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Infractions de presse
/ Chroniques et opinions
09/04/2024
Loi sur la protection d’élus locaux : nouveaux assauts contre la liberté de la presse et de l’information
L'adoption de la loi du 21 mars 2024 renforçant la sécurité et la protection des maires et des élus locaux a été marquée par une tentative, finalement avortée, de porter à un an la prescription trimestrielle pour tout délit d’injure et de diffamation commis envers les élus et les candidats à une élection. In fine, le texte vient instaurer une peine de travail d'intérêt général pour toutes les injures et diffamations des articles 31 et 33 de la loi de 1881, et aggraver la répression du délit d'atteinte à l'intimité de la vie privée lorsqu'il est commis au préjudice d'un élu ou de sa famille. Ce faisant, le législateur montre qu'il ne comprend plus une loi fondatrice de la République…
Les tribulations de la proposition de loi « renforçant la sécurité et la protection des maires et des élus locaux(1) », définitivement votée le 14 mars dernier dans la version issue de la commission mixte paritaire réunie le 27 février, sont un symptôme frappant de l'incompréhension dont souffre la loi du 29 juillet 1881 parmi nos élus. Plus généralement, elles nous renseignent sur la manière dont la liberté d'expression est appréhendée dans une démocratie envahie par ...
Renaud Le Gunehec
Avocat au Barreau de Paris - Normand et associés
9 avril 2024 - Légipresse N°423
5953 mots
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(1) Loi n° 2024-247 du 21 mars 2024 renforçant la sécurité et la protection des maires et des élus locaux, JO 22 mars.
(2) TGI Paris, 17e ch., 6 déc. 2000, C. Lang c/ T. et R. Meyssan et Association Réseau Voltaire, Légipresse 2001, n° 178, étude E. Derieux ; Légicom 2000, n° 23, p. 153 : « Au contraire, les caractéristiques techniques spécifiques du mode de communication par le réseau internet transforment l'acte de publication en une action inscrite dans la durée, qui résulte alors de la volonté réitérée de l'émetteur de placer un message sur un site, de l'y maintenir, de le modifier ou de l'en retirer, quand bon lui semble et sans contraintes particulières ; par voie de conséquence, le délit, que cette publication ininterrompue est susceptible de constituer, revêt le caractère d'une infraction successive ; que la doctrine définit comme celle qui se perpétue par un renouvellement constant de la volonté pénale de son auteur et qu'elle assimile, au point de vue de son régime juridique, à l'infraction continue : le point de départ de la prescription se situe au jour où l'activité délictueuse a cessé. »
(3) Crim. 30 janv. 2001, n° 00-83.004, D. 2001. 1833, et les obs., note E. Dreyer ; ibid. 2056, chron. P. Blanchetier ; RSC 2001. 605, obs. J. Francillon ; Crim. 16 oct. 2001, n° 00-85.728, D. 2002. 2770, et les obs., obs. C. Bigot ; RSC 2002. 621, obs. J. Francillon.
(4) Cons. const. 10 juin 2004, n° 2004-496 DC, AJDA 2004. 1534, note J. Arrighi de Casanova ; ibid. 1937 ; ibid. 1385, tribune P. Cassia ; ibid. 1497, tribune M. Verpeaux ; ibid. 1537, note M. Gautier et F. Melleray, note D. Chamussy ; ibid. 2261, chron. J.-M. Belorgey, S. Gervasoni et C. Lambert ; D. 2005. 199, note S. Mouton ; ibid. 2004. 1739, chron. B. Mathieu ; ibid. 3089, chron. D. Bailleul ; ibid. 2005. 1125, obs. V. Ogier-Bernaud et C. Severino ; RFDA 2004. 651, note B. Genevois ; ibid. 2005. 465, étude P. Cassia ; RTD civ. 2004. 605, obs. R. Encinas de Munagorri ; RTD eur. 2004. 583, note J.-P. Kovar ; ibid. 2005. 597, étude E. Sales : « Considérant que, par elle-même, la prise en compte de différences dans les conditions d'accessibilité d'un message dans le temps, selon qu'il est publié sur un support papier ou qu'il est disponible sur un support informatique, n'est pas contraire au principe d'égalité ; que, toutefois, la différence de régime instaurée, en matière de droit de réponse et de prescription, par les dispositions critiquées dépasse manifestement ce qui serait nécessaire pour prendre en compte la situation particulière des messages exclusivement disponibles sur un support informatique […] »
(5) « Ce délai est de trois mois. Trois mois, c'est très court, surtout quand les infractions ont été commises dans le cyberespace – ce qui est de plus en plus fréquent – et qu'il faut retrouver l'internaute ou les internautes qui sont les auteurs des messages d'intolérance », JO Sénat CR, séance du 1er oct. 2003, p. 6097.
(6) F. Zocchetto, Rapp. Sénat n° 148, déposé le 14 janv. 2004, p. 172.
(7) V., J.-L. Warsmann et F. Zocchetto, rapp. Ass. nat. N° 1377, déposé le 27 janv. 2004, rapp. Sénat n° 173, ann. Au procès-verbal de la séance du 27 janv. 2004.
(8) V., E. Benbassa, rapp. n° 324 (2012-2013), enregistré à la présidence du Sénat le 30 janv. 2013, au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règl. et d'administration générale sur la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, relative à la suppression de la discrimination dans les délais de prescription prévus par la loi sur la liberté de la presse du 29 juill. 1881.
(9) F. Pillet et T. Mohamed Solihi, L'équilibre de la loi du 29 juillet 1881 à l'épreuve d'internet, rapp. d'information n° 767 (2015-2016), déposé à la présidence du Sénat le 6 juillet 2016 ; ou encore une proposition de loi sénatoriale en 2008.
(10) V. not., CEDH 11 avr. 2006, Brasilier c/ France, n° 71343/01.
(11) Rapport annuel, 1999.
(12) Civ. 1re, 5 avr. 2012, n° 11-25.290, sur QPC, laquelle « ne peut être regardée comme sérieuse dès lors […] que le délai de prescription institué par l'article 65, alinéa 1er, de la loi du 29 juillet 1881 ne porte pas au droit à un recours effectif une atteinte excessive dans la mesure où il procède d'un juste équilibre entre le droit d'accès au juge et les exigences de conservation des preuves propres aux faits que réprime cette loi », Légipresse 2012. 284 et les obs. ; ibid. 371, comm. P. Guerder ; D. 2012. 1588, note C. Bigot ; ibid. 2013. 457, obs. E. Dreyer ; Constitutions 2012. 641, obs. D. de Bellescize.
(15) A. Bloch, « Censure préalable » de Mediapart : compte-rendu de l'audience de rétractation, Dalloz actualité, 28 nov. 2022 ; G. Lécuyer, Le maire, le juge des requêtes ; et puis le journaliste : un « 2 + 1 » paradoxal, Légipresse 2023. 29.
(16) F. Pillet et T. Mohamed Solihi, préc.
(17) Amendement présenté par M.-D. Aeschlimann et a., le 5 mars 2024 (senat.fr/amendements/2023-2024/367/Amdt_7.html).