LE MONDE DU SPECTACLE : un monde sans foi ni loi, diriezvous ? C'est sans compter la loi du contrat, lien omniprésent entre tous les protagonistes du milieu. Si les artistes partent à la chasse aux cachets, normalement réservée à leur agent artistique, gare au mépris des règles de la chasse ! C'est ce que rappelle le tribunal de grande instance de Nice dans cette décision.L'agent artistique : une profession réglementée L'agent artistique a pour fonction de représenter l'artiste, ...
Tribunal de grande instance, Nice, 4e ch. civile, 23 octobre 2003, Consorts Betti (Priscilla) c/ SARL Corin'Art
Anne-Catherine LORRAIN
Doctorante en Droit de la propriété intellectuelle, CERDI (Centre d'Études et ...
(2) Sur l'agent artistique, voir D. Veaux, Contrats en matière de spectacles, J.-Cl. Droit commercial Contrats de distribution, fasc. 785 (1996), spé. n° 27 ; P.-M. Bouvery, Les contratsde la musique, 2e éd., IRMA, 2003, n° 707 et suivants.
(3) On appelle placement l'acte d'entremise entre l'offre et la demande d'emploi. Le placementest en principe gratuit (art. L. 310-2 du code du travail). L'agence artistique, qui fonctionne entant que bureau de placement à but lucratif, est une dérogation à cette règle de la gratuité.Cette spécificité du placement payant des artistes-interprètes a été reconnue par une loi du26 décembre 1969 (loi n° 69-1185, JO30 décembre 1969) modifiée par une ordonnance du26 décembre 1986 (ordonnance n° 86-1286, JO 21 décembre 1986) et par une loi du31 décembre 1992 (loi n° 92-1446, JO1er janvier 1993). Sur l'activité de placement, notammentle placement d'artistes, voir Ch. Willmann, Placement et recrutement, J.-Cl. Droit du travail,vol. 2, fasc. 17-10 (2002), spé. n° 98 à 100 et J. Pelissier, A. Supiot et A. Jeammaud,Droit du travail, Précis Dalloz, 20e éd., 2000, n° 146 et suivants.
(4) Sur l'encadrement de la profession d'agent artistique avant la loi de 1969 (précitée), voirG. Lyon-Caen, note sous CA Paris, 19 avril 1961, Dalloz 1961, p. 632.
(5) Cette licence est délivrée, pour une durée d'un an (renouvelable par tacite reconduction),par arrêté du ministre du travail, après avis de la commission consultative créée à cet effet(articles R. 762-2 et suiv. du code du travail). Outre la prononciation de la nullité des contratsconclus, l'exercice sans licence de la profession d'agent artistique est puni d'une peine decontravention (article R. 796-2 du code du travail).
(6) Voir Cass. crim., 11 juin 1953, Dalloz Sirey 1954, t. 1, p. 61 et Trib. civ. Seine, 19 mai 1956,Dalloz 1956, Somm., p. 160, Gaz. Pal., 1956, 2, p. 66.
(7) Concernant un orchestre, voir notamment Cass. crim., 14 avril 1992, Delannoy c/ Laros, Bull.crim., n° 164, JCPG., 1992, IV 2662. Un agent artistique peut à la fois représenter un groupe ouun orchestre et des membres de la formation concernée pour leur carrière individuelle.
(8) La question de savoir ce que l'on entend par « rémunération de l'artiste» afin de déterminerl'assiette de la rémunération de l'agent est parfois débattue. L'article 1er de l'arrêté du22 octobre 1973 apporte une précision : sont pris en compte les cachets et les appointementsmensuels de l'artiste. Les usages admettent toutefois que, à défaut de texte contraire, l'agentpeut percevoir sa commission sur d'autres rémunérations provenant soit directement de l'utilisationdes prestations de l'artiste (par exemple, les redevances issues de phonogrammes ducommerce) soit indirectement (les redevances collectées auprès des sociétés de gestion collectiveau titre de la rémunération équitable et de la copie privée ; l'ADAMI est d'ailleurs à cejour la seule société de gestion qui ait institué, en partenariat avec le SNAAL (Syndicat nationaldes agents artistiques et littéraires), une procédure de versement direct des redevances aubénéfice des agents artistiques). Certaines sommes sont exclues de l'assiette de la rémunérationde l'agent : les remboursements des frais professionnels engagés par l'artiste (indemnitésde déplacement, d'hébergement et de restauration).
