Plusieurs députés ont déposé, le 19 novembre, une proposition de loi « visant à abroger le délit d'apologie du terrorisme du code pénal ». Depuis la loi n° 2014-1353 du 13 novembre 2014, la provocation à commettre des actes de terrorisme et l'apologie de ces actes relèvent de l'article 421-2-5 du code pénal, et non plus de la loi sur la liberté de la presse. Il est codifié au livre IV, titre II, du code pénal avec l'ensemble des dispositions spécifiques relatives aux crimes et délits terroristes. Les auteurs de la proposition de loi veulent supprimer cette incrimination du droit positif, considérant que l'article 24 de la loi du 29 juillet 1881 qui réprime déjà les provocations et apologies de crimes et délits serait suffisant pour poursuivre l’apologie de terrorisme. À cette occasion, se pose la question du caractère nécessaire d'un texte spécial réprimant l'apologie et la provocation du terrorisme et de sa place dans la loi.
La proposition de loi n° 577 « visant à abroger le délit d'apologie du terrorisme du code pénal » déposée le mardi 19 novembre 2024(1) par différents députés du groupe La France insoumise de l'Assemblée nationale contient trois articles dont le premier consiste à demander purement et simplement l'abrogation de l'article réprimant l'apologie du terrorisme : « Article 1er. L'article 42125 du code pénal est abrogé. » Bien que certains s'en dédouanent, la proposition de ...
Ilana Soskin
Avocat au Barreau de Paris
3 janvier 2025 - Légipresse N°431
5587 mots
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(1) Proposition de loi visant à abroger le délit d'apologie du terrorisme du code pénal, n° 577, déposée le 19 nov. 2024.
(2) Loi n° 2014-1353 du 13 nov. 2014 renforçant les dispositions relatives à la lutte contre le terrorisme.
(3) R. Kempf et R. Ruiz, Abroger le délit d'apologie du terrorisme, une nécessité républicaine, Libération, 26 nov. 2024.
(4) « Seront punis de la même peine ceux qui, par l'un des moyens énoncés en l'article 23, auront fait l'apologie des crimes visés au premier alinéa, des crimes de guerre, des crimes contre l'humanité, des crimes de réduction en esclavage ou d'exploitation d'une personne réduite en esclavage ou des crimes et délits de collaboration avec l'ennemi, y compris si ces crimes n'ont pas donné lieu à la condamnation de leurs auteurs. »
(5) C. pén., art. 421-1 : « Constituent des actes de terrorisme, lorsqu'elles sont intentionnellement en relation avec une entreprise individuelle ou collective ayant pour but de troubler gravement l'ordre public par l'intimidation ou la terreur, les infractions suivantes :1° Les atteintes volontaires à la vie, les atteintes volontaires à l'intégrité de la personne, l'enlèvement et la séquestration ainsi que le détournement d'aéronef, de navire ou de tout autre moyen de transport, définis par le livre II du présent code ;2° Les vols, les extorsions, les destructions, dégradations et détériorations, ainsi que les infractions en matière informatique définis par le livre III du présent code ;3° Les infractions en matière de groupes de combat et de mouvements dissous définies par les articles 431-13 à 431-17 et les infractions définies par les articles 434-6 et 441-2 à 441-5 ;4° Les infractions en matière d’armes, de produits explosifs ou de matières nucléaires définies par les articles 222-52 à 222-54, 322-6-1 et 322-11-1 du présent code, le I de l'article L. 1333-9, les articles L. 1333-11 et L. 1333-13-2, le II des articles L. 1333-13-3 et L. 1333-13-4, les articles L. 1333-13-6, L. 2339-2, L. 2339-14, L. 2339-16, L. 2341-1, L. 2341-4, L. 2341-5, L. 2342-57 à L. 2342-62, L. 2353-4, le 1° de l'article L. 2353-5 et l'article L. 2353-13 du code de la défense, ainsi que les articles L. 317-7 et L. 317-8 à l’exception des armes de la catégorie D définies par décret en Conseil d’État, du code de la sécurité intérieure ;5° Le recel du produit de l’une des infractions prévues aux 1° à 4° ci-dessus ;6° Les infractions de blanchiment prévues au chapitre IV du titre II du livre III du présent code ;7° Les délits d'initié prévus aux articles L. 465-1 à L. 465-3 du code monétaire et financier. »
(6) « Seront punis des peines prévues par l'alinéa 1er ceux qui, par les mêmes moyens, auront provoqué directement aux actes de terrorisme prévus par le titre II du livre IV du code pénal, ou qui en auront fait l'apologie » (version de l'art. avant la loi n° 2014-1353 du 13 nov. 2014, art. 5).
