Chiffres communiqués par l'Organisation Internationale de laFrancophonie (OIF), dans un document intitulé Géopolitique de la francophonie,un nouveau souffle ?, La documentation française, août 2004.
(58) Jeanneney J-N., «Quand Google défie l'Europe », précité.
(59) UNESCO, Convention sur la protection et la promotion de la diversité desexpressions culturelles, Conférence générale, 33e session n° 33 C/23, Paris,adoptée le 20 octobre 2005. Pour une critique de la Convention, voir notammentRegourd S., « Le projet de Convention UNESCO sur la diversité culturelle :Vers une victoire à la Pyrrhus », LP n° 226-II, pp.115-120. Voir également,Bottallo L., La diversité culturelle dans un cadre économique et technologiqueen mutation, Thèse de doctorat, Paris II, 2006.
(60) Bernard F., « Paradoxe des nouvelles technologies de l'information et de lacommunication (NTIC) et de la diversité culturelle », contribution au Groupe d'étudeset de recherches sur les mondialisations (GERM), 12 décembre 2002, p. 1.
(61) Farchy J., Industries culturelles et internet, octobre 2002, p. 2.
(62) Marcangelo-Leos P., « La place du pluralisme dans le droit de la communicationaudiovisuelle De la distinction entre pluralisme et pluralité », LPn° 202-II, pp.78-83, spéc. p. 80.
(63) Idem.
(64) Recommandation de la Commission européenne du 24 août 2006 sur lanumérisation et l'accessibilité en ligne du matériel culturel et la conservationnumérique, précitée, considérant n° 9.
(65) Pour un détail sur la numérisation et sur la mise à disposition du contenuaudiovisuel en ligne voir Bachimont B., « Les enjeux de la recherche à l'institutnational de l'audiovisuel », Culture et recherche n° 105 intitulé « Audiovisuel etcinéma : archivage, conservation, diffusion », avril-juin 2005, pp.7-8. Voir égalementBrunie V., «Vers la mise en ligne (intégrale ?) des archives de la télévision: le projet PACE », Culture et recherche n° 105, précité, pp.11-12.
(66) En effet, la numérisation des archives audiovisuelles a été rendue possiblegrâce au projet « PrestoSpace ». Organisé dans le cadre du 6e programme pourla recherche et le développement technologique (FP6, priorité n° 2) de laCommission européenne et coordonné par l'INA. Pour plus de détails, voir ChenotJ.H., «Le projet PrestoSpace», Culture et recherche n° 105, précité, p. 8.
(67) Sur ce point, voir le site de l'INA, Partie « Protection des droits ».
(68) Verhoven J., «Archives et droit international », précité, p. 23.