UNE FOIS N'EST PAS COUTUME, le jeu vidéo (uvre topique de l'environnement numérique, mêlant des outils informatiques et des créations de forme), a donné l'occasion à la Cour de cassation de rendre une décision importante pour le droit d'auteur. En l'espèce, la société Nouvelle Dpm avait mis en place un système de location de jeux vidéo Nintendo, sans l'autorisation du célèbre éditeur et fabricant japonais de consoles de jeux. Fort mécontente, Nintendo assigna le loueur ...
Cour de cassation, 1re ch. civ., 27 avril 2004, Sté Nouvelle DPM c/ Sté Nintendo
Frédéric SARDAIN
Docteur en droit, Avocat au Barreau de Paris Latournerie Wolfrom & Associés
(2) CA Paris, 4 juin 1999 : JCPE 2000, p. 840, n° 3, obs. M. Vivant et Ch. Le Stanc, qui a curieusementadmis l'existence d'un droit de location en se fondant sur le droit de représentation
(3) Ch. Caron, note sous Cass. 1re civ., 27 avr. 2004 : CCE 2004, comm. 84, p. 23.
(4) Cass. crim., 21 juin 2000. Sur cet arrêt, F. Sardain, «La qualification logicielle des jeux vidéo :une impasse pour le multimédia» (à propos de l'arrêt Midway) : JCPE 2001, p. 312.
(5) F. Gotzen, Het Bestemmingsrecht van de Auteur, Larcier, 1975, p. 397.
(6) Pour reprendre les termes de Desbois, Le droit d'auteur en France, Dalloz, 3e éd., 1978,n° 288.
(7) Qui, depuis les travaux du professeur Gotzen, a reçu le renfort d'une partie de la doctrinefrançaise, notamment de F. Pollaud-Dulian, Le droit de destination, le sort des exemplaires endroit d'auteur, Lgdj, 1989. V. aussi Th. Desurmont, « Le droit de l'auteur de contrôler la destinationdes exemplaires sur lesquels son uvre se trouve reproduite» : RIDA, août 1987, 2.
(8) A. Lebois, « Le droit de location et la structure des droits patrimoniaux : la théorie du droitde destination bousculée» : D.2002, p. 2322, n° 21 ; V. également A. Lebois, «Droit de reproduction» : J.-Cl. «Propriété littéraire et artistique », fasc. 1246, août 2004, p. 19, spéc. n° 66.
(9) En ce sens, F. Pollaud-Dulian, op. cit., n° 729 : « L'auteur peut adapter son droit à la diversitédes exploitations aussi bien qu'à leur mutation».
(10) Directive 92/100, 19 nov. 1992.
(11) Rép. Min. 9 août 1999, JOAN Q, 27 sept. 1999, p. 5601.
(12) Selon l'expression de A. et H.-J. Lucas, op. cit., p. 219, n° 252.
(13) Comp. Traité OMPI, 20 déc. 1996 et l'annexe III de l'Accord de Marrakech des AccordsADPIC, du 15 avril 1994, qui adoptent incontestablement une conception analytique des droitspatrimoniaux de l'auteur.
(14) Dir. 2001/29 du 22 mai 2001 : JOCE n° L167, 22 juin 2001, p. 10. Comp. toutefois laposition de Mme Hélène de Montluc, chef du bureau de la propriété littéraire et artistique auMinistère de la Culture, selon laquelle le droit de distribution prévu par l'article 4 de cette directiven'a pas besoin d'être transposé car « ce droit est prévu par le Code de la propriété intellectuelleà l'article L. 131-4, qui confère à l'auteur le droit de contrôler les modalités de distributionde leurs uvres (droit de destination)» : Compte-rendu de séance du CSPLA, 4 oct.2001, p. 12.
(15) Il nous semble toutefois que l'existence d'un droit de location en matière de logiciel (outilrégi par un droit fonction) ne permet d'inférer aucune conséquence quant au régime devantgouverner les uvres de l'esprit régies par un droit éminemment personnaliste. Sur la question,V. F. Sardain, Du droit du multimédia au droit de l'unimedium : Droit des technologies avancées,vol. 8, 2001/2. Contra, A. Lebois, loc. cit.
