Espace informationnel planétaire, l'internet est, par nature, vecteur de délits complexes caractérisés par un éparpillement du fait générateur et du dommage. La question se pose donc de savoir si les juridictions françaises peuvent prononcer des injonctions susceptibles de déployer des effets au-delà de nos frontières. La question est débattue en doctrine et il convient de s'interroger sur la compétence extraterritoriale des tribunaux français, lorsqu'ils imposent aux fournisseurs de moyens étrangers l'exécution d'actes positifs ou le respect d'abstentions sur le territoire d'un État étranger, particulièrement lorsque les magistrats leur laissent entrevoir la perspective d'une sanction conditionnelle, afin de les inciter à s'exécuter volontairement.
L'EFFICACITÉ DES DÉCISIONS FRANÇAISES NE SUSCITE aucune difficulté lorsque le litige est national. Mais la configuration du réseau internet permet à tout fournisseur de moyens, tels les fournisseurs d'accès, d'hébergement ou d'outils de recherche, d'atteindre un public éparpillé sur l'ensemble du globe. Il n'est donc pas rare que l'internet soit le vecteur de délits complexes, dont le fait générateur est commis simultanément dans plusieurs États et les conséquences dommageables ...
(2) Sur ce point : C. Freyria, Principe de solution des conflits de lois en matièred'enregistrement, JCP, 1952, I, 1023 ; J. Mestre, « Les conflits de lois relatifs àla protection de la vie privée », in Mélanges Kayser, Presse Universitaire d'Aix-Marseille, 1979, t. II, p. 239 et s. ; P. Bourel, «Du rattachement de quelquesdélits spéciaux en droit international privé », Recueil cours La Haye, 1989, vol. II,p. 255 et s. ; F. Pocar, « Le lieu du fait illicite dans les conflits de lois et de juridictions», Travaux comité fr. DIP, 1985-1986, p. 71 et s. ; H. Gaudemet-Tallon,Compétence et exécution des jugements en Europe - Règlement n° 44-2001 -Conventions de Bruxelles et de Lugano, LGDJ, 3e éd., 2002, n° 218.
(3) Sur la définition de l'extraterritorialité : P. Demaret, L'extraterritorialité deslois et les relations transatlantiques, RTD eur. 1985, p. 1. L'auteur estime qu'il« est question d'extraterritorialité lorsqu'une autorité législative, gouvernementale,judiciaire, ou administrative adresse à un sujet de droit un ordre defaire ou de ne pas faire à exécuter en tout ou partie sur le territoire d'un autreÉtat ». Adde : B. Stern, « L'extraterritorialité revisitée où il est question desaffaires Alvarez-Machain, Pâte de bois et de quelques autres » AFDI, 1992,p. 239, spéc. p. 242 et s ; J. Combacau et S. Sur, Droit international public,Montchrestien, 6e éd., 2004, p. 322.
(4) Sur l'imperium et la jurisdictio : H. Roland et L. Boyer, Locutions latines dudroit français, Litec, 4e éd., 1998. Adde : U. Coli, « Sur la notion d'imperium endroit romain », Rev. intern. des dr. de l'Antiquité, 1960, p. 361 : « Imperiumdérive de imperare ( ) et signifie fait de commander » ; Ch. Jarroson,« Réflexions sur l'imperium », in Études offertes à Pierre Bellet, Litec, 1991,p. 245 spéc. p. 248.
(5) Dictionnaire historique de la langue française, Le Robert, ss. dir. de A. Rey,1998, v° Injonction.
(6) Sur ce point : F. Rigaux, Droit international privé, t. I, Théorie générale,Larcier, 2e éd., 1987, n° 79.
(7) CPJI, 7 sept. 1927, France c/ Turquie, Rev. crit. DIP 1927, p. 32Adde :A. Cannone, Essai de droit pénal international : l'affaire du Lotus, th. Toulouse,1929 ; H. Donnedieu de Vabres, « L'affaire du Lotus et le droit pénal international», Rev. crit. DIP, 1928, p. 135.
