Objectif à valeur constitutionnelle, le pluralisme apparaît comme le principe fondateur du droit des médias, et donc de la communication audiovisuelle, ici étudiée. Au-delà de la conception externe, visant à limiter les concentrations, le pluralisme interne, qui oblige les organes de communication audiovisuelle publics et privés à garantir l'expression de tendances et d'opinions différentes, s'impose ainsi comme une des préoccupations majeure de la réglementation audiovisuelle. Pourtant, l'absence de définition législative ou constitutionnelle de la notion comme la difficile appréhension des notions de culture, de qualité de programmes ou de pluralisme culturel posent la question de l'évaluation du pluralisme et de son effectivité.
L'AFFIRMATION DU PLURALISME comme un principe juridique est liée à la construction d'un droit spécifique destiné à régir la communication audiovisuelle. Au rythme des développements technologiques, apparaît progressivement « la nécessité de discipliner cette activité par des règles de droit cohérentes » impliquant « l'édification d'un droit qui devait permettre de fournir aux citoyens la prestation la meilleure pour le développement de leur personnalité, pour leur information ...
(2) Debbasch (C.), Isar (H.), Agostinelli (X.), Droit de la communication, PrécisDalloz, 2002, 1re édition, p. 10.
(3) Pour une approche globalisante de la notion de pluralisme se rapporter àMarcangélo-Léos (P.), Pluralisme et audiovisuel, Thèse de doctorat, Aix-MarseilleIII, 2003.
(4) Voir Champeil-Desplats (V.), « La notion de droit fondamental et le droitconstitutionnel français », D., 1995, Chronique, p. 323. L'auteur énumère lesdifférentes conceptions doctrinales, à propos de l'identification des droits fondamentaux,et notamment celle consistant à définir les droits fondamentauxcomme les droits ou principes « sans lesquels un système juridique, un soussystèmeou un élément du système perdrait non seulement sa cohérence, sonmode de fonctionnement, mais surtout son existence spécifique, son identité».Le juge administratif a, quant à lui, tranché dans un sens favorable à la « fondamentalité» du principe de pluralisme. Ainsi dans une ordonnance de référédu 24 février 2001 (CE, ordonnance de référé, 24 février 2001, M. Jean Tibéri,requête n° 230611), le Conseil d'État a reconnu au principe du caractère pluralistede l'expression des courants de pensée et d'opinion, la qualification deliberté fondamentale au sens de l'article L. 521-2 du code de justice administrative,relatif au référé-liberté tel qu'institué par la loi n° 2000-597 du 30 juin
(2001) Toutefois, les interrogations demeurent précisément sur ce qu'il fautentendre par la notion de liberté fondamentale.
(5) Loi n° 64-621 du 27 juin 1964, portant statut de l'Office de la radiodiffusiontélévisionfrançaise, JOdu 28 juin 1964, p. 5636.
(6) Loi n° 81-994 du 9 novembre 1981, portant dérogation au monopole d'Étatde la radiodiffusion, JOdu 10 novembre 1981, p. 3070.
(7) Loi n° 82-652 du 29 juillet 1982, sur la communication audiovisuelle, JOdu30 juillet 1982, p. 2431.
(8) Loi n° 1067-86 du 30 septembre 1986, relative à la liberté de communication,JOdu 1er octobre 1986, p. 11755.
(9) Décision du C. C. n° 82-141 DC, 27 juillet 1982, Loi sur la communicationaudiovisuelle, RJC-I, p. 126.
(10) Décision du C. C. n° 86-217 DC, 18 septembre 1986, Liberté de communicationaudiovisuelle, Rec. C. C., p. 141.
(11) Burdeau (G.), Traité de science politique, 2e édition, LGDJ, tome VII, 1973,p. 126, cité par Bizeau (J.-P.), « Pluralisme et démocratie », RDP, 1993, p. 514.
(12) CEDH, 7 décembre 1976, Handyside c/ Royaume-Uni, série A, vol. 24, p. 23.
(13) Bizeau (J.-P.), « Pluralisme et démocratie », op. cit., p. 525.
(14) Chevallier (J.), « Constitution et communication », D., 1991, Chronique,p. 253.
