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Procédure de presse
/ Cours et tribunaux
01/07/2024
Droit au silence et loi du 29 juillet 1881 : la saga de la simplification de la procédure pénale de presse de retour devant le Conseil constitutionnel
Le Conseil constitutionnel déclare, dans une décision rendue sur question prioritaire de constitutionnalité (QPC), que les dispositions de l'article 51-1 de la loi du 29 juillet 1881, dans leur version issue de la loi du 13 mars 2019, sont inconstitutionnelles. Ces dispositions permettent, par exception au principe de la comparution devant le juge, les mises en examen du chef des délits de diffamation et injure par lettre recommandée avec accusé de réception. Mais elles ne prévoient pas l'obligation pour le juge d'instruction de notifier par écrit à la personne qu'il envisage de mettre en examen son droit fondamental au silence. Pour les Sages, il en découle une violation du principe de respect de la présomption d'innocence garanti par l'article 9 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen.
C'est pour simplifier le carcan procédural applicable aux infractions à la loi sur la presse que la loi de programmation et de réforme de la justice(1) du 23 mars 2019, dite « loi de simplification », contenait des dispositions disparates concernant les règles de procédure, en particulier concernant la mise en examen et le règlement de l'information(2). Parmi ces dispositions, l'article 51-1 de la loi du 29 juillet 1881 instaurait des prescriptions dérogatoires aux modalités de ...
Conseil Constitutionnel, 17 mai 2024, n° 2024-1089 QPC
Maïa Kantor
Avocat au Barreau de Paris
1er juillet 2024 - Légipresse N°427
3244 mots
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(5) Crim. 13 févr. 2024, n° 23-90.023, Légipresse 2024. 86 et les obs.
(6) V. not. Crim. 28 févr. 2012, n° 08-83.926, D. 2012. 741, obs. S. Lavric ; Légipresse 2012. 136 et les obs. ; ibid. 310, comm. F. Masure ; Crim. 28 févr. 2012, n° 08-83.978, D. 2013. 457, obs. E. Dreyer : « Attendu qu'en matière de diffamation, si le prévenu peut démontrer sa bonne foi par l'existence de circonstances particulières, c'est à lui seul qu'incombe cette preuve, sans que les juges aient le pouvoir de provoquer, compléter ou parfaire l'établissement de celle-ci. »
(7) CEDH 25 févr. 1993, n° 10588/83, Funke c/ France, Rev. UE 2015. 353, étude M. Mezaguer ; D. 1993. 457, obs. Pannier ; D. 1993. 387, obs. Renucci ; JCP 1993. II. 22073, note Garnon ; F. Sudre, Droit de la Convention européenne des droits de l'homme, JCP 1994. I. 3742, n° 13 ; D. Viriot-Barrial, La preuve en droit douanier et la Convention européenne des droits de l'homme, RSC 1994. 537.
(8) J. Monin de Flaugergues et C. Guillemin, Le droit au silence n'existe pas en France, Dr. pénal 2024, n° 4.
(9) Cons. const. 2 mars 2004, n° 2004-492 DC, D. 2004. 2756, obs. B. de Lamy ; ibid. 956, chron. M. Dobkine ; ibid. 1387, chron. J.-E. Schoettl ; ibid. 2005. 1125, obs. V. Ogier-Bernaud et C. Severino ; RSC 2004. 725, obs. C. Lazerges ; ibid. 2005. 122, étude V. Bück ; RTD civ. 2005. 553, obs. R. Encinas de Munagorri.
(10) Cons. const. 4 nov. 2016, n° 2016-594 QPC, D. 2017. 395, note A. Gallois.
(11) Mod. par loi n° 2014-535 du 27 mai 2014 ; la loi n° 2011-392 du 14 avr. 2011 a réintroduit le droit au silence à l'article 63-1 (initialement créé par la loi du 15 juin 2000, puis supprimé par la loi du 18 mars 2003 ; v. not. C. Lazergues, La dérive de la procédure pénale, RSC 2003. 644).
(12) Cons. const. 4 mars 2021, n° 2020-886 QPC, D. 2021. 473, et les obs. ; ibid. 2022. 1228, obs. E. Debaets et N. Jacquinot ; v. égal., Cons. const. 9 avr. 2021, n° 2021-895/901/902/903 QPC, D. 2021. 699 : censure d'une disposition prévoyant qu'une personne mise en examen peut se trouver interrogée devant la chambre de l'instruction sans se voir rappelée son droit à rester silencieux.
