La Convention européenne des droits de l'homme ne se contente pas d'affirmer des droits et des libertés et de poser leur limite. Elle a donné naissance à une véritable juridiction dont le rôle est de veiller au respect, par les États parties, des dispositions conventionnelles. C'est la raison pour laquelle l'intitulé exact de ce texte est Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.En connaissant ainsi des plaintes pour violation d'un ...
Cour européenne des droits de l'homme, 29 août 1997, Affaire Worm c/ Autriche
Benjamin DE LAMY
Agrégé des Facultés de Droit, Professeur à l'Université de Toulouse I
(2) Cette expression est due à MM. Velu et Ergec (La Conventioneuropéenne des droits de l'homme), Bruylant, 1990, p. 1078, quisoulignent que l'autorité de la chose jugée qui s'attache aux arrêtsde la Cour doit donc être distinguée de ce que l'on peut appelerl'autorité de la chose interprétée par la Cour, autorité qui débordeles limites du cas d'espèce et qui est l'autorité propre de la jurisprudencede la Cour en tant que celle-ci interprète les dispositionsde la Convention. Voir aussi Cohen-Jonathan (G.),Quelques considérations sur l'autorité des arrêts de la Coureuropéenne des droits de l'homme, Mélanges Eissen, Bruylant-LGDJ, 1995, p. 39.
(4) Le texte incriminateur est le suivant : «Quiconque évoque aucours d'une procédure pénale, après l'inculpation et avant le jugementde première instance, le résultat ou la valeur d'un moyen depreuve d'une manière susceptible d'influer sur l'issue d'une procédure,est passible d'une peine pouvant aller jusqu'à 180 jours-amendes».La Commission européenne des droits de l'homme avait conclu àla violation de l'article 10 de la Convention en expliquant que lesjuges nationaux auraient dû rechercher si les magistrats avaientréellement été influencés par l'article litigieux. On imagine la difficultéà ramener une telle preuve.
(5) CEDH, 25 juin 1992, affaire Thorgeir Thorgeirson, § 63, RUDH1992, p. 485 ou CEDH, 23 avril 1992, affaire Castells § 43, RUDH1992, p. 234.
(6) Voir CEDH, 8 juillet 1986 affaire Lingens, § 41, Conseil del'Europe ou CEDH, 23 mai 1991, affaire Oberschlick, § 58, RUDH1991, p. 389.
(7) Affaire Thorgeir Thorgeirson, § 63 op. cit. ou encore CEDH, 26nov 1991, affaire Observer Guardian § 59, Légipresse 1992, VI,p. 1, note G. Cohen-Jonathan. L'ensemble de ces principes valenttant pour la presse écrite que pour l'audiovisuel : CEDH, 23 sept1994, affaire Jersild, Légipresse 1995, n° 118-VI, p. 5, § 31.
(8) CEDH affaire Lingens, op. cit., § 41 et § 50 du présent arrêt.
(9) Affaire Oberschlick, op.cit.
(10) Par exemple : CEDH 26 avril 1979, Sudre (F.), affaire SundayTimes, § 65, in Les grands arrêts de la Cour européenne desdroits de 1'homme, PUF, Que sais-je ? p. 32 ; affaire Lingens § 41,op. cit. ; affaire Oberschlick, § 58, op. cit., affaire Castells, § 43, op.cit. ; affaire Thorgeir Thorgeirson, § 63, op. cit.
(11) Affaire Lingens, § 42, op. cit.
(12) Affaire Castells, § 46, op. cit.. Dans cet arrêt, la Cour européennea également affirmé l'importance de la liberté d'expressionau profit des élus, § 42 (voir aussi CEDH, 27 avril 1995, affairePiermont § 76, Conseil de l'Europe).
(13) CEDH, 28 août 1992, affaire Schwabe, § 32, Conseil de l'Europe.
(14) La Cour européenne des droits de l'homme a souligné :«la liberté de la presse fournit à l'opinion publique l'un des meilleursmoyens de connaître et juger les idées et les attitudes de leursdirigeants», affaire Castells, op. cit.
(15) Affaire Sunday Times, § 49, op. cit.
(16) Affaire Sunday Times, § 67, op. cit.
(17) Par exemple : CEDH, 7 décembre 1976, affaire Handyside,§ 49 in Les grands arrêts de la Cour européenne des droits del'homme, op. cit., p. 21.
(18) Voir § 49 de 1'arrêt.
(19) CEDH, 22 février 1989, affaire Barfod, § 33 et 34, RUDH 1989,p. 237.
(20) Affaire Sunday Times, § 65, op. cit.
(21) CEDH, 26 avril 1995, affaire Prager et Oberschlick, Légipresse1995, n° 126-VI, p. 69, § 34. Un journaliste avait écrit un articledans lequel il critiquait l'attitude de certains juges leur reprochantde traiter tout accusé comme s'il était déjà condamné et prêtant àun magistrat une attitude vexatoire et dédaigneuse. La Cour européenneconclut que la condamnation de l'auteur de cet article neviolait pas l'article 10 après avoir relevé : «l'ampleur des reprochesformulés dans son écrit et l'absence de base factuelle suffisante ». Ilest intéressant de remarquer que nous retrouvons là les conditionsexigées par la jurisprudence française pour reconnaîtrequ'un diffamateur est de bonne foi.
(22) Voir Léauté (J.), Pour une interprétation prudente des nouveauxtextes relatifs à la presse, RIDP 1959, p. 543. Article 434-16, al 1, du code pénal : «La publication, avant l'intervention de ladécision juridictionnelle définitive, de commentaires tendant à exercerdes pressions en vue d'influencer les déclarations des témoins oula décision des juridictions d'instruction ou de jugement est punie desix mois d'emprisonnement et de 50 000 francs d'amende ». Est sansdoute également compatible avec l'article 10 de la Conventioneuropéenne l'article 434-25 du code pénal qui punit : «le fait dechercher à jeter le discrédit, publiquement par actes, paroles, écritsou images de toute nature sur un acte ou une décision juridictionnelle,dans des conditions de nature à porter atteinte à l'autorité dela justice ou à son indépendance ». Ce texte vise bien à préserver laconfiance du public en la justice comme le souhaitent les jugeseuropéens.