Le réexamen régulier (1) de la directive européenne Télévision sans frontières (autant que certaines récentes déclarations relatives à la fin de l'exception culturelle (2)) est l'occasion de faire le point de la réalité de son application, des manquements constatés, des résultats obtenus, des difficultés rencontrées... Ne sont ici évoquées que les difficultés tenant à l'absence ou à l'insuffisance de définitions de notions essentielles, ouvrant la voie à des divergences d'interprétation et d'application nationales.
Les États membres veillent, chaque fois que cela est réalisable et par des moyens appropriés, à ce que les organismes de radiodiffusion télévisuelle réservent à des uvres européennes [ ] une proportion majoritaire de leur temps de diffusion » consacré à ce type de programmation et, par ailleurs et plus spécifiquement, à ce qu'ils accordent, « à des uvres européennes émanant de producteurs indépendants », une certaine part de « leurs temps d'antenne » ou de « leur ...
Emmanuel Derieux
Professeur à l’Université Panthéon-Assas (Paris 2)
(1) * Texte issu d'une contribution écrite rédigée dans le cadre de l'Étude relativeà l'évaluation des articles 4 et 5 de la directive Télévision sans frontières, menée,à l'automne 2001, à la demande de la Commission européenne, par un groupede travail dirigé par Carine Doutrelepont, au sein du Cabinet d'avocats bruxelloisUyttendaele, Gérard & Doutrelepont.
(2) L'article 26 de ladite directive prévoit que, « tous les deux ans, la Commissionsoumet [ ] un rapport relatif à l'application de la présente directive, telle quemodifiée, et, le cas échéant, formule de nouvelles propositions en vue de sonadaptation à l'évolution du domaine de la radiodiffusion télévisuelle, en particulierà la lumière de l'évolution technologique récente».
(3) Voir les déclarations de J.-M. Messier.
(4) Officiellement dénommée « directive du Conseil, du 3 octobre 1989, visantà la coordination de certaines dispositions législatives, réglementaires et administrativesdes États membres relatives à l'exercice d'activités de radiodiffusiontélévisuelle (89/552/CEE) », LPn° 65-IV, p. 8, modifiée par la « directive 97/36/CEdu Parlement européen et du Conseil du 30 juin 1997 », LPn° 145-IV, p. 89.
(5) En matière notamment : de réglementation de la publicité, du parrainage etdu téléachat; de protection des mineurs et de l'ordre public; de droit de réponse
(6) Pour une approche générale, voir notamment : Borges, R.-M., « La directiveTélévision sans frontières : quelques précisions sur des notions fondamentales», Petites affiches, 10 octobre 1997, pp. 16-25 ; Debbasch, Ch., dir.,« Le droit européen des médias », Droit des médias, Dalloz, pp. 997-1039 ;Derieux, E., « Droit économique européen des médias audiovisuels. Libéralismeéconomique et liberté d'information », Petites affiches, 7 août 2000, pp. 8-18 ;Doutrelepont, C. dir., L'actualité du droit de l'audiovisuel européen, Bruylant-LGDJ ; Doutrelepont, C. et Walebroeck, dir., Questions de droit de l'audiovisueleuropéen, Bruylant-LGDJ ; Pistre, S., « La directive TSF à l'épreuve dutemps », LP, n° 132-II, p. 74-77 ; Reicherts, M., « La politique audiovisuelle dela Communauté européenne », inDebbasch, Ch. et Gueydan, Cl., dir., La régulationde la liberté de la communication audiovisuelle, Economica ; « L'Europeaudiovisuelle de l'après directive », Dossiers de l'audiovisuel,n° 35, janvierfévrier1991, INA-La Documentation française.