(15) Jeanneney (J.-N.), « Aujourd'hui, demain, la radio », Dossiers de l'audiovisuel,2000, n° 90, p. 7.
(16) Voir Derieux (E.), Le droit de la communication, LP, 1990, n° 68, II, p. 1.Dans cet article, l'auteur aboutissait au constat selon lequel le droit de la communication« est encore à la recherche de ses principes et fondements et desmoyens de son enracinement qui lui donneraient toute la cohérence et l'uniténécessaire qui semblent actuellement, lui faire défaut».
(17) Voir par exemple, la décision du C. C. n° 2000-428 DC, 4 mai 2000, Loiorganisant une consultation de la population de Mayotte, JOdu 10 mai 2000,p. 6976. S'agissant de la participation des partis à la campagne officielle radiotélévisée,le Conseil a considéré que « compte tenu du caractère limité du tempsd'antenne disponible à la radio-télévision pour la campagne officielle, le législateura pu, sans méconnaître l'article 11 de la Déclaration des droits de l'hommeet du citoyen de 1789 ni l'article 4 de la Constitution, réserver la participationà cette campagne aux seuls partis et groupements habilités par la commissionde contrôle de la consultation ; que le critère de représentativité retenu par lelégislateur, qui présente un caractère objectif ne porte pas atteinte à l'exigenceconstitutionnelle du pluralisme des courants d'idées et d'opinions.»
(18) Voir les articles 54 de la loi du 30 septembre 1986 modifiée (droit à l'antennedu gouvernement), 55 (droit à l'antenne des formations politiques représentéespar un groupe au Parlement et des organisations syndicales et professionnellesreprésentatives à l'échelle nationale) et 56 (droit à l'antenne desprincipaux cultes pratiqués en France).
(19) Voir l'article 13 de la loi du 30 septembre 1986 modifiée : « le CSA assurele respect de l'expression pluraliste des courants de pensée et d'opinion dansles programmes des services de radiodiffusion sonore et de télévision, en particulierpour les émissions d'information politique et générale».
(20) Voir « Le pluralisme et les nouvelles modalités de son évaluation par leCSA », La Lettre du CSA, mars 2000, n° 126, p. 1. Il s'agit pour l'ensembledes services de radio et de télévision de respecter « un équilibre entre letemps d'intervention des membres du Gouvernement, celui des personnalitésappartenant à la majorité parlementaire et celui des personnalités appartenantà l'opposition parlementaire et de leur assurer des conditions de programmationcomparables. Les diffuseurs doivent en outre, veiller à assurerun temps d'intervention équitable aux personnalités appartenant à des formationspolitiques non représentées au Parlement. Sauf exception justifiéepar l'actualité, le temps d'intervention des personnalités de l'opposition parlementairene peut être inférieur à la moitié du temps d'intervention cumulédes membres du Gouvernement et des personnalités de la majorité parlementaire.» Quatre catégories : Gouvernement, majorité parlementaire, oppositionparlementaire, formations politiques non représentées au Parlementfont l'objet d'une présentation des temps de parole de manière globale et parsujets. Le temps de présence à l'antenne est relevé (temps d'antenne), ainsique le temps d'intervention de personnalités appartenant à des organisationssyndicales, professionnelles ou au milieu associatif, ou des personnalitésreprésentatives de la société civile.
(21) Voir CEDH, 13 août 1981, Young, James et Webster, série A n° 44, p. 25.§ 63. La Cour européenne considère que « bien qu'il faille parfois subordonnerles intérêts des individus à ceux d'un groupe, la démocratie ne se ramène pasà la suprématie constante de l'opinion d'une majorité ; elle commande un équilibrequi assure aux minorités un juste traitement et qui évite tout abus d'uneposition dominante». La Cour réitère l'affirmation d'une conception « conflictuelleet pluraliste » de l'esprit démocratique, dans des arrêts plus récents,notamment dans l'arrêt du 30 janvier 1998, Parti communiste unifié de Turquieet autres c/ Turquie, Rec. 1998-I.
