L'entrée en vigueur du Nouveau code des marchés publics (NCMP) est venue réviser les procédures d'acquisition des livres destinés aux bibliothèques par leurs collectivités gestionnaires. Or la philosophie générale du NCMP n'est pas toujours compatible avec les dispositions de la loi du 18 juin 2003 sur le droit de prêt, qui a mis fin aux dispositions ne soumettant pas au prix unique les achats de livres réalisés par les bibliothèques. Ainsi, le besoin de livres, produit homogène, doit désormais être défini au sein de la collectivité gestionnaire qui, compte tenu du plafonnement des rabais, aura à établir des critères de sélection autres que le prix.
LES BIBLIOTHÈQUES ET LEURS COLLECTIVITÉS gestionnaires ont été successivement confrontées à deux importantes modifications législatives qui ne seront pas sans conséquences sur leurs pratiques professionnelles. La première, issue de la loi du 18 juin 2003, met fin aux dispositions qui ne soumettaient pas au prix unique les achats de livres effectués par les bibliothèques. Cette loi a instauré un système qui interdit aux auteurs de s'opposer au prêt de leurs livres imprimés par les ...
Romain MARIÉ
Maître de conférences à l'IUT de Nancy 2 Membre de l'équipe de recherches ...
(2) Les bibliothèques accueillant du public sont définies par le décret du 31 août2004, JOdu 2 septembre 2004, p 15609.
(3) La part de la rémunération à la charge de l'État est fixée en fonction du nombred'inscrits dans les bibliothèques accueillant du public. L'arrêté du 12 août2005 ( JOdu 29 août 2005, p 15606) en a déterminé le montant pour l'année2005.
(4) Romain Marié, « Une oeuvre inachevée : le droit de prêt en bibliothèque »,Légipresse, N° 206, novembre 2003, p 135 à 140.
(5) Décrets du 7 janvier 2004 ( JOdu 8 janvier 2004, p 37003) et du 26 novembre2004 ( JOdu 30 novembre 2004, p 20310).
(6) Les grossistes pratiquaient des taux de rabais proches de 27 % pour la lecturepublique. Les rabais moyens consentis par les libraires aux bibliothèquesde lecture publique étaient de 17,7 % hors marché et de 22,7 % dès qu'il y avaitmarché public avec appel d'offres, Dossier de presse du Ministère de la Cultureet de la Communication.
(7) Les ventes aux collectivités représentent environ 1/5 du chiffre d'affairesdes librairies. Cette part s'élevait à 21,8 % en 1993 contre 18 % aujourd'hui,Dossier de presse du Ministère de la Culture et de la Communication.
(8) Pour la première année d'entrée en vigueur de la loi, le plafonnement desrabais était fixé à 12 %.
(9) « Sont considérés comme livres scolaires, au sens de l'alinéa 4 de l'article 3de la loi du 10 août 1981 susvisée, les manuels et leur mode d'emploi, ainsi queles cahiers d'exercices et de travaux pratiques qui les complètent ou les ensemblesde fiches qui s'y substituent, régulièrement utilisés dans le cadre de l'enseignementprimaire, secondaire et préparatoire aux grandes écoles, ainsi quedes formations au brevet de technicien supérieur, et conçus pour répondre àun programme préalablement défini ou agréé par les ministres concernés».
(10) Peut éventuellement échapper aux dispositions du NCMP, l'achat de livresanciens assimilables à des « objets d'arts qui, en raison de leur nature et deleurs caractéristiques, ne permettent pas la mise en oeuvre de procédures depublicité et de mise en concurrence» (art 3-11° NCMP).
(11) CAA Paris, 22 juin 2004, Commune Bussy Saint Georges. Est annulé unmarché passé par une commune ayant scindé des achats de prestations de servicesalors que ces derniers constituent une opération unique,www.legifrance.gouv.fr.
(12) JOdu 26 décembre 2001, p 20608.
(13) Au sein de cette nomenclature, les livres scolaires entraient dans la catégorie15.04, les livres non scolaires et documents imprimés en 15.05.
(14) Le niveau de prise en compte des besoins se situe normalement au niveaude la personne publique elle-même, appelée pouvoir adjudicateur en droit communautaire.Le choix de tout niveau inférieur doit être justifié par des élémentsobjectifs. La désignation d'une personne responsable du marché, par exempleun fonctionnaire si la délibération donnant délégation au maire l'a expressémentprévue, n'a en principe aucune incidence sur le niveau d'évaluation des besoins.
(15) La Direction du livre et de la lecture a invité, par circulaire du 1er août 1985,les bibliothèques locales et notamment les BDP à se désengager de l'activitéscolaire.
(16) CJCE, 5 octobre 2000, C-16/98, Commission des Communautés européennesc/ République française, www.curia.eu.int, La Cour de justice desCommunautés européennes a appliqué au marché de travaux la notion de fonctionéconomique et technique.
(17) Pour le détail de ces procédures, voir Laurent Richer, Le droit des contratsadministratifs, Paris, LGDJ, 2004, 4e édition, 677 p, N° 598, 636 et suivants.