(7) Notamment nord-américains (déjà amortis sur leur marché national et dontl'exportation bénéficie d'une aide sous forme d'avantages fiscaux) et qui, bienévidemment, sauf à reconnaître le principe d'une exemption ou exceptionculturelle, est source de difficultés dans le cadre de l'Organisation mondialedu commerce-OMC. Sur cette question, voir notamment : Amiel, F., L'exemptionculturelle, thèse, Université Grenoble II, septembre 1999 ; Atkinson, D. etautres, Développement culturel et mondialisation de l'économie. Un enjeudémocratique, Institut québécois de recherche sur la culture, 1994, 144 p. ;Bernier I., « L'Accord multilatéral sur l'investissement (AMI) et la culture. Analysedes positions canadienne et française », LP, n° 152-II, p. 61-68 ; Bourdieu, P.,« Questions aux vrais maîtres du monde », Le Monde, 14 octobre 1999 ;Dehousse, F. et Havelange, F., « Aspects audiovisuels des accords du GATT :exception ou spécificité culturelle », inDoutrelepont, C., éd., L'Europe et les enjeux du GATT dans le domaine de l'audiovisuel,Bruylant, 1994 ; Derieux, E.,« L'OMC, la culture et la communication. De l'exemption culturelle à la diversitéculturelle », Petites affiches, 19 novembre 1999, pp. 12-17 ; Flory, Th.,L'Organisation mondiale du commerce. Droit institutionnel et substantiel,Bruylant ; Regourd, S., « L'audiovisuel et le GATT : pour un questionnement juridiquede l'exception culturelle », LPn° 106-II, p. 101-110 ; Sauvageau, F.,dir., Les politiques culturelles à l'épreuve. La culture entre l'État et le marché,IQRC, 1996, diff. Dimédia, Québec.
(8) Entre des préoccupations et des points de vue très différents liés : aux différencesde traditions juridiques ; à des options plus libérales ou, au contraire,plus dirigistes, étatiques ou interventionnistes ; au fait qu'il s'agisse de sociétésde télévision publiques ou privées ; à des perspectives plus culturelles ouplus industrielles ; aux préoccupations des sociétés de programme, des producteurs,des auteurs et des artistes-interprètes
(9) Dans certains de ses considérants, la directive mentionne, par exemple,qu'« il y a lieu de définir les uvres européennes sans préjudice de la possibilité,pour les États membres, de préciser cette définition», ou que, « en définissantla notion de producteur indépendant, les États membres» avec tousles risques de divergences que cela comporte !
(10) Impliquant un délicat partage de compétences entre les institutions européenneset les autorités des États membres, au terme duquel, normalement, lacompétence de principe demeure celle des États ; les institutions européennesn'intervenant que là où elles sont mieux à même de le faire que les États.
(11) Sur cette approche, voir notamment : Derieux, E., « Aire et vocabulaire dudroit de la communication », LP n° 136-II, p. 129-135 ; Gay-Bellile, D.,« Audiovisuel/Télécommunications : un problème de définition », Légipresse,n° 129.II.19-20 ; Rony, H., « La notion de radiodiffusion : un besoin de clarification», LPn° 129-II, p. 17-18.
(12) Pour une illustration, parmi bien d'autres, de ces interrogations et hésitations,liées à l'évolution et à ladite convergence des techniques, voir notamment,en France, l'avis du Conseil supérieur de l'audiovisuel, du 9 mai 2001, surl'avant-projet de loi sur la société de l'information ( LPn° 183-IV, p. 52-56).
(13) En anglais courant : television without frontiers. 13. Voir notamment Légipresse, supplément au n° 175, octobre 2000.
(15) En droit français, l'article L. 132-1 du code de la propriété intellectuelle définitle « contrat d'édition» comme celui « par lequel l'auteur d'une uvre del'esprit ou ses ayants droit cèdent [ ] à une personne appelée éditeur, le droitde fabriquer ou de faire fabriquer en nombre des exemplaires de l'uvre, àcharge pour elle d'en assurer la publication et la diffusion».
(16) En droit français, aux termes de l'article L. 132-23 du code de la propriétéintellectuelle, « le producteur de l'uvre audiovisuelle est la personne physiqueou morale qui prend l'initiative et la responsabilité de la réalisation de l'uvre». 16. Aux termes de l'article 43-8 de la loi du 30 septembre 1986, introduit parla loi du 1er août 2000, relèvent de cette catégorie les personnes qui assurent« le stockage direct et permanent pour mise à disposition du public de signaux,d'écrits, d'images, de sons ou de messages de toute nature».
(18) Selon l'article 43-7 de la loi du 30 septembre 1986, il s'agit des personnes« dont l'activité est d'offrir un accès à des services de communication en ligneautres que de correspondance privée».