(16) Ch. Caron, loc. cit., p. 23. Comp. J. Daleau, obs. sous Cass., 1re civ., 27 avril 2004 :D.2004, p. 1528 : « La qualification de l'uvre n'est pas le point le plus important de cettedécision, pourtant la solution ici retenue peut laisser perplexe quant à l'interprétation que lesmagistrats font ensuite du droit de location». Et l'auteur d'ajouter : « Une fois la question dela qualification du jeu vidéo réglée et le choix de l'uvre logicielle affirmé, la location de tellesuvres ne semble pas poser de problème particulier, un texte spécial étant prévu à cet effet».
(17) Ch. Caron, loc. cit., p. 23 : « En d'autres termes, l'originalité du logiciel ne réside pas dansle code source mais dans ses interfaces graphiques. La très contestable jurisprudence Midwayest donc confirmée».
(18) « Mais attendu que c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain que, relevant que lesspécifications externes, l'expression télévisuelle et l'enchaînement des fonctionnalités des logicielsde chacun des jeux concernés témoignaient d'un effort créatif portant l'empreinte de lapersonnalité de leurs créateurs, la cour d'appel a estimé que ces logiciels présentaient uncaractère original».
(19) Cass. 1re civ., 28 janv. 2003, Casaril c/ Havas interactive : D.2003, p. 1688, note F. Sardain;Propriétés intellectuelles, avril 2003, p. 159, note crit. P. Sirinelli.
(20) P. Sirinelli, loc. cit. Ch. Caron, loc. cit. F. Pollaud-Dulian : RTD Com. juill./sept. 2004,p. 484.
(21) Pour reprendre l'intuition du professeur Caron (loc. cit.).
(22) En attendant la transposition définitive de la directive du 22 mai 2001.
(23) Bien que l'enjeu de l'arrêt Midway (tout comme celui du présent arrêt) n'ait nullement étéde qualifier juridiquement le jeu vidéo mais, beaucoup plus prosaïquement, de caractériser unecontrefaçon. En d'autres termes, il s'agissait pour la Chambre criminelle, d'une banale affairede contrefaçon qui, à ce titre, n'a jamais eu les honneurs d'une publication au Bulletin, ce quin'est pas insignifiant (en ce sens, V. déjà P. Sirinelli, loc. cit., F. Pollaud-Dulian, loc. cit., F. Sardain,loc. cit.).
(24) F. Pollaud Dulian, RTD Com. juill./sept. 2004, p. 484.
(25) On relèvera, à cet égard, que la formule de l'arrêt (« effort créatif portant l'empreinte dela personnalité de leur créateur») procède d'un curieux mélange entre la définition classiquede l'originalité et celle adoptée en matière de logiciels depuis l'arrêt Pachot Sans doute fautily voir un signe du malaise des juges à évaluer l'originalité d'un logiciel à travers ses « expressionstélévisuelles»
(26) V. déjà Cass. 1re civ., 2 mai 1989, Coprosa : JCPG 1990, II, 21392, obs. A. Lucas.
(27) C'est en cela, précisément, que l'appréciation relève du pouvoir souverain des juges dufond.
(28) Dirigée par V.-L. Bénabou et J. Martin, V. Légipresse, déc. 2004, IV, p. 92.
(29) P. Sirinelli, Propriétés intellectuelles,juill. 2004, p. 770.
(30) X. Linant de Bellefonds, « Jeux vidéo : le logiciel gagne des points» : CCE 2003, chron.20, p. 9. Le présent arrêt semble d'ailleurs s'inscrire dans une tendance de fond des décisionsactuellement rendues par la 1re chambre civile en matière de créations informatiques complexes.Comp. en matière de saisie contrefaçon d'une base de données, Cass. 1re civ., 20 janv.2004 : JCPE 2004, 1770, p. 1925, obs. F. Sardain.