Le mécanisme de licence légale posé par l'article L. 214-1 CPI a facilité pendant de nombreuses années les rapports entre artistes-interprètes, producteurs de phonogrammes et chaînes de télévision, pour l'utilisation par ces dernières des phonogrammes du commerce. La simplification qui en résultait, tant au niveau des autorisations que des rémunérations, est aujourd'hui remise en cause par la jurisprudence. La position récente de la Cour de cassation crée une véritable incertitude juridique quant à l'utilisation de phonogrammes à la télévision et bouleverse un fragile équilibre entre les parties en présence. Elle appelle une intervention du législateur.
LA LOI DU 3 JUILLET 1985 a consacré les droits patrimoniaux des auxiliaires de la création musicale : l'artisteinterprète et le producteur de phonogramme. Conscient que la multiplication des ayants droit pouvait être un frein à la diffusion des oeuvres musicales, le législateur imposa, simultanément, une licence légale devant limiter les obstacles à l'exploitation des oeuvres incorporées dans un phonogramme. Cette disposition, aujourd'hui codifiée à l'article L. 214-1 du CPI, ...
Nicolas BINCTIN
Professeur agrégé des Facultés de Droit, Université de Poitiers - CECOJI
(2) La SPRE : société civile pour la perception de la rémunération équitable de lacommunication au public des phonogrammes du commerce.
(3) Cass. civ. 1, 29 janv. 2002, Sté France 2 c/ Sté Emi, LPn° 190-III, p. 45,com. Ch. Alleaume ; Comm. Comm. élect., mars 2002, comm. 36 p. 21, noteCh. Caron. Voir aussi le même jour, la même chambre, aff. n° 98-10631, DaftPunk : « Attendu que la cour d'appel, statuant en référé, a pu retenir que l'utilisationd'extraits d'oeuvres musicales, modifiées pour les intégrer[accentuépar les auteurs] à des bandes annonces diffusées par la société detélévision France 2 à des fins publicitaires pour ses propres programmes,constituait une altération de ces oeuvres et un détournement de leur finalité,portant manifestement atteinte autant au droit moral des auteurs qu'au droitdes producteurs de phonogrammes, dont l'autorisation était requise selon lerégime défini par les articles L. 213-1 et L. 214-1 du CPI ».
(4) En ce sens, sur le principe d'interprétation restrictive, P.-Y. Gautier, Propriétélittéraire et artistique, 4e éd. PUF 2001, n° 22.
(5) En ce sens, P.-Y. Gautier, op. cit., n° 149 et 150.
(6) Dictionnaire comparé du droit d'auteur, M. Cornu, éd. CNRS Éditions 2003,v. Vidéogramme: enregistrement sur un support de séquences d'images sonoriséesou non.
(7) Dictionnaire, op. cit., v. OEuvre dérivée : oeuvre de l'esprit à laquelle est incorporée avec ou sans adaptation une oeuvre préexistante sans la collaborationde l'auteur de cette dernière. En tant que nouvelle oeuvre, elle donne priseà des droits d'auteur distincts de ceux portant sur l'oeuvre première. Est diteaussi, oeuvre composite ou seconde.
(8) En ce sens, M.-A. Roux, « La diffusion d'un duo virtuel à la radio ne relèvepas du régime de la licence légale », Légipresse, mai 2002, n° 191-III, p. 72.
(9) Voir, Ch. Alleaume, « La licence légale en quête de sens », Légipresse,avril 2002, n° 190-III p. 48 ; X. Buffet Delmas d'Autane et A.-C. Viala, « Évolutionrécente du droit français sur le régime de la reproduction de phonogrammesdu commerce préalablement à leur radiodiffusion », D.2002, chron. p. 3195.
(10) Article L. 122-3 CPI : « fixation matérielle d'une oeuvre par tous procédés quipermettent de la communiquer au public d'une manière indirecte».
(12) Convention internationale sur la protection des artistes-interprètes ou exécutants,des producteurs de phonogrammes et des organismes de radiodiffusions,Rome, 26 oct. 1961, entrée en vigueur le 3 juillet 1987, publiée par Déc.n° 88-234 du 8 mars 1988.
(13) A.-J. et H. Lucas, Traité de la propriété littéraire et artistique, 2e éd. Litec2001, n° 1155.
(14) Avant-projet de loi, article 1er et 2e, débattu par le CSPLA transposant ladirective 2001/29/CE sur l'harmonisation de certains aspects du droit d'auteuret des droits voisins dans la société de l'information.
(15) CA Paris, 4e ch., 27 sept. 2002, aff. SCPP c/. Multiradio.
(16) CA Paris, 29 septembre 1999, Gaz. Pal. 19-20 juill. 1999, obs. B. deRoquefeuil ; voir aussi CA Paris, 16 janv. 2002, Légipresse, mai 2002, n° 191-III, p. 72, note M.-A. Roux.