(19) Directive CE n° 2000-31, du 8 juin 2000, relative à certains aspects juridiquesdes services de la société de l'information, et notamment du commerceélectronique, dans le marché intérieur ( LPn° 172-IV, p. 64, com. : L. Bochurberg).
(20) Directive 96/9/CE du Parlement et du Conseil européen du 11 mars 1996concernant la protection juridique des bases de données, LP n° 130-IV, p. 40.
(21) C'est exactement cette même définition des bases de données quiété reprise, en droit français, à l'article L. 112-3 du code de la propriété intellectuelle. 21. Sur cette question, voir notamment : Bernier, I., « L'Accord multilatéralsur l'investissement (AMI) et la culture. Analyse des positions canadienne etfrançaise », LPn° 152-II, p. 61-68 ; Derieux, E., « L'OMC, la culture et la communication.De l'exemption culturelle à la diversité culturelle », Petitesaffiches, 19 novembre 1999, pp. 12-17 ; Regourd, S., « L'audiovisuel et leGATT : pour un questionnement juridique de l'exception culturelle », LPn° 106-II, p. 101-110.
(23) S'agissant d'un des éléments d'un dispositif anticoncentration fort complexe,la loi française (du 30 septembre 1986) prend en compte, « afin de prévenirles atteintes au pluralisme sur le plan national», la situation « des servicesde télévision diffusés par voie hertzienne terrestre permettant la desserte dezones dont la population recensée atteint quatre millions d'habitants» et desréseaux de câble « permettant la desserte de zones dont la population recenséeatteint six millions d'habitants» (art. 41-1 et 41-1-1).
(24) « Directive 92/100/CEE du Conseil, du 19 novembre 1992, relative au droitde location et de prêt et à certains droits voisins du droit d'auteur dans le domainede la propriété intellectuelle » (voir notamment inDerieux, E., Droit de la communication.Droit européen et international. Recueil de textes, Victoires Éditions,2000, pp. 271-275).24. Directive 93/98/CEE du Conseil, du 29 octobre 1993, relative à l'harmonisationde la durée de protection du droit d'auteur et de certains droits voisins,LPn° 107-VI, p. 41.
(26) Sur cette question, voir : Bruguière, M. et Noguier, P., « Les définitions del'uvre audiovisuelle », LPn° 92-II, p. 57-64.
(27) À ce titre, rappelons qu'à la suite de la qualification, par le CSA, de l'émissionPopstars, d'uvre audiovisuelle, Catherine Tasca a confié au CNC unemission de réflexion sur l'évolution des programmes et ses conséquences éventuellessur notre réglementation, tandis que le CSA lançait, le 22 janvier dernier,une réflexion sur la question de la pertinence de la définition actuelle de l'uvreaudiovisuelle au regard des nouveaux concepts de programme. Si les résultatsde cette dernière étude ne sont pas, à ce jour, connus, le CNC a rendu pour sapart le 21 mars dernier son rapport au ministre de la Culture (disponible surwww.cnc.fr) lequel a fait part de son accord sur la nécessité de maintenir unedéfinition large de l'uvre, telle que prévue par le décret du 17 janvier 1990, etde ne pas remettre en cause le droit résultant de ces dispositions.
(28) Convention européenne sur la télévision transfrontière, signée à Strasbourgle 5 mai 1989 et révisée le 1er octobre 1998 (voir notamment in Derieux, E.,Droit de la communication. Droit européen et international. Recueil de textes,Victoires Éditions, 2000, pp. 21-31). 28. En son alinéa c), l'article 1er de la directive définit la « publicité télévisée»comme « toute forme de message télévisé, que ce soit contre rémunération oupaiement similaire, ou de diffusion à des fins d'autopromotion par une entreprisepublique ou privée dans le cadre d'une activité commerciale, industrielleou artisanale ou d'une profession libérale dans le but de promouvoir la fourniture,moyennant paiement, de biens ou de services, y compris les biensimmeubles, ou de droits et d'obligations».
(30) Le télé-achat est, par le même texte, défini comme « la diffusion d'offresdirectes au public en vue de la fourniture, moyennant paiement, de biens ou deservices, y compris les biens immeubles, ou de droits et d'obligations». 30. Notions que l'on s'abstiendra de définir ici !