L'utilisation d'une uvre de l'esprit à des fins publicitaires est une source fréquente de contentieux, particulièrement lorsqu'elle intègre une pièce de musique préexistante (1).Un parolier de chansons à succès écrit avec un compositeur non moins populaire la chanson On va s'aimer.Ils cèdent à deux éditeurs de musique le droit « d'exploiter directement et/ou autoriser des tiers à utiliser l'uvre dans son intégralité ou en partie (paroles et musique ensemble ou séparément) ...
Cour de cassation, 1re ch. civile, 28 janvier 2003, Barbelivien et Montagné
Agnès MAFFRE-BAUGE
Maître de conférences à l'Université d'Avignon, Chercheur associé à ...
(2) En ce sens : L. Veyssière et F. Corone, « Publicité et musique, De l'uvre préexistante àl'uvre de commande : une note sur des accords majeurs », D. aff.1998, p. 131 et s.
(3) P.-Y. Gautier, Propriété littéraire et artistique, PUF, 3e éd. n° 121, p. 181.
(4) Civ. 1re 24 février 1998, Bull. civ. I, n° 75; D.1998, p. 471, note A. Françon ; D.1999,somm. p. 64, obs. Colombet.
(5) L. Veyssière et F. Corone, op. cit., p. 133.
(6) TGI Paris, 10 mai 1996, RIDA oct. 1996, p. 326 et Paris, 24 mars 1999, RJDA7/99, n° 859,à propos de l'utilisation sans autorisation des paroles et de la musique d'un court extrait d'unechanson dans un vidéo-clip publicitaire : jugé qu'il y a atteinte aux droits moraux et patrimoniauxdes auteurs, l'exception de courte citation ne pouvant être invoquée en l'absence de vocationdidactique de l'emprunt (art. L. 122-5 CPI).
(7) Civ. 1re 27 mars 1990, Bull. civ.I, n° 75, à propos de la chanson Vesoulde J. Brel, reproduiteà l'initiative d'un parti politique à des fins de propagande.
(8) L. Veyssière et F. Corone, op. cit., p. 132 et 133 ; P.-Y. Gautier, op. cit., n° 134, p. 203,qui évoque un détournement de l'uvre à des fins commerciales. V. à titre d'illustration : TGIParis 21 février 1989, RIDA 143, p. 293 ; TGI Paris, 15 mai 1991, JCP 1992, II, n° 21919, noteDaverat ; TGI Paris, 5 février 1992, RIDA juillet 1992, n° 153, p. 205 ; Paris, 7 avril 1994, D.1995, somm. comm. p. 56, obs. Colombet.
(9) L'expression est de P.-Y. Gautier, op. cit., n° 134, p. 203.
(10) P.-Y. Gautier, op. cit., n° 127, p. 191.
(11) R. Plaisant, Les conventions relatives au droit moral de l'auteur, Hommage à HenriDesbois, p. 63.
(12) Notamment par les juridictions du fond dans l'affaire en cause : TGI Paris, 3 septembre 1997,RIDAn° 175, janv. 1998, p. 343, et Paris, 28 juin 2000, RIDA187, janv. 2001, p. 326; JCP2003,I, 278, n° 5, obs. L. Brochard. V. égal., statuant en appel de TGI Paris, 21 février 1989, préc. :Paris, 6 mars 1991, D.1992, somm. comm. 75, obs. Hassler ; RIDAn° 153, juill. 1992, p. 149,obs. crit. Kerever, et à propos de l'utilisation à des fins publicitaires d'une sculpture: TGI, 21 février1990, D.1991, somm. comm. p. 95; Paris, 31 mai 1989, D. 1989, IR, p. 199.
(13) A. et H.-J. Lucas, Traité de la propriété littéraire et artistique, Litec, 1994, n° 376.
(14) A. Françon, « La liberté contractuelle dans le domaine du droit d'auteur », D.1976, chron. XII,p. 55, spéc. p. 56.
