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Diffamation
/ Cours et tribunaux
03/01/2025
Dénaturation de base factuelle et qualification des propos : un rappel salutaire par la chambre criminelle
La Cour de cassation considère que c'est à tort que la cour d'appel a admis l'excuse de bonne foi au bénéfice d'une journaliste qui, relatant la condamnation pénale dont a fait l'objet un réalisateur, a commis une erreur dans la qualification des faits. Elle retient, par ailleurs, que constitue une diffamation publique envers une personne à raison de l'origine, de l'ethnie, de la nation, de la race ou de la religion, incriminée aux articles 29 et 32, alinéa 2, de la loi du 29 juillet 1881, le fait d'imputer à la partie civile, sur un site d’information, d'avoir commis les faits pour lesquels elle a été condamnée en application des règles de la charia.
Préserver le droit à l'information suppose de veiller à la fiabilité de celle-ci(1). À l'heure où « le péril devient la disparition de l’information délivrée par des journalistes, au profit de la circulation algorithmique de nouvelles souvent fausses(2) », l'éthique et la rigueur journalistiques apparaissent d'autant plus cruciales et doivent être préservées. C'est ce qui a été rappelé par la chambre criminelle de la Cour de cassation, réunie pour l'occasion en formation ...
Cour de cassation, (ch. crim.), 13 novembre 2024, Ladj Ly c/ Causeur
Marie Cornanguer
Avocat au Barreau de Paris
3 janvier 2025 - Légipresse N°431
7195 mots
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(1) B. Ader, Il faut sauver le droit à l'information, Légipresse 2024. 521 ; v. égal,. Rapport des États dénéraux de l'information, 12 sept. 2024, p. 6-7.
(2) B. Ader, préc.
(3) Arrêt commenté, Légipresse 2024. 591 et les obs. ; D. 2024. 1959 ; E. Dreyer, Manipulations journalistiques : les nouveaux « misérables » ?, JCP 2024, n° 48, actu. 1421.
(4) La Cour de cassation censure régulièrement des arrêts d'appel ayant subordonné le sérieux de l'enquête à la preuve de la vérité des faits. V. en ce sens, Crim. 17 juin 2008, n° 07-80.767, D. 2008. 1831, et les obs. ; ibid. 2009. 1779, obs. J.-Y. Dupeux et T. Massis ; AJ pénal 2008. 417, obs. S. Lavric ; RSC 2008. 628, obs. J. Francillon ; ibid. 2009. 129, obs. J. Francillon ; Civ. 1re, 3 févr. 2011, n° 09-10.301, Légipresse 2011. 139 et les obs. ; ibid. 226, comm. H. Leclerc ; D. 2011. 519, obs. S. Lavric ; ibid. 2012. 765, obs. E. Dreyer ; Crim. 28 janv. 2014, n° 12-87.987, D. 2015. 342, obs. E. Dreyer.
(5) H. Leclerc, Bonne foi : l'incidence de la jurisprudence de la Cour EDH, Légicom 2013, n° 50, p. 10 : « Reste que la Cour européenne emploie aussi le terme de “bonne foi”. Elle est liée à cette “éthique journalistique” dont la Cour ne cesse d'exiger que le journaliste fasse preuve. C'est ce que depuis longtemps j'appelle “l'honnêteté intellectuelle” qui doit permettre de jauger la bonne foi du journaliste au-delà de la preuve des faits diffamatoires, parfois difficile à faire. »
(6) V. Tesnière, Date d'appréciation de la base factuelle en matière de bonne foi : la Cour de cassation tente une clarification, Légipresse 2015. 610.
(7) Ibid.
(8) C. Bigot, La portée de la rénovation de la théorie de la bonne foi sous l'emprise de l'intérêt général, Légipresse 2012. 26.
(11) « Il apparaît donc que si la partie civile n'a pas été déclarée coupable de complicité de meurtre, elle a été condamnée, en qualité de coauteur, pour des faits d'une extrême gravité, dans lesquels un homme – qui a légitimement pu craindre pour sa vie, ayant été menacé d'être brûlé vif – a subi des violences graves et n'a dû son salut qu'à la fuite ».
(12) « C'est donc à juste titre que le tribunal a retenu qu'une erreur dans la qualification des faits, commise par un non-juriste, ne pouvait suffire à ôter sa pertinence à la base factuelle. »
(13) TGI Nanterre, 4 sept. 2012, n° 11325045200, Légipresse 2012. 537 et les obs.
(14) TGI Paris, 16 janv. 2014, R. Ménard c/ M. Szafran et a., Légipresse 2014. 264.
(15) CSA, délib. n° 2018-11, 18 avr. 2018.
(16) CDJM, 3 textes de réf. disponibles à l’adresse cdjm.org/les-chartes.
(17) E. Dreyer, Manipulations journalistiques : les nouveaux « misérables » ?, préc.
(18) CEDH 21 janv. 1999, n° 29183/95, Fressoz et Roire c/ France, § 45, D. 1999. 272, obs. N. Fricero ; RSC 1999. 631, obs. F. Massias ; RTD civ. 1999. 359, obs. J. Hauser ; ibid. 909, obs. J.-P. Marguénaud ; RTD com. 1999. 783, obs. F. Deboissy.
