LES RAPPORTS JURIDIQUES entre l'artiste-interprète et sa maison de disques revêtent bien des particularités.Le contrat d'enregistrement qui les lie en est un exemple constant. Doté de la double nature de contrat de travail (dit, en pratique, contrat d'engagement) et de cession de droits voisins (1), il est conclu entre deux titulaires de droits registrement contribue à embrouiller la situation qui se présente lorsque l'artiste souhaite mettre fin au contrat. C'est ce qu'illustre ...
Cour d'appel, Paris, 18e ch. sect. D, 12 avril 2005, Sté Universal Music c/ J.-P. Smet dit Johnny Hallyday
Patrick TAFFOREAU
Professeur à lUniversité de Nancy II, Membre du CRDP de Nancy II
(2) L'instrumentum unique, document contractuel, comporte deux negotiaou accords de volonté.
(3) Qui relèvent de l'ADAMI, Société pour l'administration des droits artistes musiciens interprètes.
(4) Nous nous permettons ce néologisme forgé à partir de l'expression droit d'auteur etconstatons avec bonheur que la cour d'appel de Paris adopte le même langage.
(5) Environ neuf et quinze ans.
(6) Sur celui-ci, v. Bouvery (Pierre-Marie), Les contrats de la musique, IRMA, 2e éd., 2003, nos 240 et s.; PessinaDassonville (Stéphane), L'artiste-interprète salarié, thèse MontpellierI dactylographiée, déc. 2004, nos 660et s, pp. 405 et s.; notre manuel, Droit de la propriété intellectuelle, préf. Ch. Caron, Gualino, 2004, n° 263et notre thèse, Le droit voisins de l'interprète d'uvres musicales en droit français, sous la dir. de A. Françon,Paris II, 1994, th. dactyl., nos 281 et s., pp. 248 et s.
(7) Dans le vocabulaire des droits voisins, la "fixation" est le premier enregistrement; la fixation d'une fixationcorrespondant à une "reproduction" (v. art. L. 212-3 CPI).7.V. Pessina Dassonville, op. et loc. cit.8.V. art. L. 122-4 et s. C. trav.
(10) Art. L. 122-3-8 C. trav.
(11) La cour a rejeté la demande en nullité de l'intimé.
(12) N'oublions pas que, en droits voisins, il n'y a pas d'interdiction de cession de droits sur desprestations futures, contrairement à l'art. L. 131-1 du CPI qui interdit la « cession globale d'uvresfutures». Le droit commun s'applique donc : la vente de chose future est licite.
(13) à la façon de l'obligation de la caution qui est déterminée pendant « la période de couverture» et qui subsiste malgré la fin de celle-ci, pendant « la période de règlement».
(14) V. Blanc-Jouvan, (Guillaume), L'après-contrat, PUAM, 2003, nos 70 et s. et 87 et s.
(15) Il s'agit pourtant, dans un spectacle, d'offrir au public d'autres interprétations des uvres(titres) enregistrées en studio. N'est-ce pas confondre uvre et interprétation?
(16) Cass. soc., 21 juin 2004, pourvoi n° 02-43793; Wekstein (I.), «Conséquences de la résolutionjudiciaire d'un contrat d'artiste prononcée à l'encontre de sa maison de disque », LP, n° 217-III, p. 213; Gautier (Pierre-Yves), Propriété littéraire et artistique, PUF, coll. «Droit fondamental »,5e éd., 2004, n° 108, p. 201.
(17) Comp., en droit d'auteur, le sort de l'uvre d'art vendue à un particulier : selon le ProfesseurGautier, l'acquéreur ne peut ni la détruire, ni l'altérer, même si le public n'y a pas accès, Manuel,op. cit., n° 139. V. aussi l'art. L. 121-5, al. 2, CPI en matière d'uvre audiovisuelle, qui pose : « Ilest interdit de détruire la matrice de cette version» (la version définitive visée à l'al. 1er).
(18) L'art. L. 213-1 CPI les définit comme toute « première fixation d'une séquence de son» ( sic:une suite comporte au moins deux éléments).
(19) De plus, en fait, il est auteur et non pas seulement interprète, ce qui peut avoir joué dans ladécision des juges : l'auteur doit avoir la maîtrise de ses uvres. V. art. L. 211-1 CPI.
(20) Gautier (Pierre-Yves), Manuel, op. cit., n° 109, p. 203.
(21) Sur son application aux droits des artistes-interprètes, v. Daverat (Xavier), L'artiste-interprète,thèse dactyl. Bordeaux I, 1990, notamment n° 81, p. 278; Gautier (Pierre-Yves), Manuel, op. cit.,n° 6; - Kahn (Anne-Emmanuelle), Juris-Classeur propriété littéraire et artistique, fasc. 1435, «Droitspatrimoniaux de l'artiste-interprète. Droit exclusif des artistes-interprètes », 2002, nos 39 et s. ;Lamy Droit des médias et de la communication, ss. la dir. de Christian Gavalda et de Pierre Sirinelli,n° 39-30, nov. 2002, par Denise Gaudel; - Linant de Bellefonds, Droits d'auteur et droits voisins,Dalloz, coll. «Cours», 2e éd., 2004, nos 959 et s. ; - Lucas (André et Henri-Jacques), Traité de lapropriété littéraire et artistique, Litec, 2e éd., 2001, nos 862 et 866; Pollaud-Dulian (Frédéric), Ledroit d'auteur, Economica, 2004, n° 1624 (application de la théorie du droit de destination).