(15) Selon Desbois, « un auteur ne peut abdiquer entre les mains du producteur en lui laissantle soin de pratiquer n'importe quelle coupure, car, ce faisant, il renoncerait à la défense de sapersonnalité morale, et prendrait un engagement aussi inefficace que s'il promettait de recevoirsans protestation des coups et blessures », note sous Paris, 14 juin 1950, D.1951, p. 9,spéc. p. 11. Avant la loi du 11 mars 1957 : T. civ. Seine, 6 et 7 avril 1949, Gaz. Pal.1949, 1,249, concl. Gégout ; TGI Seine, 27 mai 1959, RIDA juillet 1959, p. 148.
(16) Desbois, Le droit d'auteur en France, Dalloz, 1978, n° 440, p. 533 : si le principe selonlequel le cessionnaire des droits patrimoniaux ne peut modifier l'uvre sans l'assentiment del'auteur « ne peut être sérieusement contesté, l'application doit être conduite avec discernement[ ]. Il est des modes d'exploitation, qui appellent, par définition, une liberté de mouvementsans laquelle la permission donnée serait vide de sens et d'intérêt. »La Cour de cassationadmet ainsi la licéité de clauses par lesquelles l'auteur autorise des adaptations de sonuvre, reconnaissant ainsi une certaine liberté à l'adaptateur, dès lors que ladite clause n'emporteaucune renonciation au droit au respect de l'uvre et que l'adaptateur respecte bienl'esprit de l'uvre préexistante, reproduit fidèlement l'intrigue et le caractère du personnageprincipal (v. par ex. Civ. 1re 12 juin 2001, Bull. civ.I, n° 171, p. 111).
(17) P.-Y. Gautier, ibid. ; Desbois, op. cit., n° 451, p. 539. V. égal. : Trib. civ. Charolles, 4 mars1949 : Gaz. Pal.1949, 2, 176 (« Attendu que si l'artiste est avec juste raison jaloux de sonindépendance, le respect des contrats ne s'en impose pas moins aux artistes comme à touscitoyens ; qu'en effet, le droit moral de l'auteur[ ] ne peut donner à l'obligation qu'il a contractéeun caractère purement potestatif et lui permettre impunément de ne pas tenir son engagement,ce qui risquerait d'entraîner des abus regrettables.») et Trib. civ. Bordeaux, 15 janvier1951, Gaz. Pal.1951, 1, 372 (« Le conflit entre les contractants sur l'exécution de la clausedu contrat fixant les limites des modifications consenties ne saurait être tranché par la volontéunilatérale du cédant sous peine de rendre inexistant l'engagement de celui-ci qui prendrait uncaractère purement potestatif.»).
(18) Parisot, « L'inaliénabilité du droit moral », D. 1972, chron., p. 71 et s., spéc. n° 24, p. 77.
(19) P.-Y. Gautier, op. cit., n° 125 et s., p. 187.
(20) Desbois, op. cit.n° 640, p. 758 et 759.
(21) P.-Y. Gautier, op. cit., n° 124 et s., p. 186 ; A. et H.-J. Lucas, op. cit., n° 425.
(22) V. par ex. Civ. 1re 17 décembre 1991, Bull. civ. I, n° 360, RIDA avr. 1992, 190, énonçantque le respect dû à l'uvre en interdit toute altération ou modification, sous réserve des limitesque peut apporter au droit moral de l'auteur la nature des conventions conclues par lui au sujetde ses uvres.
(23) TGI Paris 3 septembre 1997 et Paris, 28 juin 2000, préc. Pour la cour de Paris, les auteursont, par des stipulations exemptes d'ambiguïté, « expressément autorisé le cessionnaire à faireune utilisation de leur uvre à des fins publicitaires, moyennant une contrepartie financièrelibrement fixée et acceptée ; qu'ils ont expressément accepté qu'à ces fins publicitaires la chanson,utilisée à titre principal ou secondaire, soit modifiée dans toutes ses composantes ; quepar cette clause précise et circonstanciée, sur le sens et la portée desquelles ils n'ont pu seméprendre, les appelants n'ont nullement aliéné, par anticipation leur droit moral, mais l'ontexercé en toute connaissance de cause, en définissant les limites de l'exploitation qui pouvaitêtre faite de leur uvre».
