Le système juridique français est bâti sur la volonté d'empêcher que le juge soit en demeure d'arbitrer des débats idéologiques. Cette tendance à la non-confrontation du juge avec l'idéologie est une orientation majeure du droit de la presse, essentiellement lors des procès en diffamation. Cet objectif participe des mesures de protection de la liberté d'opinion et d'expression, aux fins de prévenir toute dérive vers la censure. Mais en dépit de cette stratégie "d'évitement", il existe toutefois des hypothèses de rencontres assumées avec l'idéologie, tant dans l'appréciation par le juge de l'atteinte à l'honneur que de la bonne foi.
Nathalie Mallet-Poujol
Directrice de recherche au CNRS – ERCIM, UMR 5815 – Université de ...
(2) Cet article a été retravaillé à partir d'une intervention sur Le regard du jugesur l'idéologie en droit de la presse, lors du Colloque sur L'idéologie dans lesdiscours, organisé par le professeur Paul Siblot - UMR 5475 - à Montpellier, ennovembre 2002.
(3) Compte tenu du volume du corpus de décisions, nos propos se limitent aucontentieux judiciaire français et privilégient les procès en diffamation venanten cassation, délaissant à contrecur les affaires de provocation à la discriminationet à la haine raciale, de négationnisme, d'apologie de crimes ou encoreles délits d'offenses.
(4) Civ. 2°, 16 nov. 1988 : Bull. civ. I, n° 219.
(5) Crim. 26 mai 1987 : Bull. n° 217.
(6) CA Paris, 16 déc. 1998 : Légipresse, mars 1999, n° 159. III. 35.
(7) Préambule de la loi du 29 juillet 1881 : D. 1881, 4° partie, p. 66.
(8) Art. 41 de la loi de 1881.
(9) Crim. 6 mars 1974 : Bull. n° 96.
(10) Crim. 26 mai 1987 : Bull. n° 217.
(11) Crim. 8 oct. 2002 : Juris Data n° 016652.
(12) V. sur l'imputation d'être une secte abominable, Crim. 28 avr. 1998 :Légipressenov. 1998, n° 156. III. 149.
(13) Crim. 16 mars 2004 : JCP2004. IV. 1823 ; Légipressemai 2004, n° 211. I. 59
(15) Crim. 5 mars 2002 : JCP 2002. IV. 1754 ; Légipressejuill. 2002, n° 193.III. 119.
(16) Crim. 3 déc. 2002 : Bull. n° 218 ; D. 2003. IR 253 ; JCP2003. IV. 1249.
(17) V. aussi, à propos d'injures raciales contre des harkis, l'exigence que lespersonnes soient visées en raison de leur origine religieuse ou ethnique et nonen raison de leur choix politique : Crim. 12 sept. 2000 : Légipressedéc. 2000,n° 176. III. 214.
(20) V. Bertrand de Lamy, La liberté d'opinion et le droit pénal, LGDJ 2000,n° 357 ; V. aussi, Y. Baudelot, Droit et polémique, Légipresse, juin 1999, n° 162.I. 71 ; D. de la Burgade, « La physionomie de la notion de diffamation politique »,Les Petites affiches, 24 janv. 1997, n° 11, p. 13.
(21) Sauf raccourcissement des délais prévu à l'article 54 de la loi de 1881.
(22) Crim. 23 mars 1978 : Bull. n° 115.
(23) CA Paris, 12 févr. 1986 : Juris Data n° 020069.
(24) Civ. 2°, 3 juill. 1991 : Bull. civ. I, n° 202, sur un second pourvoi après Civ.2°, 16 nov. 1988 : Bull. civ. I, n° 219.24.Crim. 16 mars 2004 préc. ; V. aussi Crim. 29 nov. 1994 : Bull. n° 381 ;Crim. 28 avr. 1998 : Légipresse, nov. 1998, n° 156. III. 148.
(26) CA Paris, 15 mai 2003 : Légipresse, sept. 2003, n° 204. III. 135, noteDupeux.
(27) Cette analyse prospère également sur le terrain de l'injure, V. Civ. 2°, 10juill. 1996 : D. 1998, somm. 85, obs. Bigot ou de la faute civile, V. Civ. 2°, 7 juill.1993 : Bull. civ.I, n° 252.
(28) Crim. 14 janv. 2003 : Juris Data n° 018130 ; Légipresse, avr. 2003, n° 200.I. 4028.
(29) V. CEDH 24 févr. 1997, De Haes et Gijsels/Belgique, att. n° 47, à proposde reproches de partialité, formulés contre des magistrats, lesquels « s'analysenten une opinion ».
(30) Crim. 23 mars 1978 : Bull. n° 115.
(31) V. cependant, sur la polémique portant sur les intérêts fondamentaux d'unÉtat, même étranger : Civ. 2°, 28 nov. 1984 : Bull. civ.I, n° 178.
(36) V. Civ. 2°, 23 mai 2001 : Petites affiches, 13 juill. 2001, n° 139, p. 25, noteDerieux.