(8) En ce sens : P. Mayer, «Droit international privé et droit international publicsous l'angle de la notion de compétence » (suite et fin), Rev. crit. DIP, 1979,p. 12 et 13 : « le droit international public pose que chaque État a compétenceexclusive pour effectuer un acte de contrainte sur son territoire. ( ) Ni la compétenceinternationale (directe ou indirecte) qui est au coeur du conflit de juridictions,ni la compétence législative reconnue par la règle de conflit de lois nese confondent avec la compétence étatique au sens qui vient d'être défini, carelles ne constituent pas même des compétences véritables ».
(9) Contra : J. Story, Commentaries on the conflict of laws, Boston LittleBrown, 2e éd., 1841, § 18.
(10) CPJI, 7 sept. 1927, France c/ Turquie, précité.
(11) Pour une compétence normative illimitée : «P. Mayer, Droit internationalprivé et droit international public sous l'angle de la notion de compétence »(suite et fin), Rev. crit. DIP, 1979, p. 537, spéc. p. 552.
(12) En ce sens pour les ordonnances de référés : J. Héron et T. Le Bars, Droitjudiciaire privé, Montchrestien, 2e éd., 2002, n° 326; J. Moury, « De quelquesaspects de l'évolution de la jurisdictio » (en droit judiciaire privé), in Nouveauxjuges, nouveaux pouvoirs ? Mélanges en l'honneur de R. Perrot, Dalloz, 1996,p. 299, spéc. 303. Pour certains auteurs, le pouvoir d'injonction relève de lacompétence d'exécution et ne peut en conséquence jouir du privilège d'extraterritorialité.En ce sens : B. Goldman, Le champ d'application territorial deslois sur la concurrence, RCADI, 1969 III, vol. 128, p. 709, spéc. p. 714, n° 55 :Les juridictions, écrivait-il « ne sont pas fondées, au regard du droit internationalpublic, à ordonner des mesures d'exécution à intervenir à l'étranger ».Adde : J.-M. Bischoff et R. Kovar, « L'application du droit communautaire de laconcurrence aux entreprises établies à l'étranger », JDI, 1975, p. 675, spéc.p. 725, n° 47 ; F. Rigaux, Droit public et droit privé dans les relations internationales,Pédone, 1977, n° 177 ; B. Conforti, « Cours général de droit internationalpublic », RCADI, 1988-V, vol. 212, p. 141 ; M. Bauer, Le droit public étrangerdevant le juge du for, th. Paris II, 1977, n° 192 et s ; S. Guinchard, Droitprocessuel, droit commun et droit comparé du procès, Dalloz, 3e éd., 2005,n° 784 : « le juge exerce l'imperium quand il enjoint ».
(13) En ce sens notamment pour les ordonnances de référés : J. Héron, op.cit., n° 326 ; J. Moury, op. cit, spéc. p. 303 ; J. Normand, RTD civ. 1982, p. 93 ;R. Martin, « Le référé, théâtre d'apparence », D. 1979, chron., p. 158. Adde :Ph. Théry et R. Perrot, Procédures civiles d'exécution, Dalloz, 2e éd., 2005,n° 39 : « il n'est pas artificiel de voir dans l'autorisation une forme decontrainte » ; P.-Y. Gautier, Propriété littéraire et artistique, PUF, coll. Droit fondamental,5e éd., 2004, n° 460.
(14) J.-M. Bischoff et R. Kovar, « L'application du droit communautaire de laconcurrence aux entreprises établies à l'étranger », JDI, 1975, p. 675, spéc.p. 725, n° 47. Formule reprise par B. Goldman, JDI, 1973, p. 934, n° 14.
(15) J. Combacau et S. Sur, Droit international public, Montchrestien, 6e éd.,2004, p. 426 : « l'État exerce sur ces personnes ( ) l'imperium, c'est-à-direun pouvoir de les régir ».
(16) P. Mayer, op. cit., p. 578, n° 109.