(17) En ce sens, M.-A. Roux, op. cit., spéc. p. 76.
(18) Contra, F. Plan, « Phonogramme du commerce et licence légale en télévision», Légipressen° 140, avril 1997, chron. p. 40, spéc. n° 3.
(19) Cass. civ. 1, 29 janv. 2002, précité.
(20) En ce sens, X. Buffet Delmas d'Autane et A.-C. Viala, op. cit.
(21) CA Paris, 9 mai 2001, Comm. Comm. élect., sept. 2001, comm. 86, p. 18,note Ch. Caron.
(22) P.-Y. Gautier, Propriété littéraire et artistique, 4e éd. PUF 2001, n° 104,p. 171.
(23) TGI Nanterre, 5 nov. 1997 aff. Johnny Clegg, EMI c/ TF1, Légipressen° 149, mars 1998, III p. 26.
(24) CA Versailles, 28 sept. 2000, Légipressen° 178-III, janv. 2001, p. 1, noteA. Vallette.
(25) CA Versailles, 12e ch., 17 janvier 2002, TF1 c/. Universal Music, Légipressen° 190-III, avril 2002 p. 47 ; Versailles, 17 janvier 2002, TF1 c/ Sté Universal ;et, JCP2003 E 1508
(26) Cass. civ. 1, 29 janvier 2002, Daft Punk c/ France 2 ; Référé 21 mars 1997;CA Paris, 24 septembre 1997, Légipresse, n° 149-III, p. 33, note A.-M. Pecoraroet V. Hassid.
(27) Cass. civ. 1, 29 janvier 2002, Sté France c/Sté EMI, précité.
(28) Cass. Civ. 1, 19 novembre 2002, TF1 c/ HR Music/ Johnny Clegg/ Emi.CA Versailles, voir supra.
(29) La Cour de cassation n'a pas encore eu l'occasion de trancher cette question,on attend sa position sur le sujet concernant le pourvoi en cassation del'arrêt du 9 mai 2001.
(30) Cet argument est très justement soulevé par A. Kérever dans sa note sousTGI Paris, 14 janv. 1998, RIDA 1999, n° 180 p. 389.
(31) Précité.
(32) TGI Paris, 4 octobre 1996, SPEDIDAM/SNAM c/ Canal +/M6, Légicomn° 131997 p. 97; dans le même sens, TGI Paris, 14 janvier 1998, RIDA 1998 p. 389note Kerever.
(33) On peut s'attendre à une confirmation de la Cour de cassation dans l'arrêtattendu suite au pourvoi formé contre la décision de la CA de Paris du9 mai 2001.
(34) Voir notamment C. Caron note sous Cass. civ. 1, 29 janvier 2002, op. cit.;C. Chamagne, « L'utilisation de musiques préexistantes dans une oeuvre audiovisuelle», Légipressen° 158, janv. 1999, chron. p. 1.
(35) Voir C. Alleaume, note précitée.
(36) Cf. P.-Y. Gautier, op. cit., n° 53 et sq.
(37) Cf. P.-Y. Gautier, op. cit.; C. Alleaume, op. cit.; C. Besse-Guenneteau, « Lamusique dans les oeuvres audiovisuelles », Légicomn° 13, 1997/1, p. 17.
(38) CA Paris, 26 oct. 1999, op. cit.
(39) Voir aff. Multiradio, op. cit.
(40) Cf. CA Paris, 20 février 1998, Sony Music c/ SNAM, D. Aff.n° 112, 1998,p. 627, note J.-P. S. ; CA Paris, 9 mai 2001, op. cit.
(41) Cf. P.-Y. Gautier, op. cit., n° 104 p. 170.
(42) Sur le mécanisme, cf. P.-Y. Gautier, op. cit., n° 105.
(45) Article 2270-1 c. civ. ; en ce sens, P.-Y. Gautier, op. cit., n° 434.
(46) Voir à ce sujet le lourd contentieux existant entre les maisons de disqueset les artistes interprètes sur la cession des droits secondaires des artistesinterprètes et notamment CA Paris 20 février 1998, Sony c/ SNAM, D. Aff.n° 112, 9 avril 1998 p. 627.
(47) Contra, C. Chamagne, op. cit.
(48) Voir le contentieux relatif à la diffusion des vidéoclips, op. cit.
(49) P.-Y. Gautier, op. cit., n° 90 et sq. ; idemDesbois, « Les droits dits voisinsdu droit d'auteur », Mélanges R. Savatier, éd. Dalloz 1965, p. 249, spéc. p. 252
(50) Voir supra.
(51) Op. cit.
(52) Sur cette notion, Ph. Malaurie et L. Aynès, Introduction générale, éd. Cujas1991, n° 989 et 990 ; Ph. Malaurie et P. Morvan, Introduction générale, éd.Defrénois 2003, n° 369.
(53) Loi n° 93-924 du 20 juill. 1993, JO21 juill. 1993, p. 10259, D. 1993, législ.399.