(24) Trib. civ. de la Seine, 26 juillet 1933, Gaz. Pal.1933. 2. 606, concl. Picard.
(25) Desbois, op. cit., n° 640, p. 758.
(26) Parisot, op. cit., n° 24, p. 77.
(27) R. Sarraute, « De L'adaptation cinématographique des uvres littéraires », Gaz. Pal. 1962,1, p. 21.
(28) A. et H.-J. Lucas, op. cit., n° 427.
(29) J. Daleau, obs. sous Civ. 1re 28 janvier 2003, Dalloz 20 février 2003, Cahier droit desaffaires, n° 8, p. 559.
(30) M. Gautier, op. cit., n° 123, p. 184, évoque ainsi la situation des tiers autorisés parl'auteur à exploiter son uvre mais voyant « peser sur eux l'incontournable épée de Damoclèsdu droit moral».
(31) V. à propos d'un contrat d'édition : TGI Paris, 8 avril 1987, RIDA juill. 1987, 202 et Paris,25 avril 1989, D.1990, somm. com. p. 58, obs. Colombet. Rejetant la qualification de conditionpotestative : Paris, 6 décembre 1969, JCP1971, II, 16796, obs. Ghestin, à propos de l'engagementd'un éditeur de verser à un auteur tel pourcentage en cas de ventes dépassant unnombre déterminé d'exemplaires, car « l'intérêt bien compris» de cet éditeur était d'en vendrele plus possible ; Paris, 11 décembre 1981, aff. Autant-Lara c/ SA Technisonor, arrêt cité parJ.-J. Taine, in J.-Cl. civ., op. cit., n° 27, à propos de l'adaptation télévisuelle d'un roman dontla société de production s'était réservée le droit de la produire ou non : la condition stipuléen'est pas potestative car, par ce contrat, conforme aux usages de la profession, la décision deréaliser ou non l'uvre dépendait de l'obtention de concours financiers. V. égal. dans un contratde cession de droits d'exploitation d'un film, jugeant la condition non potestative, « la non-réalisationd'un film ne dépendant pas de la seule volonté du producteur, qui doit s'assurer denombreux concours[ ] »: Versailles, 27 janvier 1988, D.1988, somm. p. 223, obs. Th. Hassler.
(32) J. Daleau, ibid.
(33) Préc.
(34) J. Ghestin, « L'indétermination du prix de vente et la condition potestative », D.1973,chron. XLV, p. 293 et s., spéc. n° 13, p. 295.
(35) Deuxième moyen de cassation.
(36) Ph. Malaurie et L. Aynès, op. cit., n° 1113, p. 675.
(37) J.-J. Taine, op. cit., n° 39 et s. Pour cet auteur, l'affaire jugée par la cour de Paris, le 25 avril1989 relève de ce dernier cas.
(38) L. Brochard, obs. sous Paris, 28 juin 2000, préc.
(39) TGI Paris, 8 avril 1987 et Paris, 25 avril 1989, préc.
(40) C'est nous qui soulignons. Il ne peut s'agir que de l'article L. 121-1 CPI, tant en raison dela référence à la « renonciation globale et anticipée à laquelle se ramenaient à ces égards lesdiverses possibilités stipulées à la cession », jugée licite par la cour d'appel et qui justifie lacassation pour violation de la loi, qu'à la place assignée à l'article 1174 dans le visa.
(41) J.-J. Taine, op. cit., n° 27 et s.
(42) A. Perdriau, « Visas, chapeaux et dispositifs des arrêts de la Cour de cassation enmatière civile », JCP1986, I, 3257, spéc. n° 27: « Il arrive parfois que, dans le cadre d'un mêmemoyen, deux textes aient été simultanément violés sans que l'un soit dans la dépendance del'autre ou en corrélation avec lui. Tous les deux devront être visés, en étant en général reliéspar la locution ensemble qui souligne, semble-t-il, leur autonomie.»