Une hypothèse d'interprétation : si l'illustration d'un fait d'actualité autorise l'image attentatoire à la vie privée, il en va différemment dans le cas où il ne s'agit que d'illustrer un débat de société.
DROIT À L'IMAGE, AU RESPECT de la vie privée, liberté d'expression, tel est le cocktail savoureux que nous propose cette affaire. Les décisions mêlant ces trois ingrédients de manière étroite sont suffisamment rares pour ne pas se désintéresser de ce breuvage.Un reportage télévisuel voulait illustrer les dangers de l'alcool au volant.On y voyait une personne, identifiable, endormie sur une table de discothèque.Le quidam prit mal l'amalgame fait et assigna France 2 télévision pour ...
Cour de cassation, 1re ch. civ., 21 février 2006, Société Nationale de télévision France 2 c/ M. X
Théo HASSLER
Avocat au Barreau de Strasbourg. Professeur des Universités
(2) P. Sergeant évoque « les contours incertains du droit à informer dans la sphère privée», inLégipresse2004.II., p. 1, « Les limites posées à la liberté d'informer dans le cadre de la vieprivée : la tentation de l'arbitraire ».
(3) Voir note Lepage in CCE 2006, n° 68.
(4) Le TGI de Paris a défini le lieu public comme étant un « lieu accessible à tous sans autorisationspéciale de quiconque, que l'accès en soit permanent et inconditionnel, ou subordonnéà certaines conditions, heures ou causes déterminées» (8 mai 1974, D1974, 530). C'est ainsiqu'une chambre d'hôpital est un lieu privé, Besançon 5 janv 1978, D1978, 375, note Lindon ;de même pour l'habitacle d'une voiture, TGI Lyon 29 août 1980, D1981, 507 ; etc
(5) La sphère vie privée n'englobe pas la vie professionnelle : voir par exemple Crim. 14 févr.2006 ; Civ. 1re 10 mai 2005, D2005.1380 ; Versailles 3 mars 2005, Légipresse2005.I.92.
(6) Préc, Bull. CassI, n° 42.
(7) Voir déjà Civ. 1re 23 avr 2003, D2003.1854, note Bigot (1er arrêt) : l'imputation de la liaisonpost divorce d'une célébrité avait été jugée licite, en tant que fait d'actualité. Cette imputationrelevant de la vie privée montre bien la prééminence, à l'époque, du droit à l'informationdu public puisque le divorce ayant été prononcé antérieurement, on voit mal ce qui relevaitencore du fait d'actualité.
(8) 25 nov 2004, Légipresse2005.I.6. Voir aussi Civ. 2e, 19 févr. 2004, Légipresse2004.III.88.
(9) Civ. 1re 7 mars 2006 ; voir aussi pour une affaire semblable plus ancienne un arrêt rendupar la 2e chambre civile de la Cour de cassation, 24 avril 2003, D2003, I.R. 1471.
(10) 24 juin 2004, Légipresse2004.I.126. En l'espèce un journal à sensation avait diffusé desimages d'une célébrité monégasque, non dans ses fonctions officielles, mais dans sa vie privée.Le harcèlement médiatique dont elle avait fait l'objet, ainsi que l'absence de contributionà un débat d'intérêt général, ont convaincu la Cour qu'il y avait atteinte à la vie privée.
(11) Dans cette affaire du 11 janvier 2005 (req n° 50774/99) la publication, lors d'une conférencede presse, de l'image d'une personne poursuivie pour des infractions pénales a été jugéecomme portant atteinte à la vie privée. Incontestablement la CEDH a procédé en l'espèce à uneappréciation large de ce qui participe à la vie privée. Voir aussi aff. Peck, CEDH 28 janv 2003,req. n° 44647/98.
(12) Point 14 II invitant les États à rendre les directeurs de publication responsables des atteintesà la vie privée.
(13) Faute de hiérarchie entre les articles 8 et 10 CEDH, la Cour européenne pèse les intérêtsau cas par cas et procède à une appréciation in concreto.
(14) Voir par exemple Civ. 2e, 11 déc. 2003, JCP2004.IV. 1282 ; Civ. 2e, 8 juill. 2004, Légipresse2005.I.6.
(15) TGI Paris 5 sept. 2005, Légipresse2006.I.5. Voir aussi les références citées par M. Auvret,« L'utilisation de la personnalité d'autrui », JCP2005.I.123, n° 3 et s.
(16) TGI Paris 14 mai 2003, Légipresse2004.III.157.
(17) TGI Paris 14 mai 2003, Légipresse2004.III.157.
(20) Civ. 1re, 7 mars 2006, JCP 2006.IV.1740, a validé une image illustrant un fait d'actualité :on y voyait l'épouse d'un policier tué en service lors des obsèques.
(21) Voir déjà Versailles, 14 févr. 2005 : illicéité de la photo d'une mère assistant au mariaged'une célébrité, sa fille, au motif que cette publication précise n'était pas un événement d'actualité.De même Versailles, 16 janv. 2003, Légipresse2003.I.106 : un article révélant une possiblemaladie héréditaire relève de la vie privée et ne se justifie pas par un fait d'actualité.
(22) Voir arrêt précité, note 17.
(23) Voir par exemple Civ. 1re, 27 sept. 2005, D 2006, 485, notre note. Pour des propos trèscritiques à propos de cette attitude d'exclusion de l'article 1382, voir Dreyer, « La fonction desdroits fondamentaux dans l'ordre juridique », D 2006, 748.
(24) Voir par exemple Civ. 1re 5 juill. 2005, Légipresse2005.III. 213, notre note.
(25) Il en va ainsi en ce qui concerne la présomption d'innocence (Civ. 1re, 21 févr. 2006, 1erarrêt, CCE2006, n° 68, note Lepage) ; il en va a fortioride même pour le respect de la vie privée.Contracependant Toulouse, 22 juillet 2004, CCE 2005, n° 74, note Lepage.
(26) « Le silence et la gloire », D 1951, chron, 99.
(27) 7 juillet 2005, CCE 2006, n° 52, note Lepage.
(28) C'est ce qu'a fait la CA de Paris : 31 oct 2001, D 2002, 2374, note L. Marino.
(29) Voir Derieux, « Responsabilité civile des médias. Exclusion de l'application de l'article 1382du Code civil aux faits constitutifs d'infractions à la loi du 29 juillet 1881 », CCE2006, doctr, n° 4.
(30) L'État doit assurer la prééminence du droit par l'établissement de lois précises, claires etaccessibles et qui définissent l'étendue et les modalités d'exercice du pouvoir d'appréciationafin d'éviter l'arbitraire, y compris dans les relations horizontales entre les particuliers : arrêtsMalone,CEDH, 2 avril 1984, req. 8691/79, Kruslin, req. 11801/85 et Huvig, 24 avril 1990,req. 11105/84 ; voir aussi l'arrêt Von Hanover.