(22) Voir la jurisprudence du Conseil constitutionnel érigeant le principe de l'unicitédu peuple français en principe à valeur constitutionnelle. Décisions du C. C.82-146 DC, 18 novembre 1982, Quotas par sexe, RJC-I, p. 134 ; 91-290 DC,9 mai 1991, Statut de la Corse, RJC-I, p. 438 ; n° 99-412 DC, 15 juin 1999,Charte européenne des langues régionales ou minoritaires, cons. 6, Rec. C. C.,p. 136. Le juge constitutionnel lie de façon indissoluble le concept de peuplefrançais à ceux d'indivisibilité de la République et d'égalité et considère que cesprincipes fondamentaux s'opposent à une reconnaissance d'autres composantesque les citoyens tous égaux devant la loi.
(23) Voir par exemple, la distinction dans les interventions des ministres des motsqui correspondent à leur fonction de ceux qui renvoient à des propos électoraux.
(24) Jezequel (J.-P.), « La production indépendante est-elle définissable ? », inProduction indépendante et création télévisuelle, Dossiers de l'audiovisuel,2002, n° 105, p. 11.
(25) En vertu de l'article 27 de la loi du 30 septembre 1986 modifiée, les entreprisesde communication audiovisuelle doivent diffuser une proportion au moinségale à 60 % d'uvres cinématographiques et audiovisuelles européennes delongue durée et 40 % d'uvres cinématographiques et audiovisuelles d'expressionoriginale française. À cette obligation, s'ajoutent des dispositions fixant unquota annuel relatif à la diffusion de ces uvres, ainsi que les jours et horaires deprogrammation, mais également un dispositif fort complexe relatif à la contributiondes éditeurs de services au développement de la production, notamment indépendante,d'uvres cinématographiques et audiovisuelles. Voir le décret n° 2001-1329 du 28 décembre 2001, modifiant le décret n° 2001-609 du 9 juillet 2001, relatifà la contribution des éditeurs de service de télévision diffusés en clair par voiehertzienne terrestre en mode analogique au développement de la productiond'uvres cinématographiques et audiovisuelles, JOdu 29 décembre 2001, p. 21304;Décret n° 2001-1330 du 28 décembre 2001, modifiant le décret n° 90-66 du 17 janvier1990, fixant les principes généraux concernant la diffusion des uvres cinématographiqueset audiovisuelles, JOdu 29 décembre 2001, p. 21304.
(26) Favro (K.), « Secteur public de la communication audiovisuelle et servicepublic », AJDA, 2001, p. 245.
(27) Voir l'article 4 du décret n° 90-66 du 17 janvier 1990 modifié. Au termed'une définition négative, les uvres audiovisuelles ne comprennent pas les« uvres cinématographiques de longue durée ; journaux et émissions d'information; variétés ; jeux ; émissions autres que de fiction majoritairement réaliséesen plateau ; retransmissions sportives ; messages publicitaires ; téléachat ;autopromotion ; services de télétexte».
(28) Chaniac (R.), « L'uvre audiovisuelle, une définition de plus en plus large? »,in Production indépendante et création télévisuelle, op. cit., p. 17.
(29) CSA, « Définition de l'uvre audiovisuelle: bilan de la concertation publique »,La Lettre du CSA, août-septembre 2002, n° 154, p. 8.
(30) Chaniac (R.), « L'uvre audiovisuelle, une définition de plus en plus large? »,in Production indépendante et création télévisuelle, op. cit., p. 14.
(31) Loi n° 2000-719 du 1er août 2000, modifiant la loi n° 86-1067 du 30 septembre1986 relative à la liberté de communication, JOdu 2 août 2000, p. 11903.
(32) Voir l'article 43-11 de la loi du 30 septembre 1986 modifiée.
(33) Médias : promouvoir la diversité culturelle, Rapport du groupe de travailprésidé par Monique Dagnaud, Commissariat général au plan, La Documentationfrançaise, 2000, p. 109.
(34) En ce sens, Durand (J.), « La qualité des programmes de télévision, conceptset mesures », Dossiers de l'audiovisuel, 1992, n° 43, p. 12.
(35) Médias : promouvoir la diversité culturelle, op. cit., p. 107.