(20) CEDH 5 déc. 2024, n° 835/20, Giesbert et a. c/ France, §§ 49 et s., spéc. § 53.
(21) TGI Paris, 9 sept. 2016, n° 14-06.3000658, Légipresse 2016. 512 et les obs.
(22) CEDH, gr. ch., 22 oct. 2007, n° 21279/02 et 36448/02, Lindon, Otchakovsky-Laurens et July c/ France, AJDA 2008. 978, chron. J.-F. Flauss ; D. 2007. 2737, obs. S. Lavric.
(23) B. Ader, L'éthique de la presse, meilleure garantie de sa liberté selon la Cour européenne, Légipresse 2008, n° 256.
(24) B. Ader, Il faut sauver le droit à l'information, préc.
(25) H. Leclerc, Bonne foi : l'incidence de la jurisprudence de la Cour EDH, préc.
(26) Crim. 8 janv. 1864, Bull. crim. n° 287, cité in J. et L. Boré, La cassation en matière pénale, 3e éd., Dalloz, 2010, n° 85.32.
(27) Crim. 21 juin 2016, n° 15-82.529 ; Crim. 20 sept. 2016, n° 15-82.942, D. 2016. 1929 ; ibid. 2017. 181, obs. E. Dreyer ; Légipresse 2016. 515 et les obs. ; RSC 2016. 547, obs. J. Francillon.
(28) Crim. 31 janv. 2012, n° 11-82.012, Légipresse 2012. 282 et les obs. ; Crim. 13 févr. 2001, n° 00-84.338 et 00-82.511 ; Civ. 1re, 21 févr. 2006, n° 04-16.705, D. 2006. 674 ; Crim. 30 mai 2007, n° 06-84.713, D. 2007. 1881 ; AJ pénal 2007. 385, obs. S. L. ; Crim. 30 mars 2010, n° 09-85.225 ; Crim. 2 nov. 2016, n° 15-84.614.
(29) D. Boughezala, Au coin de la rue, la Charia, Causeur, 4 janv. 2017.
(30) A.-S. Nogaret, Quartier libre pour la hallalisation des esprits, Causeur, 16 janv. 2018.
(31) CEDH 11 avr. 2024, n° 81249/17, Allouche c/ France (condamnant la France pour violation des art. 8 et 14 Conv. EDH, à raison de la non-prise en compte du caractère antisémite des propos injurieux poursuivis), Légipresse 2024. 512, obs. C. Bigot ; AJDA 2024. 1794, chron. L. Burgorgue-Larsen ; RSC 2024. 681, obs. D. Roets.
(32) CEDH 20 déc. 2022, n° 63539/19, Zemmour c/ France, § 61, Légipresse 2023. 15 et les obs. ; ibid. 502, chron. C. Bigot ; AJDA 2023. 118, chron. L. Burgorgue-Larsen ; RSC 2023. 190, obs. J.-P. Marguénaud.
(33) CEDH 15 mai 2023, n° 45581/15, Sanchez c/ France, § 69, Légipresse 2023. 326 et les obs. ; ibid. 406, comm. B. Nicaud ; ibid. 502, chron. C. Bigot ; ibid. 2024. 257, obs. N. Mallet-Poujol ; AJ pénal 2023. 343, obs. J.-B. Thierry.
(34) H. Ben Rhouma (modération), La Charia, rencontres et débats, Institut du monde arabe, 5 juin 2014.
(35) A.-S. Nogaret, Quartier libre pour la hallalisation des esprits, préc.
(36) Crim. 26 mars 2019, n° 18-81.770, Légipresse 2019. 201, chron. ; ibid. 2020. 322, étude N. Mallet-Poujol ; RSC 2020. 96, obs. E. Dreyer ; E. Dreyer, Droit de la presse, D. 2020. 237 ; C. Bigot, Pratique du droit de la presse, 4e éd., Dalloz, 2023, § 341.75 ; Crim. 30 oct. 2012, n° 11-88.562, D. 2013. 457, obs. E. Dreyer.
(37) Crim. 15 oct. 2019, n° 18-85.368, Légipresse 2019. 665 et les obs. ; ibid. 2020. 127, chron. E. Tordjman, G. Rialan et T. Beau de Loménie ; ibid. 193, étude N. Verly ; ibid. 322, étude N. Mallet-Poujol ; D. 2020. 237, obs. E. Dreyer ; ibid. 237, obs. E. Dreyer.
(38) T. Besse, Principe ne bis in idem et qualifications idéalement en concours dans une même procédure : une erreur de casting, AJ pénal 2019. 495.
(39) CEDH 4 mars 2008, n° 2529/04, Garretta c/ France, § 72, RSC 2008. 692, chron. J.-P. Marguénaud et D. Roets.
(40) Crim. 11 déc. 2018, n° 17-84.899, Légipresse 2019. 9 et les obs. ; D. 2019. 12 ; AJ pénal 2019. 151, obs. N. Verly.