Signe des temps, la présente chronique traite de sujets et d'objets encore inconnus du droit il y a quelques années, mais bien présents dans notre société dite de l'information : intelligence artificielle, protection des selfies, photographies de mannequins « instagrameurs », sample musical et gimmick, street art (et, à nouveau, Instagram, recommandé par les juges pour trouver les noms des auteurs à citer !). Il est vrai que les décisions judiciaires passent pour être le reflet de la société[[note:1]].
I - Législation
A - Projets, propositions, rapports
1. Proposition de loi. Intelligence artificielle. Droit d'auteur. Une proposition de loi n° 1630 « visant à encadrer l'intelligence artificielle par le droit d'auteur »(1) a été enregistrée à la présidence de l'Assemblée nationale le 12 septembre 2023. L'exposé des motifs affirme que l'évolution exponentielle de l'intelligence artificielle (IA) semble « être une menace et probablement un désastre à venir pour la ...
Christophe Alleaume
Professeur à l’Université de Caen Basse-Normandie, Directeur de l’Institut ...
11 janvier 2024 - Légipresse N°420
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(1) E. Manuel, Cours de culture juridique et judiciaire, 5e éd., Enrick B. Éditions, 2024.
(2) E. Migliore, Proposition de loi visant à encadrer l'intelligence artificielle par le droit d'auteur : une initiative louable mais perfectible, Dalloz actualité, 6 oct. 2023 ; Légipresse 2023.417.
(3) Transposées aux art. L. 122-5, 10°, L. 122-5-3 et L. 342-3, 6°, du CPI.
(4) Ce que vient de faire la SACEM : Communiqué du 12 oct. 2023 ; Légipresse 2023. 518.
(5) CPI, art. L. 113-2, al. 3 : « Est dite collective l'œuvre créée sur l'initiative d'une personne physique ou morale qui l'édite, la publie et la divulgue sous sa direction et son nom et dans laquelle la contribution personnelle des divers auteurs participant à son élaboration se fond dans l'ensemble en vue duquel elle est conçue, sans qu'il soit possible d'attribuer à chacun d'eux un droit distinct sur l'ensemble réalisé. »
(6) CJUE, gr. ch., 29 juill. 2019, aff. C-476/17, Pelham et a. c/ R. Hütter, Légipresse 2019. 452 et les obs. ; ibid. 541, obs. V. Varet ; ibid. 2020. 69, étude C. Alleaume ; D. 2019. 1742, note G. Querzola ; Dalloz IP/IT 2019. 465, obs. N. Maximin ; ibid. 2020. 317, obs. A. Latil ; RTD com. 2020. 74, obs. F. Pollaud-Dulian ; RTD eur. 2019. 927, obs. E. Treppoz ; ibid. 2020. 324, obs. F. Benoît-Rohmer ; CCE 2019. Comm. 75, obs. C. Caron.
(7) CPI, art. L. 113-2, al. 2 : « Est dite composite l’œuvre nouvelle à laquelle est incorporée une œuvre préexistante sans la collaboration de l’auteur de cette dernière. »
(8) P.-Y. Gautier et N. Blanc, Propriété littéraire et artistique, 2e éd., LGDJ, 2023, n° 46 : « Même si la conscience du résultat n'est pas requise, l'empreinte de la personnalité ne peut pas être caractérisée lorsque la création est issue d'une IA ». Adde, V. Serfaty, Les productions de l'intelligence artificielle générative et le droit d'auteur : état des questions et perspectives, CCE 2023. Étude 17.
(9) V. à ce sujet, M. Vivant et J.-M. Bruguière, Droit d'auteur et droits voisins, 4e éd., Dalloz, n° 115, p. 166.
(10) Ce qui ressort de la jurisprudence Pelham, préc.