(22) V. Francon (André), Cours de propriété littéraire artistique et industrielle, Les cours de droit, éd. Litec,1999, p. 242. Pour une récente application, v. Cass. civ. 1re, 25 janv. 2005, «Sonia Delaunay»; LP, n° 221-I, p. 64; D. 2005. AJ. 956, obs. Allaeys; RIDAn° 204, avr. 2005, p. 265; Propr. Intell.n° 15, avr. 2005, p. 164,n° 2, obs. A. Lucas (la donation d'un manteau dessiné par Sonia Delaunay, consentie par son fils, propriétairepar succession, à un musée, n'investit nullement le donataire des droits d'auteur). V. Benabou (Valérie-Laure), «Pourquoi une uvre de l'esprit est immatérielle», Rev. Lamy Droit de l'immatérieln° 1, janv. 2005,pp. 53 et s.; Berge (Jean-Sylvestre), Juris-Classeur propriété littéraire et artistique, fasc. 1130, «Nature dudroit d'auteur. Objet matériel», 2001 et jurisprudence citée in mise à jour 2005.
(23) V. Caron (Christophe) et Lecuyer (Hervé), Le droit des biens, Dalloz, coll. «Connaissance du droit»,2002, p. 43.23.V. la définition dans l'art. L. 213-1 CPI.
(25) Pas plus qu'elle n'est possible entre choses intellectuelles : Paris, 13 janv. 1993, D. 1993. IR. 90; surla question, v., déjà, Gautier (Pierre-Yves), «L'accession mobilière en matière d'uvres de l'esprit : vers unenouvelle querelle des Proculéiens et des Sabiniens», D. 1988, chron., p. 152.25.V. art. 571 C. civ.
(27) Terme employé dans les contrats entre studios d'enregistrement et leurs clients : v. Juris-ClasseurPropriété littéraire et artistique,anc. fasc. 560, «Documentation pratique. Studios d'enregistrements sonores.Conditions générales», 1985.
(28) Analogie avec l'art. L. 132-9, al. 3, CPI, selon lequel « Sauf convention contraire ou impossibilités d'ordretechnique, l'objet de l'édition fournie par l'auteur reste la propriété de celui-ci.». V. les affaires relativesaux photographes et, récemment, Cass. civ. 1re, 8 juin 2004, Faunières c/ Société Meunier promotion, pourvoin° B 02-13.096, Propr. intell. n° 13, oct. 2004, p. 915, obs. A. Lucas.
(29) V., par ex., Mazeaud, Chabas, Leçons de droit civil,T. I, premier vol., Introduction à l'étude du droit, 12eéd., 2000, nos 239 et s.; - Jourdain (Patrice), Les biens, Dalloz, 1995, nos 410 et s.
(30) Bouvery, op. cit., n° 300, p. 103; - Pessina Dassonville, op. cit., n° 669, p. 405.
(31) Cette clause, très répandue si ce n'est de style, a son pendant dans les contrats dits de licencepassésentre producteurs de phonogrammes et éditeurs de phonogrammes (fabricant qui vendra les exemplairesaux distributeurs), aux termes de laquelle « le producteur fournira à l'éditeur les bandes mères nécessairesà la reproduction des enregistrements objets des présentes »
(32) Autrement dit, l'artiste n'est pas possesseur mais simple détenteur et a donc l'obligation de restituerl'objet remis. Il pourrait cependant exercer un droit de rétention sur cet objet si son cocontractant n'exécutepas ses obligations (paiement des cachets, par exemple).
(33) Et, plus loin : « la cession des droits d'artiste-interprète n'a pas été affectée par la rupture du contrat du9 décembre 2002».
(34) Contrairement au droit d'auteur (art. L. 131-3, al. 1er, CPI), la loi n'exige pas que les contrats d'exploitationde droits voisins aient une durée déterminée. Mais ne devrait-on pas, une fois encore, appliquer ce principedu droit d'auteur, aux droits d'artiste-interprète?
(35) Par ex., cession stipulée pour une durée limitée : cinq ans, dix ans
(36) V. notre fascicule 1415, «Rapports entre droit d'auteur et droits voisins. Saisine de l'autorité judiciaire(C. propr. intell., art. L. 211-1 et L. 211-2)», déc. 2000, au Juris-Classeur Propriété littéraire et artistique.
(37) Il n'est pas transmis à l'artiste, qui n'a pas la qualité de producteur.