(17) V. notamment l'affaire Yahoo !. La société américaine, s'est exécutéespontanément en interdisant la vente aux enchères de produits nazis, peuaprès que les tribunaux français aient enjoint ce prestataire de bloquer l'accèsaux seuls internautes français aux objets nazis figurant sur son site. TGI Paris,réf., 20 nov. 2000, UEJF, LICRA et MRAP c/ Yahoo ! Inc. et Yahoo ! France, Lamydroit de l'informatique et des réseaux, bulletin d'actualité, déc. 2000, n° 131,p. 1, note V. Sédaillan ; J.-Ch. Galloux, Com. com. électr., déc. 2000, comm.n° 132 ; J.-R. Reidenberg, L'affaire Yahoo ! et la démocratisation internationaled'Internet, Com. com. électr., mai 2001, chron. n° 12.
(18) Ph. Théry, La place des procédures civiles d'exécution, in La réforme desprocédures civiles d'exécution, RTD civ., 1993, n° spécial, p. 40, n° 10. Adde :J. Normand, Rapport de synthèse, in L'exécution, XXIIIe Colloque des Institutsd'Études Judiciaires, 19-20 nov. 1999, L'Harmattan, p. 178.
(19) J. Normand, eod. loc. Adde : Ph. Théry, Rapport introductif : La notiond'exécution, in L'exécution, XXIIIe Colloque des Instituts d'Études Judiciaires,19-20 nov. 1999, L'Harmattan, p. 18 : « L'exécution forcée peut bien être l'expressionde la contrainte, mais son efficacité tient souvent à son aptitude à secouler dans les formes de l'exécution volontaire ».
(20) J. Normand, op. cit., p. 181 « N'est pas plus spontanée l'exécution personnelled'une obligation de faire ou de ne pas faire accomplie pour éviter quene soit liquidée l'astreinte prononcée ou qu'il ne soit recouru à des procédésde satisfaction à l'identique ».
(21) En ce sens : S. Clavel, Le pouvoir d'injonction extraterritorial des jugespour le règlement des litiges privés internationaux, th. Paris I, 1999, n° 308.Pour l'auteur, « aucun acte d'exécution n'est réalisé de façon illégitime, sur leterritoire d'un État étranger en violation de sa souveraineté, (lorsque le jugeadresse des injonctions extraterritoriales). La mise en oeuvre de la contraintematérielle par les organes publics à l'encontre des plaideurs récalcitrants restetoujours strictement territoriale ».
(22) P. Mayer, Droit international privé et droit international public sous l'anglede la notion de compétence (suite et fin), Rev. crit. DIP, 1979, p. 537, spéc.p. 552.
(23) En ce sens : P. Demaret, op. cit., spéc. p. 30 ; E. Friedel-Souchu,Extraterritorialité du droit de la concurrence aux États-Unis et dans laCommunauté européenne, LGDJ, 1994, p. 39 et s. ; L. Idot, Le contrôle despratiques restrictives de concurrence dans les échanges internationaux, th.Paris II, 1981, n° 547 et s. ; J.-M. Jacquet, La norme juridique extraterritorialedans le commerce international, JDI, 1985, p. 387, n° 106 ; P. Juillard,L'application extraterritoriale de la loi économique, in L'application extraterritorialedu droit économique, Cahiers du CEDIN, Montchrestien, 1987, p. 1, spéc.p. 26 ; A. Lyon-Caen, La souveraineté des États et les entreprises multinationales,in L'entreprise multinationale face au droit, Librairies Techniques, 1977,n° 433 ; P. Mayer, op. cit., n° 104 : « il n'y a rien d'anormal à ce qu'un jugecondamne un défendeur domicilié à l'étranger à adopter un certain comportementà l'égard du demandeur » ; H. Muir-Watt, Extraterritorialité des mesuresconservatoires in personam, Rev. crit. DIP, 1998, p. 27 spéc. n° 6 et s. ;B. Stern, Quelques observations sur les règles internationales relatives à l'applicationextraterritoriale du droit, AFDI, 1986, p. 7, spéc. p. 14 ; S. Clavel, eodloc.
(24) L'acte juridictionnel est d'ailleurs davantage défini par rapport à la jurisdictio.En ce sens : L. Cadiet et E. Jeuland, Droit judiciaire privé, Litec, 4e éd.,2004, n° 313. G. Cornu et J. Foyer, Procédure civile, PUF, 3e éd. 1996, p. 92.Adde : S. Guinchard, op. cit., n° 783 : définissant le pouvoir juridictionnel parréférence à l'imperium et la jurisdictio mais soulignant que dans l'exercice del'imperium, le juge étatique est en concours avec l'administration, qui en estelle-même investie, que son autonomie n'est pas complète.