(18) Articles 10, 27-III, 71-III NCMP.
(19) Littérature générale, livres documentaires, livres de fiction
(20) Pour une municipalité, cela peut être la bibliothèque municipale, les servicesmunicipaux, les écoles
(21) Est mis en place un double régime de déclaration applicable aux bibliothèqueset centres de documentation correspondant aux critères du décret du31 août 2004 ainsi qu'à leurs fournisseurs (librairies, éditeurs ).
(22) Dans cette hypothèse, la personne publique peut soit relancer un appeld'offre, soit, si les conditions initiales du marché ne sont pas modifiées, procéderà un marché négocié (Art 35-I NCMP).
(23) Aymeric Ruellan, « Les critères de choix des offres dans le nouveau Codedes marchés publics », Actualité Juridique Droit Administratif, N° 7, 23 février2004, p 378 à 381.
(24) CJCE, 7 octobre 2004, C-242/02, Sintesi SPA c/ Autorita per la Vigilanzasui Lavori pubblici, www.curia.eu.int. La Cour de justice des Communautéseuropéennes juge que les acheteurs publics ne peuvent retenir, pour le choixdes offres, le critère unique du prix que si un tel critère est, compte tenu del'objet et des spécificités du marché en cause, de nature à assurer une concurrenceeffective. Les règles de passation des marchés doivent permettre decomparer différentes offres et de retenir la plus avantageuse sur la base decritères objectifs.
(25) Les critères de choix des offres doivent être pondérés sauf si la personnepublique qui s'apprête à passer un marché peut justifier que cette pondérationn'est pas possible, CE, 7 octobre 2005, Communauté Urbaine Marseille ProvenceMétropole, www.legifrance.gouv.fr.
(26) Yves Alix, Marchés publics et acquisitions documentaires, Bulletin desBibliothèques de France, N° 1, janvier 2006, p 24 à 31.
(27) Art 1, décret du 10 janvier 1990, JOdu 20 janvier 1990, modifiant l'article 4du décret du 3 décembre 1981.
(28) La consultation des sites internet des collectivités locales et du Bulletinofficieldes annonces de marchés publics constitue une bonne base d'observation.L'article 80 NCMP impose la publication d'un avis d'attribution pour la procédurede l'appel d'offre.
(29) Cette impression est corroborée par une enquête menée en Rhône Alpesà l'initiative de la DRAC, de l'ARALD (Agence Rhône-Alpes pour le livre et la documentation),de Médiat Rhône-Alpes qui montre « un renforcement de la positiondes libraires de proximité ( ). Ceux qui ont le plus souffert du NCMP sontles diffuseurs et petits éditeurs qui se rendaient directement dans les bibliothèquespour vendre leurs livres, ainsi que les grossistes et grandes surfaces spécialisées». Élisabeth Mandallaz, Frédérique Morice, Synthèses des enquêtesconduites auprès des bibliothèques et des librairies de la région Rhône-Alpes :les conséquences de la loi sur le droit de prêt et du nouveau code des marchéspublics, www.arald.org/slibrairies.html.
(30) Le premier document à avoir soulevé cette question est l'oeuvre du ministèrede la Culture et de la Communication, Achats publics de livres : Vade mecumà l'usage des bibliothèques territoriales, Direction du livre et de la lecture,www.culture.gouv.fr/culture/sedocum/dll-cd.htm.
(31) CE, 29 juillet 1994, Commune de Vintenac en Minervois. L'implantationlocale de l'entreprise chargée d'exécuter les travaux n'étant pas une des conditionsde bonne exécution du marché, les motifs retenus, tirés de la nécessitéde favoriser l'emploi local et d'équilibrer les finances locales par l'acquittementde la taxe professionnelle, sont sans rapport avec la réglementation des marchés.www.legifrance.gouv.fr
(32) La Cour de cassation ne semble jamais avoir eu à exercer son contrôle surcette question. Voir par exemple CA Nancy, 15 octobre 1996, Contrats concurrenceconsommation,N° 142, 1997.
(33) Cass Com, 13 mars 2001, Bull. civ., IV, N° 59, p 56.
(34) CE, 30 janvier 1995, Société Viafrance, www.legifrance.gouv.fr.
(35) Même la procédure de l'article 28 NCMP, qui autorise à passer les marchésde travaux, de fournitures et de services d'un montant inférieur à 4 000 eurosHT sans publicité ni mise en concurrence préalables, invite à se montrer prudent.Jean-David Dreyfus, « Marchés de moins de 4 000 euros : le cadeauempoisonné fait aux acheteurs publics », Actualité Juridique Droit Administratif,10 janvier 2005, p 30 à 35.
(36) Article 71-I NCMP.
(37) Article 35-III-4° NCMP.
(38) On peut citer l'Association des bibliothécaires français (ABF), l'Associationdes directeurs de bibliothèques départementales (ADBD), l'Association des directeursde la documentation et des bibliothèques universitaires (ADBU), l'Associationdes directeurs des bibliothèques municipales et intercommunales des grandesvilles de France (ADBGV).