(11) V., à propos de l'utilité d'une éventuelle contribution des exploitants de systèmes d'IA, C. Alleaume, Intelligence artificielle et droit d'auteur (protéger, contribuer), in Mélanges en l'honneur de la Professeure Annick Batteur, LGDJ, 2021. Mais aussi, C. Castets-Renard, Comment construire une intelligence artificielle responsable et inclusive ?, D. 2020. 225 et s., not. p. 228 ; J.-M. Bruguière, Intelligence artificielle et droit d'auteur, CCE 2020. Étude 11 ; N. Binctin, L'influence de l'intelligence artificielle sur les mécanismes de propriété intellectuelle, in Penser le droit de la pensée. Mélanges en l’honneur de Michel Vivant, Dalloz/LexisNexis, 2020 ; A. Bensamoun, L'intégration de l'intelligence artificielle dans certains droits spéciaux, Dalloz IP/IT 2017. 295 ; Intelligence artificielle, mythe ou réalité ? Le droit mis à l'épreuve. Compte rendu des rencontres Cyberlex du 19 janvier 2017, Légipresse 2017. 316 ; J. Larrieu, Robot et propriété intellectuelle, Dalloz IP/IT 2016. 291 ; J. Groffe, Robot et droit d'auteur, in A. Bensamoun (dir.), Les robots, objets scientifiques, objets de droits, Mare & Martin, 2016, p. 201 ; A. Lebois, Quelle protection juridique pour les créations des robots journalistes ?, CCE 2015. Étude 2 ; J. Larrieu, Le robot et le droit d'auteur, in Mélanges en l’honneur du Professeur André Lucas, LexisNexis, 2014, p. 465.
(12) Paris, 12 mai 2023, n° 21/16270, Légipresse 2023. 269 et les obs. ; ibid. 417, comm. J.-M. Bruguière.
(13) Comp. M. Vivant et J.-M. Bruguière, op. cit., n° 120.
(14) TJ Paris, 23 juin 2023, n° 20/09672,Légipresse 2023. 456 et les obs.
(15) Civ. 1re, 25 mai 2023, n° 22-14.651, Légipresse 2023. 329 et les obs. ; RTD com. 2023. 619, obs. F. Pollaud-Dulian.
(16) À ce sujet, v. la note de J.-M. Bruguière, préc., n° 3, distinguant l'approche objective et l'approche subjective de l'originalité.
(17) Paris, 2 nov. 2022, n° 20/10036,Légipresse 2023. 17 et les obs.
(18) TJ Paris, 11 mai 2023, n° 21/06001, Légipresse 2023. 329 et les obs.
(19) CJUE 20 avr. 2023, aff. C-775/21, Légipresse 2023. 268 et les obs. ; D. 2023. 781 ; Dalloz IP/IT 2023. 260, obs. A. Dépinoy ; JT 2023, n° 266, p. 15, obs. X. Delpech ; RTD com. 2023. 341, obs. F. Pollaud-Dulian ; ibid. 655, obs. P. Gaudrat ; CCE 2023. Comm. 38, obs. P. Kamina.
(20) Il est même jugé au point 56 de l'arrêt que le caractère lucratif « « n'est pas nécessairement une condition indispensable qui détermine l'existence même d'une communication au public ».
(21) Arrêt, pt 54 : « Il convient de tenir compte, notamment, du nombre de personnes pouvant avoir accès à la même œuvre parallèlement, mais également du nombre d'entre elles qui peuvent avoir successivement accès à celle-ci. »
(22) Dir. 2001/29/CE, consid. 27 : « La simple fourniture d'installations destinées à permettre ou à réaliser une communication ne constitue pas en soi une communication au sens de la présente directive. »
(23) CJUE 26 avr. 2017, aff. C-527/15, Légiprsse 2017. 242 ; D. 2017. 983 ; JAC 2017, n° 47, p. 12, obs. E. Scaramozzino ; RTD com. 2017. 346, obs. F. Pollaud-Dulian ; CCE 2017. Comm. 50, obs. C. Caron.
(24) Pt 80.
(25) Pt 79.
(26) TGI Paris, 7 nov. 2019, n° 19/03440.
(27) Ibid.
(28) « Les présomptions qui ne sont pas établies par la loi sont laissées à l'appréciation du juge, qui ne doit les admettre que si elles sont graves, précises et concordantes, et dans les cas seulement où la loi admet la preuve par tout moyen. »
(29) Paris, 10 sept. 2021, n° 19/22618.
(30) Civ. 1re, 8 févr. 2023, n° 21-24.980, Légipresse 2023. 81 et les obs. ; Dalloz IP/IT 2023. 299, obs. G. Querzola.
(31) CJUE, 29 juill. 2019, préc.
(32) C. pr. civ., art. 282 à 284-1.
(33) Civ. 1re, 29 mars 2023, n° 22-13.809, Légipresse 2023. 204 et les obs. ; RTD com. 2023. 327, obs. F. Pollaud-Dulian ; CCE 2023, n° 30, note P. Kamina, et Chron. 8, par B. Montels, n° 6.
