La plupart des grandes lois votées par le Parlement font désormais, avant leur promulgation par le Président de la République et leur publication au Journal officiel, quasi systématiquement l'objet d'un contrôle de conformité à la Constitution (1). Celui-ci s'exerce généralement sur saisine du Conseil constitutionnel par plus de soixante députés ou de soixante sénateurs (de l'opposition), comme le prévoit l'article 61 de la Constitution (révisée, sur ce point, en 1974).Comme ...
Emmanuel Derieux
Professeur à l’Université Panthéon-Assas (Paris 2)
(2) La loi du 15 juin 2000 renforçant la présomption d'innocence et les droits des victimes, diteloi Guigou ou loi sur la présomption d'innocence ( Légipressen° 174-IV, p. 8 3), a trèsétonnamment échappé à un tel contrôle de constitutionnalité. Certaines de ses dispositionsconstitutives du droit de la communication notamment, paraissant remettre en cause le principeconstitutionnel de liberté d'expression, auraient pourtant bien pu, à l'initiative de parlementairesde l'opposition et notamment sur pression des milieux de la communication, êtrel'objet d'une saisine du Conseil constitutionnel. Ne fallait-il pas risquer de fournir ainsi au Conseilconstitutionnel, du fait des modifications apportées à certaines des dispositions de la loi de1881, l'occasion de s'interroger sur la conformité, à la Constitution, de certaines autres dispositionsde cette loi ?
(3) Voir notamment les décisions du Conseil constitutionnel des 10 et 11 octobre 1984, du18 septembre 1986, du 17 janvier 1989 in Derieux (E.), Droit de la communication. Jurisprudence.Recueil de textes, Victoires Éditions ; Derieux (E.), Les principes du droit de la communicationdans la jurisprudence du Conseil constitutionnel, Légipresse, n° 141-II, p. 49-56 ; Morange(J.), L'intérêt public en droit français de la communication : valeur constitutionnelle, in Derieux(E.) et Trudel (P.), dir., L'intérêt public, principe du droit de la communication, Victoires Éditions.
(4) Le vote de la loi, en dernière lecture à l'Assemblée nationale, étant intervenu le 28 juin, etle Conseil constitutionnel, saisi le 30 juin, devant statuer dans le délai d'un mois, l'attachementaux symboles aurait permis, compte tenu de la date à laquelle la décision du Conseil constitutionnela donc été rendue, la promulgation de cette loi le 29 juillet, jour anniversaire de la loidu 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, comme l'avait été la loi du 29 juillet 1982 surla communication audiovisuelle.
(5) À l'exclusion, bien évidemment, des quelques dispositions déclarées, par le Conseil constitutionnel,non conformes à la Constitution.
(6) La publication de la loi est accompagnée de la décision du Conseil constitutionnel qui comporteelle-même le texte de la saisine par plus de soixante députés et les observations duGouvernement sur une telle saisine ( Journal officiel, 2 août 2000, p. 11903-11936). On s'y reporterapour y trouver l'intégralité de ces éléments.
(7) Les deux griefs concernant, d'une part, le fait que certaines dispositions de la loi n'auraientpas, avant leur examen et leur approbation par le Parlement, été soumises au Conseil d'Étatet, d'autre part, un abus dans l'exercice du droit d'amendement ont été écartés par le Conseilconstitutionnel.
(8) Loi du 17 janvier 1989, modifiant la loi du 30 septembre 1986, dont la promulgation avaitété précédée d'une décision du Conseil constitutionnel, en date du même jour.
(9) Il s'agit des présidents : de France-Télévision qui, aux termes de la loi nouvelle, est égalementprésident de France 2, de France 3 et de La Cinquième ; de Radio France ; de RadioFrance internationale ; et de Réseau France outre-mer .
(10) Qui a constitué, à certains égards, s'agissant au moins de sa composition et des conditionsde désignation de ses membres, un modèle pour l'institution du Conseil supérieur del'audiovisuel ; dont les décisions sont certes motivées, mais qui ne procède à aucune auditionet dont les délibérations sont évidemment secrètes...
(11) « La loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires, et nulne peut être puni qu'en vertu d'une loi établie et promulguée antérieurement au délit, et légalementappliquée».
(12) Le principe même d'un pouvoir de sanction accordé à une autorité administrative estsans doute bien plus contestable même si, dans la présente décision, le Conseil constitutionnelcommence par énoncer ou rappeler, une fois encore, que, selon lui : « le principede séparation des pouvoirs, non plus qu'aucun principe ou règle de valeur constitutionnelle,ne fait obstacle à ce qu'une autorité administrative, agissant dans le cadre de prérogativesde puissance publique, puisse exercer un pouvoir de sanction dans la mesure nécessaireà l'accomplissement de sa mission», et même s'il ajoute ici : « dès lors que l'exercicede ce pouvoir de sanction est assorti, par la loi, de mesures destinées à assurer les droitset libertés constitutionnellement garantis».
(13) À la différence de la décision du 18 septembre 1986 qui rendit nécessaire l'adoptionde la loi du 27 novembre 1986 apportant, sur ce point, les premières modifications à la loidu 30 septembre 1986.
(14) Dans sa décision du 17 janvier 1989, considérant qu'il était ainsi porté atteinte à l'exercicedu pouvoir réglementaire attribué, par l'article 21 de la Constitution, au Premier ministre, leConseil constitutionnel a été amené à déclarer non conformes à la Constitution les dispositionsvotées qui accordaient au Conseil supérieur de l'audiovisuel le pouvoir de : « fixer seul,par voie réglementaire», les règles relatives à la publicité télévisée.
(15) Condition nécessaire et essentielle de l'application de tout le droit de la communicationqui est et ne peut être, en réalité, que le droit de la publication.
(16) Ici qualifiés de « personnes physiques ou morales qui assurent, à titre gratuit ou onéreux,le stockage direct et permanent pour mise à disposition du public de signaux, d'écrits, d'images,de sons ou de messages de toute nature accessibles par ces services» (ce qui correspond,à peu près, à la définition que l'article 2 de la loi du 30 septembre 1986 donne de la communicationaudiovisuelle).
(17) Aux termes de cet article, qui transpose, à la communication audiovisuelle, le régime deresponsabilité dite en cascade de la loi du 29 juillet 1881 : « au cas où l'une des infractionsprévues par le chapitre IV de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse est commisepar un moyen de communication audiovisuelle, le directeur de la publication [...] sera poursuivicomme auteur principal, lorsque le message incriminé a fait l'objet d'une fixation préalable àsa communication au public. À défaut, l'auteur, et à défaut de l'auteur, le producteur sera poursuivicomme auteur principal. Lorsque le directeur ou le codirecteur de la publication sera misen cause, l'auteur sera poursuivi comme complice».
(18) Sur cette question, voir notamment : Luchaire (F.), La protection constitutionnelle desdroits et libertés, Economica ; Rivéro (J.), Le Conseil constitutionnel et les libertés, Economica.