(25) Sur la qualité d'acte normatif des mesures provisoires et injonctives :G. Cuniberti, Les mesures conservatoires portant sur des biens situés àl'étranger, LGDJ, Bibl. dr. privé, 2000, t. 341, n° 31 et 33 ; P. Mayer, «Droitinternational privé et droit international public sous l'angle de la notion de compétence», Rev. crit. DIP, 1979, p. 578, n° 109 ; H. Muir-Watt, op. cit., p. 31 ;E. Friedel-Souchu, op. cit., p. 41 ; P. Demaret, op. cit., p. 29 ; B. Stern, op. cit.,p. 14 ; S. Clavel, op. cit. n° 297 ; E. Jeuland, « Les effets des jugements provisoireshors du territoire du for », Revue de la recherche juridique, 1996,p. 173, spéc. n° 16. Contra : V. Delaporte, Les mesures provisoires et conservatoiresen droit international privé, Travaux du comité français de DIP, 1987-1988, p. 147.
(26) En ce sens : J. Combacau et S. Sur, op. cit., p. 350 ; P. Mayer, La distinctiondes règles et des décisions et son incidence sur la solution des problèmesen droit international privé, LGDJ, p. 10 n° 13 et p. 15, n° 21 ; B. Stern,op. cit., spéc. p. 11 ; P. de Vareilles-Sommières, La compétence normative del'État en matière de droit privé, droit international public et droit internationalprivé, LGDJ, 1997, p. 68, n° 85.
(27) CPJI, 7 sept. 1927, France c/ Turquie, précité.
(28) S. Clavel, op. cit. n° 315 et s. Selon un auteur, « la seule limite certaineque le droit des gens impose aux États dans l'exercice de leur compétencelégislative est qu'elle doit être exercée de façon à ne pas porter atteinte à lasouveraineté territoriale des autres États ». Adde : P. Eeckman, « L'applicationde l'article 85 du Traité de Rome aux ententes étrangères à la CEE mais causantdes restrictions à la concurrence à l'intérieur du Marché commun », Rev.crit. DIP, 1965, p. 499, spéc. 515.
(29) CJCE, 17 nov. 1998, Van Uden Maritime BV c/ Kommanditgesellschaft inFirma Deco-Line, (point 19), Rev. crit. DIP, 1999, p. 340, note Normand; JDI,1999, p. 612, obs. A. Huet; Rev. arb., 1999, p. 143, note H. Gaudemet-Tallon ;CJCE 27 avril 1999, Hans Hermann Mietz c/ Intership Yatching Sneek BV,(point 40), Rev. crit. DIP, 1999, p. 761; p. 669, note A. Marmisse etM. Wilderspin, Le régime jurisprudentiel des mesures provisoires à la lumièredes arrêts Van Uden et Mietz. Adde: en faveur de l'admission de l'exerciceextraterritorial du pouvoir d'injonction de la Commission : CJCE, 14 juill. 1972,Imperial Chemical Industries c/ Commission, Rec. p. 619, concl. Av. Gén.Mayras. Dans cette affaire, dite Matières colorantes, la Cour de justice a expressémentadmis que la Commission puisse prononcer des injonctions de payerextraterritoriales. Pour une admission plus implicite : CJCE, 6 mars 1974, IstitutoChemioterapico Italiano c/ Commission des CE, Rec. p. 223. Dans cette affaireZoja, la Cour de justice s'est contentée de confirmer la sanction prononcée parla Commission. Certains auteurs en ont conclu qu'une telle solution impliquaitnécessairement la reconnaissance par la Cour de la licéité de l'exercice extraterritorialdu pouvoir d'injonction, dès lors que l'exécution de la condamnation supposaitqu'une livraison de produit soit réalisée, à partir des États-Unis, versl'Italie. En ce sens : E. Friedel-Souchu, Extraterritorialité du droit de la concurrenceaux États-Unis et dans la Communauté européenne, LGDJ, 1994, p. 205.Plus réservé : A. Lyon-Caen, op. cit., p. 398, n° 435, S. Clavel, op. cit. n° 264.