(7) « Ceux qui, par les mêmes moyens, auront directement provoqué à l'un des crimes et délits portant atteinte aux intérêts fondamentaux de la nation prévus par le titre Ier du livre IV du code pénal, seront punis des mêmes peines. »
(8) « Seront punis de la même peine ceux qui, par l’un des moyens énoncés en l’article 23, auront fait l’apologie des crimes visés au premier alinéa, des crimes de guerre, des crimes contre l’humanité, des crimes de réduction en esclavage ou d’exploitation d’une personne réduite en esclavage ou des crimes et délits de collaboration avec l’ennemi, y compris si ces crimes n’ont pas donné lieu à la condamnation de leurs auteurs. »
(9) Préc.
(10) C. pén., art. 421-2 : « Constituent des actes de terrorisme, lorsqu’elles sont intentionnellement en relation avec une entreprise individuelle ou collective ayant pour but de troubler gravement l’ordre public par l’intimidation ou la terreur, les infractions suivantes […] ».
(11) Dès 1971, la Cour de cassation a jugé que le délit d'apologie de crimes supposait, pour sa réalisation, la glorification d'un ou plusieurs actes ou celle de leur auteur (Crim. 14 janv. 1971, n° 70-90.558). Dans des arrêts ultérieurs, elle a interprété l'apologie comme l'incitation à porter un jugement de valeur morale favorable sur les crimes ou leurs auteurs (Crim. 19 juill. 1988, n° 8590.767 ; Crim. 19 juin 2013, n° 12-81.505).
(12) Crim. 4 juin 2019, n° 18-85.042, Légipresse 2019. 331 et les obs. ; ibid. 483, obs. E. Dreyer ; D. 2019. 1229 ; ibid. 2320, obs. G. Roujou de Boubée, T. Garé, C. Ginestet, M.-H. Gozzi, S. Mirabail et E. Tricoire ; AJ pénal 2019. 448, obs. M. Bendavid.
(13) Projet de loi renforçant la prévention et la répression du terrorisme, Exposé des motifs, disponibles sur le site legifrance.fr.
(14) Cons. const. 19 juin 2020, n° 2020-845 QPC, Théo S., Légipresse 2020. 466 et les obs. ; ibid. 2021. 112, étude E. Tordjman et O. Lévy ; ibid. 291, étude N. Mallet-Poujol ; D. 2020. 1360, et les obs. ; ibid. 2021. 1308, obs. E. Debaets et N. Jacquinot.
(15) Conseil UE, décis.-cadre du 13 juin 2002 relative à la lutte contre le terrorisme, JO L 164 du 22 juin 2002.
(16) Projet de loi renforçant la prévention et la répression du terrorisme, Exposé des motifs, préc.
(17) Cons. const. 18 mai 2018, n° 2018-706 QPC, Jean-Marc R (délit d'apologie d'actes de terrorisme), D. 2018. 1233, et les obs., note Y. Mayaud ; ibid. 2019. 1248, obs. E. Debaets et N. Jacquinot ; Constitutions 2018. 332, Décision.
(18) Crim. 26 juill. 2023, n° 23-83.109, Légipresse 2023. 448 et les obs. ; ibid. 449 et les obs. ; ibid. 549, étude E. Dreyer ; D. 2023. 1463.
(19) CEDH 23 juin 2022, n° 28000/19, Rouillan c/ France, Légipresse 2022. 404 et les obs. ; ibid. 510, chron. C. Bigot ; ibid. 686, obs. H. Leclerc ; D. 2022. 1652, note E. Dreyer ; AJ pénal 2022. 431, obs. M. Lacaze ; RSC 2022. 689, obs. J.-P. Marguénaud ; ibid. 817, obs. X. Pin.
(20) Cons. const. 18 mai 2018, n° 2018-706 QPC, préc.
(21) Exposé des motifs de la proposition de loi : « Depuis, est constaté une recrudescence de personnes mises en cause par la justice pour des faits d'apologie du terrorisme. Le nombre de procédures ouvertes pour ce délit en France explose depuis le 7 octobre 2023. Au 30 janvier 2024, le journal Le Monde rapporte que 626 sont en cours dont 278 à la suite de saisines du pôle national de lutte contre la haine en ligne. S’il est justifié qu’au regard des nombreux propos tenus par des personnes glorifiant les crimes et massacres commis ou incitant à en commettre d’autres aient donné lieu à des condamnations, et pour lequel des incriminations précises existent punies jusqu’à 5 ans de prison et de 45 000 euros d'amende, un certain nombre de procédures déclenchées sont extrêmement inquiétantes et révèlent une attaque sans précédent contre la liberté d'expression dans notre pays. »