(9) Voir notamment CA Paris, 19 sept. 1991, Lance Productions c/ N'Guyen, Dalloz, 1991, inf.rap., p. 232.
(10) Voir notamment TGI Paris, 4 fév. 1981, P. de Chateleux c/ Sté Artmédia Variétés, RIDA, avr.1982, n° 112, p. 132.
(11) Ce contrat-type (signé en 1973) est reproduit dans l'ouvrage de P. M. Bouvery, op. cit.,p. 332.
(12) Cass. com., 22 mai 1991, Anne c/ Larry Tornko ( Bull. civ.IV, n° 173, JCP G., 1992, t. 2,II 21 866, note Y. Saint-Jours) : « L'agent artistique[ ] agit non comme un mandataire[de l'artiste]mais en qualité d'intermédiaire et, comme tel, est seul tenu des engagements qu'il prendà l'égard des tiers ». Comme le note Y. Saint-Jours, la Cour ne s'est pas arrêtée au sens littéraldu terme « mandat» visé par le code du travail, mais à la nature de l'activité exercée parl'agent artistique, dont la profession strictement réglementée participe du service public du placementde main d'uvre. Selon la Cour, l'agent assume à ce titre une prestation de serviceet non la représentation de l'artiste, ce qui lui confère la qualité d'intermédiaire et non de mandataire.Certes, la qualité d'intermédiaire n'exclut pas qu'ils puissent recevoir des mandats,mais de tels mandats ne se présument pas dans le cadre de l'article L. 762-3 du code du travail.Si cet arrêt a eu le mérite de lever une ambiguïté juridique planant sur l'utilisation du termede « mandat» par le code du travail, il a cependant mis en doute les termes de la loi, qui n'ontd'ailleurs pas été modifiés depuis cette décision, ainsi que la jurisprudence qui se réfère constammentau mandat.
(13) V. CA Paris, 7 nov. 1984, Gaz. Pal.1985, 1, somm., p. 179 : « Les bureaux de spectaclesont des agents artistiques régis par la loi du 26 décembre 1969[ ] dont le rôle est de mettreen rapport[ ] des artistes avec un employeur pour l'organisation de spectacles. Ces agentsartistiques ne peuvent, en raison de leur statut, être les employeurs des artistes dont ils assurentle placement[ ] ils ne[sont] que des intermédiaires [ ] ».
(14) V. loi du 12 juillet 1990 (cf. articles 211-6 et suivants du code du travail).
(15) Cf. contrat SFA/SNAAL, précité, article 1er.
(16) Voir notamment CA Paris, 19 avril 1961 (précité), Dalloz 1961, p. 631, note G. Lyon-Caenet TGI Paris, 4 fév. 1981 (précité), RIDA avr. 1982, p. 132.
(18) Cf. G. Lyon-Caen, innote sous CA Paris, 19 avril 1961 (précitée).
(19) Voir TGI Paris, 3e ch., 2 novembre 1988, M.C. Redoules c/ M.R. Fassier, Cahiers du Droitd'Auteur, février 1989, p. 13.
(20) Contrat SFA/SNAAL, précité note n° 10.
(21) Cf. note sous CA Paris, 19 avril 1961 (précitée), décision par laquelle le juge a rejeté lademande de l'artiste tendant à annuler le contrat d'agent artistique : « Une agence de placementqui s'est réservé un monopole sur le travail d'un artiste bénéficie d'une véritable renteassurée ; non seulement elle ne s'expose à aucune condamnation à dommages-intérêts si ellereste inactive, mais elle peut obtenir une substantielle indemnité si le client, qui n'est pasdemeuré inactif, trouve du travail par ses propres efforts.»