(30) Cette solution est contestée par certains auteurs. Pour Messieurs Perrot etThéry, « il n'est pas normal qu'une juridiction, simplement parce qu'elle est compétentepour statuer au fond, puisse ordonner des mesures conservatoires destinéesà s'exécuter dans d'autres États ». Selon ces auteurs « il faut écarter cetteoption de compétence admise par la majorité des auteurs pour ne retenir que laseule compétence des juridictions de l'État où la mesure doit être exécutéelorsqu'il s'agit des mesures conservatoires de l'État prévues par la loi de 1991 »:R. Perrot et Ph. Théry, Procédures civiles d'exécution, Dalloz, 2e éd., 2005,n° 40. Adde : La proposition de modification de la Convention de Bruxelles présentéepar la Commission au Conseil et au Parlement européen. La Commissiona proposé que l'on supprime l'article 24 et que l'on adopte un article 18 bis, auxtermes duquel compétence serait donnée « au profit de l'État membre sur le territoireduquel ces mesures peuvent effectivement être mises en oeuvre, mêmesi ce sont les juridictions d'un autre État membre qui sont compétentes sur lefond du litige »: Communication de la Commission au Conseil et au Parlementeuropéen, Vers une efficacité accrue dans l'obtention et l'exécution des décisionsau sein de l'Union européenne, JOCE, 31 janv. 1998, 98/C 33/03, § 28.
(31) CJCE, 17 nov. 1998, Van Uden Maritime BV c/ Kommanditgesellschaft, in« Firma Deco-Line », (point 19), Rev. crit. DIP, 1999, p. 340, note Normand ;JDI, 1999, p. 612, obs. A. Huet ; Rev. arb. 1999, p. 143, note H. Gaudemet-Tallon ; CJCE 27 avril 1999, Hans Hermann Mietz c/ Intership Yatching SneekBV, (point 40), Rev. crit. DIP 1999, p. 761 ; p. 669, note A. Marmisse etM. Wilderspin, Le régime jurisprudentiel des mesures provisoires à la lumièredes arrêts Van Uden et Mietz.
(32) En ce sens : Clavel, op. cit. n° 268 ; Cuniberti, op. cit. n° 439 et 470-473 ;Gaudemet-Tallon note sous Van Uden, p. 165, précité ; J. Normand note sousVan Uden, p. 366, n° 42, précité ; H. Muir-Watt, « Extraterritorialité des mesuresconservatoires » in personam, Rev. crit. DIP, 1998, p. 27 spéc. n° 14.
(33) En ce sens : la position de la Cour Suprême allemande : BGH, 2 oct. 1956,Bghz 22-1-13, cité et traduit par P. Kinsch, Le fait du prince étranger, LGDJ,1994, p. 135, n° 116. La position de la Cour Suprême néerlandaise : HogeRoad, 24 nov. 1989, Interlas v. Lincoln, NJ, p. 1597, n° 404, cité et traduit parS. Clavel, op. cit. n° 274, note 38.
(34) P. Mayer, op. cit. p. 579, n° 109 : « il est banal, surtout dans les paysanglo-saxons, que le juge civil adresse au défendeur qu'il condamne l'ordred'adopter un comportement déterminé ». Adde : G. Cuniberti, op. cit. n° 82.
(35) Twentieth Century Fox Film Corp., et al. v. iCraveTV, et al., n° 00-121,2000 US Dist. Lexis 1013 (W.D. Pa. Jan. 20, 2000). Il s'agissait d'une sociétécanadienne rediffusant sur le web, sans aucune autorisation préalable, certainesémissions de télévision diffusées aux États-Unis par des chaînes américaines, mais captées de l'autre côté de la frontière canadienne par iCraveTV. Cesretransmissions portaient atteinte aux droits des chaînes de télévision ainsipiratées. Le juge saisi a estimé que la simple rediffusion vers les États-Unis suffisaità donner compétence aux juges américains et a enjoint la société canadiennede cesser la retransmission des programmes de télévision américains.Sur cette affaire : J.-C. Ginsburg, Évolution du droit d'auteur aux États-Unisdepuis le Digital Millenium Act, RIDA, avril 2003, chronique des États-Unis 1repartie, p. 127 et s. spéc. p. 200 et s.