(13) Cass., ass. plén., 4 juin 2021, n° 21-81.656,D. 2021. 1136, et les obs. ; Rev. sociétés 2021. 650, note H. Matsopoulou ; RSC 2022. 337, obs. H. Matsopoulou. Concernant la notification du droit au silence devant la Cour de justice de la République et les conséquences de l'accomplissement tardif de cette formalité.
(14) À rapprocher, dans une certaine mesure, du principe de protection des sources des journalistes qui resterait bien vain si le droit au silence, dont il est le pendant, n'était pas consacré : ce droit au silence a été consacré pour la première fois en droit interne par la loi n° 93-2 du 4 janv. 1993 qui a créé un art. 109 du c. pr. pén., selon lequel « tout journaliste, entendu comme témoin sur des informations recueillies dans l'exercice de son activité, est libre de ne pas en révéler son origine » ; v. égal., CEDH 27 mars 1996, n° 17488/90, Goodwin c/ Royaume-Uni, AJDA 1996. 1005, chron. J.-F. Flauss ; D. 1997. 211, obs. N. Fricero ; RTD civ. 1996. 1026, obs. J.-P. Marguénaud ; CEDH 22 nov. 2007, n° 64752/01, Voksuil c/ Pays-Bas ; CEDH 5 oct. 2017, n° 21272/12, Becker c/ Norvège ; CEDH 6 oct. 2020, n° 35449/14, Jecker c/ Suisse, Légipresse 2020. 591 et les obs.
(15) C. Bigot, La nouvelle physionomie de l'instruction en matière d'injure et de diffamation, préc.
(16) Pour certains sa notification, mécanique, « n'est en effet qu'une illusion, un rappel introductif inutilement ânonné sans emporter d'effets ni susciter d'attention » ; v. J. Monin de Flaugergues et C. Guillemin, préc.
(17) Crim. 26 oct. 2022, n° 21-85.850, D. 2022. 1970.
(18) Civ. 1re, 5 avr. 2012, n° 11-25.290, Légipresse 2012. 284 et les obs. ; ibid. 371, comm. P. Guerder ; D. 2012. 1588, note C. Bigot ; ibid. 2013. 457, obs. E. Dreyer ; Constitutions 2012. 641, obs. D. de Bellescize ; D. actu. 25 avr. 2012, obs. S. Lavric.
(19) S'agissant, par ex., de l'exercice du droit à l'oubli, corollaire du droit à la vie privée, il n'est possible qu'au regard du respect de la liberté d'expression : CEDH, 4 juill. 2023, n° 57292/16, Hurbain c/ Belgique, Légipresse 2023. 393 et les obs. ; ibid. 502, chron. C. Bigot ; ibid. 540, comm. R. Le Gunehec ; ibid. 2024. 257, obs. N. Mallet-Poujol ; RSC 2023. 647, obs. J.-P. Marguénaud. De même pour le droit à l'image, la notion de contribution à l'intérêt général guide la mise en balance du droit à l'image et de la liberté d ‘expression : v. not. Civ. 1re, 15 janv. 2015, n° 14-12.200, Légipresse 2015. 336 et les obs. ; CEDH 14 janv. 2021, n° 281/15 et n° 34445/15, Mediapart c/ France, Légipresse 2021. 9 et les obs. ; ibid. 149, étude E. Raschel ; ibid. 291, étude N. Mallet-Poujol ; ibid. 2022. 253, obs. N. Mallet-Poujol ; D. 2021. 136, et les obs. ; AJ pénal 2021. 152, obs. S. Lavric ; CEDH 7 févr. 2012, n° 39954/08, Axel Sprinberg Von Hannover c/ Allemagne, qui pose les critères afin d'établir la « balance des droits en présence », Légipresse 2012. 143 et les obs. ; ibid. 243, comm. G. Loiseau ; Constitutions 2012. 645, obs. D. de Bellescize ; RTD civ. 2012. 279, obs. J.-P. Marguénaud.
(20) La CEDH, reconnaissant la nécessité de préserver les archives de la presse, met en balance la liberté de la presse (Conv. EDH, art. 10) et le droit à l'oubli, notion rattachée à la protection de la vie privée (Conv. EDH art. 8).
(21) Cons. const. 17 mai 2024, n° 2024-1088 QPC, D. 2024. 966.