(34) P.-Y. Gautier et N. Blanc, op. cit., n° 796 et n° 100 (« communauté d'inspiration »).
(35) Paris, 5 juill. 2023, n° 21/11317,Légipresse 2023. 395 et les obs. ; ibid. 474, comm. B. Domange, P. Allaeys et A. la participation de Baptiste Vetel ; CCE 2023. Chron. 12, § 1, obs. M. Ranouil.
(36) V., P.-Y. Gautier, op. cit., n° 254.
(37) Civ. 1re, 8 févr. 2023, n° 21-23.976, Légipresse 2023. 81 ; Légipresse 2023. 215, note P. Allaeys et B. Domange ; CCE 2023. Chron. 5, par X. Daverat, §§ 2 et 9 ; ibid. Comm. 21, obs. P. Kamina.
(38) Lorsque l'œuvre a été divulguée, l'auteur ne peut interdire : « […] 3° Sous réserve que soient indiqués clairement le nom de l'auteur et la source : / a) Les analyses et courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d'information de l'œuvre à laquelle elles sont incorporées […] »
(40) Civ. 1re, 11 mai 2017, préc., jugeant qu'« en se déterminant […] sans procéder à un examen distinct des photographies entre elles, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ».
(41) Paris, 25 janv. 2023, n° 21/05914,Légipresse 2023. 146 et les obs. : la cour étudie photographie par photographie différents clichés dont l'originalité avait été écartée par les juges de première instance.
(42) CCE 2023. Chron. 5, par X. Daverat, préc.
(43) Civ. 1re, 2 avr. 2009, n° 08-10.194, à propos de la transformation de la chanson « On va s'aimer » en « On va fluncher », RTD com. 2009. 305, obs. F. Pollaud-Dulian ; Civ. 1re, 15 févr. 2005, n° 01-16.297, à propos de la chanson « Femme libérée » également exploitée dans une publicité, RTD com. 2005. 495, obs. F. Pollaud-Dulian ; ibid. 2006. 90, obs. F. Pollaud-Dulian.
(44) Civ. 1re, 8 mars 2023, n° 22-13.854, Légipresse 2023. 146 et les obs. ; Dalloz IP/IT 2023. 412, obs. J. Groffe-Charrier ; RTD com. 2023. 338, obs. F. Pollaud-Dulian; C. Maréchal Pollaud-Dulian, Le fou chantant sort de la boîte, Dalloz actualité, 31 mars 2023 ; RJ com., 3, 30 juin 2023, C. Alleaume, Lexbase n° A29189HK.
(45) Préc.
(46) Crim. 13 févr. 1863, D. 1863. 202, 1re partie.
(47) P.-Y. Gautier, op. cit., n° 266 ; F. Pollaud-Dulian, Le droit d’auteur, 2e éd., Economica, 2014, n° 531.
(49) C. Alleaume, La loi n° 2014-315 du 11 mars 2014 renforçant la lutte contre la contrefaçon, RJ com. 2015. 433.
(50) T. corr. Paris, 24 janv. 2018.
(51) Crim. 15 févr. 2023, n° 21-84.417, Légipresse 2023. 145 et les obs. ; Dalloz IP/IT 2023. 469, obs. C. Chircop et F. Codevelle.
(52) « La juridiction prend en considération distinctement […] » (et non « peut prendre en considération »). V. égal., l'emploi des points-virgules et du « et » cumulatif au 3° du texte, qui est ainsi énumératif et cumulatif.
(53) Dir. 2004/48/CE, art. 13 : « […] Lorsqu'elles fixent les dommages-intérêts, les autorités judiciaires […] peuvent décider, dans des cas appropriés, de fixer un montant forfaitaire de dommages-intérêts, sur la base d'éléments tels que, au moins, le montant des redevances ou droits qui auraient été dus si le contrevenant avait demandé l'autorisation d'utiliser le droit de propriété intellectuelle en question. »
(54) Ce que montrent très bien d'autres art. de cette directive qui distinguent les « cas appropriés » et la « demande de la partie lésée ». Par ex., l'art. 12 : « Les États membres peuvent prévoir que, dans des cas appropriés et à la demande de la personne passible des mesures prévues à la présente section […] ». Ce qui implique que le cas approprié n'équivaut pas à la demande d'une partie au procès.