(36) D'évidence les organes de contrainte étrangers ne peuvent obéir auxordres donnés par une autorité française. Mais tel n'est pas le cas lorsque lejuge se borne à édicter une injonction.
(37) En ce sens : S. Clavel, op. cit. n° 292 et s. Adde : R. Perrot et Ph. Théry,op. cit., n° 41 : l'astreinte, soulignent-ils, « dans la mesure où elle a pour butde faire pression sur la volonté du débiteur ( ) peut certainement avoir uneffet extraterritorial ».
(38) En ce sens : P. Mayer, op. cit, spéc p. 550, n° 82.
(39) En ce sens : J.-M. Jacquet, La norme juridique extraterritoriale dans lecommerce international, JDI, 1985, p. 381, n° 94.
(40) Ph. Fouchard, L'injonction judiciaire et l'exécution en nature : éléments dedroit français, Rev. Gén. Dr, 1989, p. 31 spéc. n° 23.
(41) H. Muir-Watt, op. cit., spéc. n° 12.
(42) Spécialement : J.-M. Jacquet, op. cit.
(43) Contra : J.-M. Jacquet, op. cit., p. 381, n° 94.
(44) R. Perrot et Ph. Théry, op. cit. n° 41.
(45) TGI Paris, réf., 20 nov. 2000, UEJF, LICRA et MRAP c/ Yahoo ! Inc. et Yahoo !France, précité. Le montant de l'astreinte, sans rapport avec le dommage subipar le créancier mais évalué selon les ressources du débiteur et sa capacitéde résistance, est indéniablement moins élevé lorsque son débiteur est un particulier.Comp. : TGI Paris, réf., 13 déc. 2001, Société Emmaüs c/ Eddy L.A.,CSI Alternative, SARL Uruk, Com. com. électr., mars 2002, comm. n° 50A. Lepage ; TGI Lyon, 28 mai 2002, SA Père-Noël. fr c/ Monsieur F.,Mademoiselle E.C. et SARL Deviant Network, Com. com. électr., janv. 2003,sous chron. n° 3, A. Lepage, « Liberté d'expression, responsabilité et forumsde discussion ». Dans la première affaire, un fournisseur de contenus illicites, nonprofessionnel, contraint de supprimer de son site tous propos dénigrants,a été condamné à une astreinte de 152 euros par jour de retard. Dans laseconde affaire, un fournisseur d'espace de discussion professionnel, hébergeantdes propos dénigrants, a été condamné à 800 euros par jour de retardet par infraction (propos dénigrants) constatée.
(46) Sur l'efficacité extra-territoriale de l'astreinte : R. Perrot et Ph. Théry,«Procédures civiles d'exécution », Dalloz, 2000, n° 41 : « Dans la mesure oùelle a pour but de faire pression sur la volonté du débiteur, elle peut certainementavoir un effet extraterritorial. Ainsi peut-on imaginer, dans un litige relatifà la vie privée, qu'un juge français ordonne sous astreinte le retrait d'une publication,où qu'elle soit publiée ». V. infra n° 403.
(47) Sur la décision rendue le 7 novembre 2001 par la Cour fédérale de Districtpour le District Nord de Californie : Com. com. électr., déc. 2001, veille dedroit anglo-américain par P. Kamina, n° 126.