(37) V. CA Paris 28 sept. 1995 : Légipresse, mars 1996, n° 129. III. 19, quiconsidère « quadmettre la preuve de la vérité de la diffamation raciale seraitcontraire à la volonté nettement exprimée par le législateur qui a précisémentvoulu interdire ce genre de démonstration ».
(38) CA Aix en Provence, 7 janv. 1993 : Juris Data n° 040945.
(39) Crim. 2 juill. 1975 : Bull. n° 174.
(40) Crim. 7 nov. 1989 : Bull. n° 403.
(41) Crim. 15 oct. 1985 : Bull. n° 314.
(42) Civ. 2°, 28 fév. 1990 : Bull. civ.I, n° 47.
(43) Crim. 15 oct. 1985 : Bull. n° 314.
(44) V. Crim. 18 oct. 1994 : Juris Data n° 002788 ; Dr pénal1995, comm. 35 ;V. aussi Crim. 15 mars 1983 : Bull. n° 81 ; V. aussi Crim. 10 fév. 1987 : Bull. n° 68.
(52) V. aussi, sur l'imputation d'appartenance à la franc-maçonnerie jugée nondiffamatoire et ne le devenant qu'avec le fait d'insinuer que le déroulement d'uneenquête judiciaire a été entravé pour des raisons de solidarité maçonnique, CAParis, 27 févr. 2003 : Com. com. élec. oct. 2003, Comm. n° 101, note Lepage ;Légipresse, mai 2003, n° 201. I. 58.
(53) CA Paris, 3 févr. 2000 : Juris Data n° 111413 ; Légipresse, mai 2000,n° 171. I. 53 ; V. aussi sur l'imputation d'être un cryptocommuniste notoire quifit scandale en Suède, Crim. 19 juin 1957 : Bull. n° 508.
(54) Civ. 2°, 10 juin 1999 : Légipresse, oct. 1999, n° 165. III. 14.
(55) Crim. 10 févr. 1987 : Bull. n° 68.
(56) Crim. 3 déc. 2002 : Bull. n° 217 ; V. aussi, sur l'allégation de pratiquer lesalut hitlérien, Civ. 2°, 23 mai 2001 préc. ou sur l'allégation de cautionner le nettoyageethnique, CA Paris, 17 janv. 1996 : Juris Data, n° 020082.
(57) Crim 22 mai 1990 : Bull. n° 211 ; V. aussi Crim. 16 déc. 1986 : Bull. n° 374.57.V. récemment, Crim 27 févr. 2001 : Juris Data n° 009120 ; CA Paris, 31oct. 2001 : Légipresse, déc. 2001, n° 187. I. 148 ; CA Lyon 25 janv. 2001 :Juris Data n° 134570 ; CA Paris, 30 janv. 1989 : D.1989. IR. 66.
(59) Crim. 7 nov. 1989 : Bull. n° 403 ; TGI Paris, 13 sept. 1999 : Légipresse,nov. 1999 : n° 166. I. 130 ; CA Paris, 28 juin 2000 : Juris Data, n° 128073
(60) V. Crim. 14 juin 2000 : Juris Data n° 003094.
(61) V. sur les thèses négationnistes à l'encontre des valeurs fondamentalesde la Convention, CEDH 24 juin 2003 : D.2003. IR. 2283 ; D.2004. J. 239,note Roets.
(62) Crim. 26 mai 1987 : Bull. n° 217.
(63) CA Paris, 12 févr. 1986 : Juris Data n° 20069
(65) Civ. 2°, 24 juin 1998 : Bull. civ. I, n° 212.
(66) V. TGI Paris, 6 déc. 2000 : Légipresse, janv-févr. 2001, n° 178. III 10, soulignantqu'être « partisan d'une solution quelconque, c'est prendre parti pourune doctrine, défendre une opinion, ce n'est pas nécessairement traduire cellecien actes».
(67) Crim. 12 juin 1978 : Bull. n° 191.
(68) V. aussi, Crim. 3 déc. 2002 : Bull. n° 217.
(69) V. cependant Civ. 2°, 15 janv. 1997 : Bull. civ. I, n° 6 ; V. aussi CA Paris,28 juin 2000 préc. ; CA Paris, 17 janv. 1996 préc.
(70) V. cependant, sur une dispense de peine en raison du combat emblématique,TGI Paris, 20 juin 2002 : Légipressedéc. 2002, n° 197. I. 147.
(83) V. CEDH 23 mai 1991, Oberschlick/Autriche, att. n° 61 ; V. CEDH 23 sept.1994, Jersild/Danemark, att. n° 31.
(84) CA Paris, 28 mars 2001 : Juris Data n° 148035.
(85) V. par exemple, la déclaration sur la Liberté du discours politique dans lesmédias du Comité des ministres du Conseil de l'Europe du 12 février 2004 :Légipresse, mai 2004, n° 211. IV. 35.