(48) Ph. Théry, Rapport introductif : La notion d'exécution, in L'exécution, XXIIIeColloque des Instituts d'Études Judiciaires, 19-20 nov. 1999, L'Harmattan,p. 16 : « L'astreinte, en tant qu'elle constitue une contrainte ». Adde : Ch.Jarroson, Réflexions sur l'imperium, in Études offertes à Pierre Bellet, Litec,1991, p. 269 : « enjoindre et astreindre évoquent à n'en pas douter l'idée decommandement. Les injonctions et les astreintes doivent-elles pour autantêtre rangées dans l'imperium merum ». Pour qui l'astreinte relève de l'imperium: D. Denis, L'astreinte - Nature et évolution, th. Paris II, 1973 ; J.-HRobert, Les sanctions prétoriennes en droit privé français, th. Paris II, 1972,p. 260 ; S. Guinchard, «Droit processuel, droit commun et droit comparé duprocès», Dalloz, 2e éd., 2003, n° 784 : « le juge exerce l'imperium (...) lorsqu'ilprononce une astreinte ». Qualifiant l'astreinte de moyen de coercition :J. Béguin, Rapport sur l'adage « Nul ne peut se faire justice à soi-même endroit français », in Trav. Ass. H. Capitant, t. XVIII, 1967, p. 76.
(49) En ce sens : Ph. Théry, « Judex Gladii » (des juges et de la contrainte enterritoire français), in Nouveaux juges, nouveaux pouvoirs, Mélanges en l'honneurde Roger Perrot, Dalloz, 1996, p. 483, spéc. n° 16.
(50) En ce sens pour le prononcé de l'astreinte : Civ. 2e, 16 juill. 1992, JCP,1993, II, 22017, note Ph. Le Tourneau. Même analyse pour sa liquidation : Civ.2e, 17 déc. 1997, Bull civ. II, n° 319 ; JCP, 1998, IV, 1294 ; Avis Cass., 27 juin1994, Bull. civ. n° 18. : « Distincte d'une mesure d'exécution forcée, elle obéitdonc aux mêmes règles, quelle que soit la juridiction dont elle émane ». Adde :M. Fréjaville, La valeur pratique de l'astreinte, JCP, 1951, I, 910 ; Jarrosson,op. cit p. 272 : l'auteur souligne « Un argument récurrent permet de rattacherl'astreinte à la jurisdictio : il s'agit de constater que si le juge ordonne et liquideune astreinte, le débiteur peut encore résister et ne pas payer la somme liquidée.Afin d'aboutir à l'exécution effective de l'astreinte, il faudra comme pourl'exécution d'un jugement recourir à la force publique. C'est à ce seul stadeque l'on atteindra l'imperium merum. L'astreinte n'est donc pas un moyend'exécution forcée ». Comp. : Ph. Théry, op. cit., p. 23, observant que « ladécision est directement tributaire du comportement ultérieur de la personnecondamnée ».
(51) Ph. Théry, Rép. Dalloz International, v° Voies d'exécution, n° 22. Puisquel'astreinte a pour objet d'assurer le respect de la force exécutoire d'une décisionde justice, on doit admettre que l'astreinte ne peut être liquidée que parle juge de l'État dans lequel elle a été prononcée (en ce sens : R. Perrot et Ph.Théry, op. cit. n° 41). Et puisqu'il s'agit de sanctionner le respect dû au caractèreexécutoire de la décision, « le juge de l'État requis n'est pas chargé de fairerespecter l'imperium du juge du pays d'origine. En revanche, une fois liquidée,l'astreinte devient une créance ordinaire, susceptible après exequatur, d'êtreexécutée partout où le débiteur à des biens » (R. Perrot et Ph. Théry, op. cit.n° 41. S'interrogeant : S. Guinchard et T. Moussa, «Droit et pratique des voiesd'exécution», Dalloz action, 2004, n° 9983, l'auteur note que « de sa sourceconstitutionnelle, autant l'astreinte n'étant pas une mesure d'exécution strictosensu même si elle contribue d'une manière importante à l'exécution, ellepourrait a priori, bénéficier d'une certaine extraterritorialité. Il n'est cependantpas certain qu'une telle solution, à la supposer concevable, soit opportune :quel juge pourra liquider ou modifier l'astreinte ? Qu'adviendra-t-il dans lesÉtats où cette institution est inconnue ? ». Adde : Paris, 7 juill. 1992, D. 1992,IR, p. 226).
(52) CA San Francisco, 12 janv. 2006, Yahoo ! v. LICRA, 2006 US App. Lexis668 : «We may say with some confidence that, for reasons entirely independentof the First Amendment, the French court's orders are not likely to resultin the enforcement of a monetary penalty in the United States ».
(53) CA San Francisco, 12 janv. 2006, précité : «Even if the French court wereto impose a monetary penalty against Yahoo !, it is exceedingly unlikely thatany court in California - or indeed elsewhere in the United States - wouldenforce it. California's Uniform Act does not authorize enforcement of finesor other penalties. » Cal. Civ. Proc. Code § 1713.1 (2).
(54) CA San Francisco, 12 janv. 2006, précité : «There are a number of indicationsthat the French judgments are penal in nature. First, the word used bythe French court (astreinte) is consistently translated as penalty in therecord in this case. For example, the May 22 order provides that Yahoo ! andYahoo ! France are subject to a penalty of 100 000,00 euros per day of delayand per confirmed violation ( ) The November 20 order provides thatYahoo ! is subject to a penalty of 100 000,00 francs per day of delay ( )
(55) CA San Francisco, 12 janv. 2006, précité : «The French court held thatYahoo ! was violating Section R645-1 of the French Penal Code ».
(56) CA San Francisco, 12 janv. 2006, précité : «The penalties are payable tothe government and not designed to compensate the French student groupsfor losses suffered ».
(57) Req. 14 avril 1868, S. 1868, 1, 183.
(58) En ce sens : D. Foussard, « Entre exequatur et exécution forcée », Trav.com. fr. DIP, 1997, p. 175 ; L. Idot, op. cit., n° 516 ; Ch. Jarroson, op. cit., p. 245 spéc. n° 65 ; S. Clavel, op. cit. Contra : CA fédérale de San Francisco12 janv. 2006 : Yahoo ! v. LICRA 2006, US App. Lexis 668, *35, jugeant quel'astreinte est une peine financière dont l'exécution serait illicite aux États-Unis. Pour un commentaire de la décision américaine : L. Pech, L'affaireYahoo ! vue d'Amérique, RLDI mars 2006, p. 61 ; O. Hugot, L'affaire Yahoo !à l'épreuve du 9e circuit : tout vient à point à qui sait attendre, RLDImars 2006, p. 42.
(60) Dans un jugement déclaratoire, rendu le 7 novembre 2001, la Cour fédéralede District pour le District Nord de Californie a déclaré que la décision dujuge français imposant au fournisseur d'hébergement Yahoo ! de bloquer l'accès,aux seuls internautes français, à certaines pages web dont le contenu aété jugé illicite sur notre territoire national, ne pouvait pas être exécutée auxÉtats-Unis, car une telle décision violait les droits du prestataire américain,protégés par le Premier Amendement de la Constitution américaine. La Coura en effet estimé qu'elle ne pouvait pas « permettre l'exécution d'un jugementétranger qui viole les protections garanties par la Constitution des États-Unisen paralysant l'expression protégée qui prend place simultanément à l'intérieurde nos frontières. ( ) », et en a conclu que « l'obligation faite à cette Courd'appliquer le Premier Amendement l'emporte sur le principe d'application desdécisions étrangères » : Yahoo ! Inc. v. La LICRA, 145 F. Supp. 2d 1168, 1180(ND Cal. 2001). Dans cette affaire, la Cour fédérale américaine a détournél'exception d'ordre public de sa fonction, car la réponse apportée par les tribunauxfrançais ne troublait nullement l'harmonie juridique des États-Unis. Ladéfense des conceptions fondamentales du droit américain n'était, en l'espèce,ni légitime ni nécessaire puisque le juge français n'exigeait pas du prestataire,installé aux États-Unis, qu'il supprime certaines pages web mais qu'illes rende simplement inaccessibles à l'égard des seuls internautes français.La Cour fédérale américaine apparaît incontestablement comme un censeurdu juge français. V. cependant l'arrêt de la cour d'appel de San Francisco, du23 août 2004, infirmant la décision de la cour fédérale de District pour leDistrict Nord de Californie, du 7 novembre 2001. Il ne s'agit pas d'une décisionsur le fond. La Cour a estimé qu'elle n'était pas compétente pour arbitrerle contentieux entre Yahoo !, la LICRA et l'UEJF, en l'absence de toute actiondes deux associations françaises tendant à l'exécution de la décision françaiseaux États-Unis.